Impasse pour les Feili Kurdes en Iran
Impasse pour les Feili Kurdes en Iran
CAMP DE JAHROM, Iran, 28 mai (UNHCR) - Ils ont été chassés d'Iraq il y a près de 30 ans, car ils étaient accusés de ne pas être iraquiens. Après plusieurs décennies d'exil en Iran, il semble que des milliers de Feili Kurdes puissent maintenant rentrer chez eux et retrouver leur nationalité iraquienne. Mais tous ne sont pas convaincus.
« Nous sommes comme la glace fondant en plein soleil. Chacun sait que nous avons été opprimés, mais l'opinion internationale y est indifférente », s'est plaint Jasim Kurt Feili, un représentant de la communauté feili kurde au camp de Jahrom, situé dans la province de Fars au sud de l'Iran.
Les Feili Kurdes disent qu'ils proviennent de la chaîne montagneuse de Zagros en Iran. Pendant des siècles, ils ont habité de deux côtés de la frontière entre l'Iran et l'Iraq dans les régions du Khuzestan et de l'est de l'Iraq. Contrairement aux Kurdes musulmans sunnites du nord de l'Iraq, les Feili Kurdes sont des musulmans chiites. Leurs ancêtres sont partis vivre en Iraq et ils avaient réussi leur intégration dans les communautés locales.
Cependant, sous le régime baasiste de l'ancien Président iraquien Saddam Hussein, dans les années 70, les Feili Kurdes ont été accusés d'être iraniens, ils ont été déchus de leur nationalité et chassé hors du pays. Leur expulsion a continué dans les années 80, durant la guerre Iran-Iraq. Ils sont devenus apatrides, ou sans nationalité, et ils ne pouvaient pas bénéficier des droits et des services accordés par un Etat.
Au pic de la crise, il y aurait eu des centaines de milliers de Feili Kurdes en Iran, vivant dans les provinces frontalières d'Ilam et Ahwaz, ainsi que plus à l'intérieur du pays, dans des camps comme Jahrom, qui est aussi connu comme le camp de Dastgheib.
Quelque 760 personnes à Ilam ont obtenu la nationalité iranienne après une procédure compliquée, alors que leur nombre total a baissé ces dernières années car nombre d'entre eux étaient rentrés en Iraq après la chute de Saddam. Aujourd'hui, ils seraient 7 000 Feili Kurdes enregistrés restant en Iran.
Pour résumer leur dilemme, le chef du camp de Jahrom Gholamneza Ghasbarian a dit, « Quand il rentrent en Iraq, les gens disent que les Feili Kurdes sont iraniens. Mais ici, les gens disent qu'ils sont iraquiens et qu'ils ne devraient pas rentrer. En Iraq, ils sont confrontés à de nombreux problèmes - d'abord il y a l'insécurité. Par ailleurs, ils sont restés si longtemps en exil, qu'ils n'ont sur place ni proches, ni travail et aucune maison où rentrer. »
En 2005, la nouvelle constitution iraquienne a déclaré que les Iraquiens qui avaient été déchu de leur nationalité pourraient maintenant l'obtenir à nouveau après l'avoir demandée, ainsi que leurs droits et leurs biens. Cela semblait une solution légale aux souffrances endurées par les Feili Kurdes, mais la majorité reste pessimiste.
« Nous avons survécu au régime de Saddam, quand nous étions jetés dans des bacs d'acide », a dit Kurt Feili. « Mais vous ne pouvez pas séparer le passé du présent. Il n'y a aucune confiance entre nous et le gouvernement - l'ancien ou le nouveau. En aucun cas, nous ne pouvons rentrer, pour des raisons sécuritaires, politiques et sectaires. »
Il a indiqué que certains de ses amis étaient rentrés en Iraq, et qu'ils ont reçu des cartes d'identité de couleur différente de celles des Iraquiens de souche - une source possible de discrimination. Dans d'autres cas, comme dans les gouvernorats iraquiens de Missan, Wassit et Karbala, la procédure pour retrouver la nationalité serait longue et compliquée.
Sans certificat de nationalité, les rapatriés sont confrontés à des problèmes pour accéder aux services de base comme les soins de santé, l'éducation et l'emploi. Leur liberté de mouvement est aussi limitée.
Selon les Feili Kurdes présents dans le camp de Jahrom, la réinstallation dans un pays tiers est la seule solution possible. « Nous ne demandons pas une réinstallation car nous venons d'un pays pauvre. Après tout, l'Iraq a du pétrole. Ce que nous recherchons, c'est la sécurité et la stabilité pour nos enfants », a ajouté Kurt Feili, l'exaspération se lisant sur son visage. « Nous avons eu des ambassades qui sont venues nous voir pour nous promettre de l'aide. Mais cela fait 28 ans et nous sommes toujours ici. »
Par Vivian Tan au camp de Jahrom, Iran