Collecte de fonds pour l'éducation de jeunes réfugiées au Kenya grâce à un concert de musique classique
Collecte de fonds pour l'éducation de jeunes réfugiées au Kenya grâce à un concert de musique classique
GENEVE/DADAAB, 12 mai (UNHCR) - Ils sont venus écouter un concert de musique classique et repartent avec l'écho de voix de réfugiées résonnant dans leur coeur. Parmi ces voix, celle de Farida, une jeune Somalienne vivant dans le camp de Dadaab, au Kenya.
Farida, 19 ans, n'était pas sur place le jour du concert de bienfaisance de l'Orchestre de chambre de Lausanne, sous la direction du célèbre pianiste et chef d'orchestre Christian Zacharias, au Bâtiment des Forces motrices à Genève. Mais elle était présente, spirituellement et visuellement, son visage illuminant le grand écran au-dessus de la scène.
« Aujourd'hui, en Afrique, près de 500 000 enfants réfugiés n'ont pas accès à l'éducation », a déclaré Linda Merieau, chargée des partenariats d'entreprise à l'UNHCR, à un auditoire de 600 personnes réunies dans la salle. « Mais Farida a eu une chance extraordinaire. Elle fait partie de la minorité de jeunes filles ayant trouvé une place sur un banc d'école, dans le camp de Dadaab. Elle adore lire et écrire et rêve de devenir journaliste, et comme elle a obtenu son certificat de l'école secondaire, son rêve pourrait bientôt devenir réalité. »
L'histoire de Farida illustre bien le succès de « Ensemble pour les jeunes filles » (« Together for Girls »), une initiative de l'UNHCR ayant pour but de promouvoir et d'encourager l'accès des jeunes réfugiées à l'enseignement. Comme elle, Habibo Bishar Mohamed a bénéficié des efforts déployés en vue de scolariser les jeunes filles. Agée de 19 ans, la jeune réfugiée vient d'être sélectionnée comme l'une des meilleurs élèves non seulement du camp de Dadaab mais aussi de l'immense province du Nord-Est du Kenya. Ses résultats lors de l'obtention du certificat de l'école secondaire, en 2004, lui ouvrent grand les portes de l'université.
« Ma mère m'a emmenée à l'école en dépit des protestations de plusieurs personnes qui ne voulaient pas que les filles soient scolarisées », raconte Habibo. « Les deux dernières années ont été très difficiles parce que Maman était rentrée en Somalie et que j'ai dû m'occuper de mes frères et soeurs. Il fallait que j'aille chercher de l'eau et que je leur prépare à manger avant d'aller en classe. »
Habibo est l'une des 18 réfugiées de Dadaab qui se sont présentées à l'examen du cycle secondaire au Kenya. Les résultats de l'école du camp ont progressé de manière spectaculaire, avec 63 élèves ayant obtenu la mention minimum requise, soit C+, pour entrer à l'université, contre seulement 24 l'année précédente.
« Nous sommes très fiers de nos élèves cette année, surtout des adolescentes, qui doivent affronter tellement d'obstacles culturels comme le mariage à un très jeune âge, l'excision, ainsi que de l'inertie de la communauté face à leur sort », a expliqué Toshiro Odashima, délégué de l'UNHCR à Dadaab.
« Si vous vous rendez dans une salle de classe à Dadaab, en plus du manque de livres et de matériel scolaire, vous remarquerez que les élèves de sexe féminin ne sont pas inscrites dans le carnet d'enregistrement. Il y a plusieurs raisons. Souvent, peut-être, parce qu'il n'y a pas de toilettes pour femmes et qu'elles restent chez elles à cause de ça », poursuit Linda Merieau. « Dans les classes supérieures, il y a aussi moins de filles que de garçons parce que certaines sont déjà mariées, enceintes ou travaillent pour faire vivre leur famille. »
L'an passé, l'UNHCR a lancé, avec le soutien de Nike et de Care, « Ensemble pour les jeunes filles », une initiative encourageant les jeunes filles à ne pas abandonner l'école, à s'y intégrer pleinement, notamment grâce au sport. C'est pour cela qu'il a été décidé d'accorder une place importante aux activités sportives, comme le volley-ball, le netball et le badminton.
« Pour que les jeunes réfugiées puissent plus facilement faire du sport, nous leur avons fourni des tenues répondant à certaines exigences, tant culturelles que climatiques, leur permettant de se mouvoir sans être trop découvertes ni avoir trop chaud », a précisé un membre de Care.
Les écolières reçoivent aussi des trousses sanitaires et 57 latrines ont été construites à leur attention.
Vu les récents résultats des examens, les jeunes réfugiés de Dadaab sont pleins d'espoir. Ahmed Ismail Mohamed, qui a obtenu la mention B+, a été classé meilleur étudiant de toute la province du Nord-Est. Le lauréat de l'an passé, Abass Hassan Mohamed, quant à lui, vient d'obtenir une bourse d'études pour l'université de Princeton, aux Etats-Unis, où il envisage d'étudier la médecine.
« Les bénéfices du concert de Genève permettront aux jeunes réfugiées d'aller à l'université. Jusqu'à présent, elles ne pouvaient pas croire que c'était possible », a confié Linda Merieau. « A présent, non seulement elles osent espérer devenir médecin, avocate ou politicienne, mais sont aussi prêtes à empêcher de nouveaux exodes, comme celui qu'elles ont vécu. »
Le concert d'hier soir, organisé avec le Lion's Club de Genève, a réuni 20 000 francs suisses (plus de 16 000 dollars) pour l'initiative « Ensemble pour les jeunes filles ».
Par Emmanuel Nyabera à Dadaab et Haude Morel à Genève