Au Bangladesh, conditions de vie dangereuses pour les Rohingyas du Myanmar
Au Bangladesh, conditions de vie dangereuses pour les Rohingyas du Myanmar
TEKNAF, Bangladesh, 19 juillet (UNHCR) - Perché sur le bord des rives boueuses de la rivière en crue, avec une vue sur les collines du Myanmar au-delà de la rivière Naf, un groupe de plus de 6 000 Rohingyas du Myanmar vivent dans des conditions précaires et extrêmement risquées à Teknaf, dans le district de Cox's Bazar dans l'extrême sud-ouest du Bangladesh.
« Nous souffrons vraiment ici », dit l'un des membres du groupe Mahjee, des chefs religieux. « Quand il pleut, la pluie descend des collines derrière nous, et pendant les grandes crues, l'eau vient de ce côté », ajouta-t-il, en montrant la rivière Naf qui coule vers le golfe du Bengale quelques kilomètres plus loin. L'eau atteint souvent la hauteur des genoux et endommage leurs abris.
Construits avec le bois de la forêt, des morceaux de plastique et du chaume, les abris de fortune de ce groupe ethnique musulman se trouvent dans la zone inondable, proche de la route. Il n'y a ni eau potable ni installations sanitaires sur le site, ce qui constitue un risque pour la santé, particulièrement pour les jeunes enfants, particulièrement nombreux dans ce groupe.
D'autres Rohingyas du Myanmar, au nombre de 20 500, sont enregistrés dans deux camps tenus par le gouvernement - Kutu Palong et Nayapara - au sud de la ville de Cox's Bazar.
Dans une mission commune vendredi dernier, l'UNHCR, la Commission européenne et des diplomates de cinq pays donateurs ont rendu visite au groupe de Teknaf pour se rendre compte de leur état critique, après avoir instamment demandé, depuis plusieurs mois, au gouvernement du Bangladesh de déplacer le groupe dans un endroit sûr.
« Ils vivent dans des conditions très dangereuses et risquées, dans une région où peuvent survenir des inondations et des cyclones à tout moment durant la mousson », a dit Esko Kentrschynskyj, l'ambassadeur de la Commission européenne, suite à la mission commune de Teknaf.
Depuis l'année dernière, la communauté internationale demande au gouvernement de déplacer d'urgence le groupe, mais jusqu'à présent sans réponse. La Commission européenne fournira une assistance humanitaire d'urgence en ce qui concerne l'eau et le système sanitaire, une fois que le groupe aura été déplacé dans un lieu plus sûr. Néanmoins, le gouvernement et les autorités locales les considèrent comme des immigrants illégaux et disent qu'ils devraient retourner au Myanmar.
« Le groupe des Rohingyas de Teknaf relèvent de la compétence de l'UNHCR, car ils ont fui le Myanmar pour les mêmes motifs de persécution que les réfugiés présents dans les camps, venus ici lors de l'afflux de 1991-92 », explique le délégué de l'UNHCR au Bangladesh, Christopher Lee. « La seule différence est que ces Rohingyas vivaient hors des camps ou sont arrivés après la date butoir de 1994 pour être reconnus réfugiés prima facie, donc ils n'ont pas été enregistrés ».
« Nous sommes venus au Bangladesh parce que nous avions des problèmes en 1992 », affirme un Mahjee. « J'ai été rapatrié en 1994. Nos terres avaient été confisquées et lors de notre retour, on nous a rendu quelques-unes. Puis elles nous ont été reprises. Pire, ils ont déplacé des gens, des Birmans de Rangoun, et les ont installés sur nos terres. Le gouvernement du Myanmar nous a dit 'Vous n'avez pas de nationalité, vous n'avez pas de citoyenneté'. Nous avons été obligés de partir », ajoute-t-il.
Pendant l'exode des réfugiés au début des années 90, quelque 250 000 Rohingyas du Myanmar ont fui à pied ou en bateau vers le Bangladesh voisin et ont été hébergés dans 20 camps. Un nombre indéterminé d'entre eux s'est installé dans la région alentour. Plus de 235 000 Rohingyas ont été rapatriés depuis, laissant les 20 500 qui vivent toujours dans les deux camps tenus par le gouvernement dans le district de Cox's Bazar, dans des conditions de grande précarité.
Le groupe de Teknaf s'est formé après que le gouvernement du Bangladesh ait déplacé quelque 3 600 Rohingyas en 2003, depuis des villages situés dans les régions environnantes où ils avaient vécu depuis dix ans le long de la rivière Naf. Six mois plus tard, ils étaient de nouveau déplacés de deux kilomètres vers le site actuel. Le groupe s'agrandit puisque de plus en plus de Rohingyas ayant des problèmes avec les communautés locales ont aussi rejoint cette région.
Les Mahjees rapportent avoir souffert de mauvais traitements de la part des villageois et des autorités locales avant d'avoir été déplacés sur le site actuel.
Font aussi partie de ce groupe un petit nombre de nouveaux arrivants du Myanmar et quelques « multi-déracinés », terme employé pour désigner les réfugiés qui furent rapatriés au Myanmar et qui l'ont fui de nouveau. Il n'existe pas de chiffre exact quant à la composition du groupe de Teknaf, dont le nombre varie de 6 000 à 10 000 selon les fluctuations de population.
Le groupe de Teknaf lutte pour survivre dans des conditions précaires. Les hommes tentent de travailler en pêchant, en coupant du bois dans la forêt ou en tirant un pousse-pousse, le principal moyen de transport dans cette région surpeuplée, rurale et à la végétation surabondante.
« Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes, surtout médicaux », ajoute un autre Mahjee. « Si nous mangeons une fois, nous devons nous priver de nourriture une autre fois et les enfants ne reçoivent pas d'éducation. Nous sommes musulmans. Nous venons dans un autre pays musulman, mais nous ne trouvons pas la paix. »
Le groupe connaît aussi des problèmes médicaux, notamment la diarrhée, mais ils n'ont pas accès aux soins et manquent d'argent pour acheter les médicaments.
« Nous souffrons beaucoup », avoue une femme, habillée en bleu au lieu de la traditionnelle burka noire et du voile des Rohingyas. « Nous n'avons pas de nourriture ni de médicaments. Nous sommes malades de la diarrhée, nous utilisons l'écorce des arbres comme médicament. Nous mourrons à cause du manque de nourriture et d'eau. Beaucoup de personnes meurent ici. Nous ramassons les feuilles dans la forêt et les cuisinons pour nos enfants. Nous recueillons l'eau des forêts et celle des pluies mais ce n'est pas assez », ajoute une mère de cinq enfants.
Les membres de la mission commune à Teknaf ont affirmé qu'ils poursuivront leurs efforts de collaboration avec le gouvernement pour la mise en oeuvre du transfert humanitaire de ce groupe.
Par Jennifer Pagonis à Teknaf, Bangladesh