Les centres communautaires : des régulateurs de la vie dans les camps des réfugiés de l'Est du Tchad
Les centres communautaires : des régulateurs de la vie dans les camps des réfugiés de l'Est du Tchad
IRIDIMI, Tchad, 6 mai (UNHCR) - « C'était le jour du marché, les soldats étaient à cheval. Certains de nos enfants ont été tués par les bombes larguées par des avions sur notre village », explique Dahab. Les scènes d'horreurs sont encore présentes dans tous les esprits, mais à force d'en parler entre eux, ils éprouvent un léger soulagement.
« Il y a une femme que j'ai vue de mes yeux, son bébé de huit mois a été tué par une bombe dans ses bras. La mère a survécu, mais le bébé est mort sur le champ », raconte Aziza.
La plupart des femmes, aujourd'hui réfugiées au camp d'Iridimi, n'ont pas eu le temps de prendre des provisions chez elles. « Nous étions allées chercher de l'eau dans le puits quand l'attaque a commencé. Nous sommes montées sur nos ânes avec les enfants et avons traversé la frontière. Quand nous avons jeté un dernier regard sur notre village, il était en flammes. Les janjawid et militaires se livraient à des scènes de pillage et de viols au milieu d'un vacarme indescriptible », explique Ampal, luttant pour étouffer un sanglot.
Les centres communautaires offrent une sorte de thérapie pour les réfugiés, particulièrement les femmes qui s'y retrouvent pour échanger sur leurs conditions de vie dans le camp et les malheurs endurés pendant les attaques dans leurs villages au Soudan et leur fuite vers le Tchad.
« Il y a des femmes et des filles qui ont été violées, des vieilles et des plus jeunes. Nous n'aimons pas en parler parce que ces sont des actes honteux. Mais nous en parlons entre nous dans les centres, nous nous sentons soulagées et réconfortées », confie Aziza.
Chaque centre communautaire est équipé d'un poste récepteur radio qui permet aux réfugiés de suivre l'actualité ou d'autres programmes radio. Ces centres permettent aussi de mener quelques activités génératrices de revenus.
Assises sur les nattes du centre communautaire composé d'une pièce circulaire, Dahal, Ampal, Nabila et Aziza, quatre femmes réfugiées tricotent en écoutant la radio. C'est l'heure du journal en langue arabe et la concentration est à son comble.
« La situation est plutôt tendue entre le Soudan et le Tchad » commente l'une d'elles, brisant le silence installé dans la pièce pour mieux suivre les informations de la mi-journée. Les autres femmes acquiescent, pensives.
Il existe dans chaque zone un centre communautaire où les gens, sans distinction de sexe ou d'âge, se retrouvent pour discuter ou entreprendre quelques activités manuelles. « Onze centres communautaires sont opérationnels dans le camp d'Iridimi. Leur objectif est de servir de point de rencontre des résidents de chaque zone. Ils constituent une sorte de centre de régulation de la vie », explique Christine Lamarque, chargée des services communautaires au bureau de l'UNHCR à Iriba.
C'est dans les centres communautaires que sont enregistrés les cas de décès, les naissances et les mariages. C'est là aussi qu'un soutien moral ou matériel peut être apporté lors d'événements heureux ou malheureux. « Nous faisons ce que nous pouvons pour permettre aux réfugiés d'observer leurs coutumes », assure Valérie Laforge, chargée des services communautaires pour le compte de CARE International, une ONG partenaire qui assure la gestion quotidienne du camp d'Iridimi.
C'est là aussi que sont discutées les questions d'assainissement et autres sujets tenant à la vie du camp. « Les centres communautaires sont d'une grande utilité pour les réfugiés et facilitent la gestion du camp. C'est là que sont identifiées les personnes les plus vulnérables et les besoins des résidents de la zone pour être relayés ensuite aux gestionnaires du camp », précise Zubida Saleh, Assistante aux services communautaires de Care International à Iridimi.
Le centre communautaire reste le moyen privilégié pour l'UNHCR et ses partenaires qui essayent d'offrir autant que possible une vie normale aux réfugiés du camp, malgré les conditions de vie difficiles et les moyens limités.
Par Bernard NTWARI