Un ancien réfugié accueille chaleureusement les rapatriés burundais
Un ancien réfugié accueille chaleureusement les rapatriés burundais
BUJUMBURA, Burundi, 11 janvier (UNHCR) - En ce samedi après-midi, Tatien Ndajujuta est en route vers l'aéroport pour accueillir deux familles de réfugiés burundais. Ils rentrent chez eux après presque 10 ans passés à Lubumbashi, en République démocratique du Congo (RDC). Tatien est venu à l'aéroport pour les aider, au nom de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, à remplir les formalités d'entrée au Burundi.
S'il sait si bien ce qui les attend, ce n'est pas seulement en raison de son travail pour l'UNHCR, mais surtout parce que lui et sa famille ont suivi le même chemin il y a maintenant 18 mois.
Comme des dizaines d'anciens réfugiés travaillant aujourd'hui pour l'UNHCR au Burundi, Tatien utilise son expérience personnelle d'ancien réfugié dans le cadre de son travail quotidien. En sa qualité d'assistant aux opérations de rapatriement, il accueille les réfugiés rapatriés au Burundi, arrivant par avion de divers pays tels que la Zambie, le Malawi, la Belgique ou le Bénin. Parmi eux, il salue parfois quelques personnes qu'il connaît ou qu'il a rencontrées en exil.
« Une personne qui a été un jour réfugiée a des réactions différentes de celle qui n'a jamais eu à fuir ou à vivre dans un camp », raconte Tatien. « Grâce à cette connaissance intime de la vie d'un réfugié qui est la nôtre, nous sommes sans doute plus à même de comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les réfugiés ainsi que leurs attentes. »
Lorsque Tatien rencontre des rapatriés à l'aéroport, il sait combien l'angoisse d'atterrir dans un lieu associé aux horreurs de la guerre peut réveiller de vieilles terreurs. Il comprend ce que l'on peut ressentir en trouvant sa maison détruite et la difficulté d'avoir à reconstruire une nouvelle vie dans un pays qui a beaucoup changé.
Il a lui-même dû surmonter ces défis lorsqu'il a décidé de mettre un terme à presque neuf années d'exil, au cours desquelles lui, sa femme et leurs trois enfants se sont rendus du Burundi au Bénin, en passant par la RDC et la Tanzanie.
Depuis janvier 2005, près de 70 000 réfugiés burundais sont rentrés dans leur pays, la plupart après avoir quitté les camps situés en Tanzanie. Plus de 400 000 Burundais vivent encore en exil.
L'exil de Tatien a commencé en 1995, lorsqu'il a dû fuir Ouvira, en RDC, car il était personnellement visé. Employé en tant que journaliste par la télévision nationale burundaise, il raconte qu'un simple différend professionnel avec un directeur de l'information a ensuite dégénéré en une menace de mort proférée à son encontre par une milice extrémiste en raison de son appartenance ethnique - à un moment où des centaines de milliers de personnes fuyaient le Burundi en raison d'un conflit interethnique.
Les jours paisibles de la famille de Tatien à Ouvira ont été de courte durée. Lors du début d'une guerre dans l'est de la RDC en 1996, la famille a dû fuir à nouveau. « Nous avons commencé à marcher vers le sud, en pensant que l'attaque se finirait rapidement », se rappelle Tatien. « Nous n'avons rien pris avec nous car nous nous attendions à rentrer rapidement. » Mais le grondement des armes ne semblait jamais s'arrêter alors que la famille poursuivait sa fuite. Après plusieurs jours de marche, le seul espoir de trouver à nouveau la paix les a emmenés jusqu'en Tanzanie, avec notamment une périlleuse traversée du lac Tanganyika pendant la nuit dans un canoë surchargé.
« Il faisait nuit quand nous sommes arrivés dans le camp en Tanzanie. Il avait plu. Je me souviens distinctement avoir vu quelques mamans faire un feu avec du bois mouillé afin de préparer de la nourriture pour leurs enfants sans aucun ustensile, dans un vieux bidon d'huile. Quand je suis sorti de la tente collective le premier matin, j'ai perdu tout espoir. Il semblait qu'il n'y avait plus rien pour nous là-bas. Mes yeux se sont remplis de larmes. »
En dépit de cette première impression négative, la famille de Tatien s'est habituée à la vie au camp de Kasulu, où ils ont habité avec des milliers de compatriotes pendant cinq ans, dirigeant un restaurant et aidant à la création d'une école secondaire.
« J'ai toujours su que nous rentrerions un jour au Burundi. J'espérais que les gens se fatigueraient de la guerre. » Et le moment est arrivé de faire ses valises à nouveau mais pas pour rentrer à la maison. Une grande chance a été offerte à la famille : la réinstallation au Bénin. Le retour de la paix dans son pays d'origine paraissant encore lointain, la famille a alors traversé le continent africain à la recherche d'une vie meilleure.
L'expérience a été difficile et le désir de rentrer au Burundi est devenu de plus en plus fort. Depuis Cotonou, la capitale du Bénin, Tatien et sa femme ont suivi de près les pourparlers de paix à Arusha. Dès que le retour est paru possible, la famille est rentrée dans son pays d'origine.
« C'était comme si nous arrivions à nouveau dans un pays étranger, les visages avaient changé », dit Tatien. « Mais les gens ont été gentils avec nous. Je n'ai éprouvé aucun ressentiment. Je l'ai toujours dit : pourquoi tuer un homme ? Vous ne pouvez rien en retirer. Il vaut mieux tuer une vache : au moins vous pouvez manger sa viande. »
Peu après son retour, Tatien a été recruté par l'UNHCR. Maintenant, à l'aéroport de Bujumbura, il sourit quand il voit ceux qui arrivent depuis Lubumbashi portant leurs plus beaux vêtements. Les petites filles vêtues de leurs habits du dimanche découvrent leur pays d'origine, comme l'ont fait les propres enfants de Tatien tout récemment.
Cela lui rappelle quand, il n'y a pas si longtemps, des étrangers visitaient son camp en Tanzanie et découvraient, à leur grand étonnement, que « les réfugiés étaient propres et bien habillés ».
Un autre souvenir lui revient en mémoire. Récemment, Tatien s'est rendu dans les camps tanzaniens en tant qu'employé de l'UNHCR pour accompagner une délégation burundaise. Il a alors revu les autorités tanzaniennes qu'il avait connues en tant que réfugié.
« L'un d'entre eux a demandé pourquoi j'étais là et j'ai répondu que je travaillais pour l'UNHCR au Burundi. Il a paru surpris et a dit en plaisantant 'Oh, après tout, tu avais donc bel et bien un avenir devant toi !' »
Par Catherine-Lune Grayson à Bujumbura, Burundi