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Faire entendre la voix des personnes vulnérables dans les camps du Pakistan

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Faire entendre la voix des personnes vulnérables dans les camps du Pakistan

Bien que les femmes, les enfants et les personnes handicapées représentent plus de la moitié de la population des camps mis en place dans le nord du Pakistan suite au tremblement de terre, leurs besoins spécifiques sont rarement pris en compte. Les travailleurs des services communautaires tentent de faire connaître leurs problèmes.
25 Janvier 2006
Une survivante du tremblement de terre explique sa situation à une employée des services communautaires de l'UNHCR.

BALAKOT, Pakistan, 25 janvier (UNHCR) - La première fois qu'une dispute a éclaté dans leur camp, le commandant Salman et ses hommes se sont réjouis. « C'était brutal. Une femme et sa belle-fille se giflaient l'une l'autre », raconte le commandant avec un sourire. « Mais nous étions très contents parce que cela montrait qu'elles étaient en train de surmonter leur traumatisme et qu'elles revenaient à une vie normale. »

La solution ? « Nous leur avons dit de se respecter mutuellement et nous avons prévenu le chef de famille qu'il devait contrôler la situation », dit le commandant, qui est en charge de plus de 2 800 survivants du séisme installés dans le camp de Bassian, à Balakot, au nord du Pakistan. Néanmoins, la poigne d'un homme n'est pas toujours la meilleure solution lorsque la plus grande partie de la population d'un camp est composée de femmes et d'enfants.

Malheureusement, passées les chamailleries entre belles-familles, les femmes des zones touchées par le séisme au Pakistan s'expriment peu sur les sujets qui les préoccupent. Pour des raisons d'ordre culturel, la plupart préfèrent rester calfeutrées à l'intérieur. Trop embarrassées pour se rendre directement aux latrines des camps, certaines se soulagent dans leur tente, malgré les risques que cela engendre pour la santé. D'autres préfèrent souffrir en silence plutôt que de voir un médecin de sexe masculin.

« Les femmes enceintes n'aiment pas sortir de leur tente. Comme il n'y avait pas de médecin de sexe masculin sur place, nous avons fait venir des femmes médecins pour s'occuper d'elles », raconte Noreen, chargée de la mobilisation des communautés pour Best, une des organisations opérationnelles partenaires de l'UNHCR.

Aujourd'hui, l'équipe de Best a amené des femmes médecins cubaines au camp de Lighthouse à Barakot. Un nombre surprenant de femmes est venu pour se faire examiner. Tandis que la tension artérielle des femmes âgées est prise, les jeunes filles se font traiter contre la gale. Les femmes enceintes sont, elles, dirigées vers l'hôpital mobile cubain installé à Bassian. Il dispose en effet d'une salle d'opération et des équipements nécessaires pour des échographies, des radiographies, des examens pédiatriques, orthopédiques, gynécologiques et de médecine interne.

Les médecins et les infirmières, qui ne parlent pas urdu et s'expriment dans un anglais limité, trouvent, d'une manière ou d'une autre, le moyen de communiquer avec leurs patients. « Nous parlons tantôt espagnol, tantôt anglais, tantôt urdu, mais principalement nous utilisons la langue des signes », dit le docteur cubain en haussant les épaules. « Nous nous comprenons parfaitement. »

Certains sujets sont plus difficiles à aborder. « Parfois je leur demande si elles veulent avoir d'autres enfants », raconte Nadira Mehrnwaz, chargée des services communautaires pour l'UNHCR. « Elles disent, 'Non, par la grâce de Dieu ! Mais nous ne savons pas quoi faire pour l'éviter.' Elles demandent des moyens de contraception et je les dirige vers l'hôpital pour le contrôle des naissances. »

En tant qu'agence chef de file pour la gestion des camps, l'UNHCR envoie des équipes chargées des services communautaires pour identifier et répondre aux besoins des personnes vulnérables comme les veuves, les enfants non accompagnés et les handicapés dans les camps.

« Nous sommes allés au camp de Ghazikhot et avons vu ce garçon qui n'a plus de jambes, marchant sur les mains. Nous avons cherché pour lui un fauteuil roulant et en avons reçu un de l'armée. Le visage du petit garçon s'est illuminé dès qu'il l'a vu », raconte Nadira Mehrnwaz, dont l'équipe a aussi distribué des béquilles pour les jeunes filles handicapées des camps de Balakot.

Les enfants valides ont aussi besoin de protection. A Batagram, où se situe le camp de Maidan à côté d'une route empruntée par d'importants convois humanitaires, Elin Kjorholt, chargée des services communautaires, a fait pression pour obtenir un ralentisseur. « Il était certain qu'un accident allait se produire. Les enfants traversaient précipitamment la route, alors que passaient de nombreux camions. Grâce à ce ralentisseur, les voitures doivent maintenant ralentir lorsqu'elles passent devant le camp. »

Pendant ce temps, au camp de Mundihar près de Mansehra, les employés de l'UNHCR et de Best discutent d'hygiène avec un groupe de femmes. « Vous devez vous laver les mains avant de manger, laver vos ustensiles dans une bassine et jeter l'eau », dit une employée de Best. « C'est bien de se doucher tous les jours et de se couper les ongles. Quand vous devez faire vos besoins, allez aux latrines, au lieu de vous soulager dans votre tente. Vous devez nettoyer la tente régulièrement. »

Au sein de la multitude de femmes aux voiles multicolores, une voix s'élève : « Oui, nous suivons vos instructions tous les jours ! »

Cette déclaration entraîne une vague de commentaires dans toute l'assistance. Tout le monde a une opinion et la foule devient de plus en plus animée, voire bruyante. Des bras s'agitent dans tous les sens, faisant entendre le cliquetis des bracelets. Après avoir écouté les propos des travailleurs humanitaires, elles osent enfin exprimer leurs vraies préoccupations.

« Je n'ai pas reçu la compensation financière à laquelle j'avais droit dans ma ville d'origine, car j'étais ici dans le camp. Comment puis-je la réclamer ? » demande une vieille femme.

« Ma maison s'est écroulée au cours d'un éboulement », raconte une autre femme. « Maintenant le terrain n'existe plus et ma maison est quelque part au pied de la montagne. Pouvez-vous demander au gouvernement de me donner une nouvelle parcelle ? »

Une survivante du tremblement de terre explique sa situation à une employée des services communautaires de l'UNHCR.

L'équipe chargée des services communautaires ne dispose pas d'assez d'information pour les aider immédiatement, mais note leurs coordonnées pour les communiquer aux autorités compétentes. La seule consolation pour ces femmes qui ont perdu leur maison est d'avoir pu enfin se faire entendre. C'est le travail des employés des organisations, comme l'UNHCR et Best, de s'assurer que la voix de ces femmes soit entendue haut et fort.

Par Vivian Tan à Balakot, au nord du Pakistan