L'Argentine offre soins et soutien aux femmes réfugiées victimes de violence
L'Argentine offre soins et soutien aux femmes réfugiées victimes de violence
BUENOS AIRES, Argentine, 4 janvier (UNHCR) - Elle sont nées dans des parties du globe aussi éloignées que possible l'une de l'autre. Rien ne semble rapprocher Marisa*, une femme mariée originaire du Pérou et mère de deux garçons, qui travaillait auparavant dans un magasin de spiritueux, et Mervat*, une professeur de mathématique célibataire venue d'Algérie.
Et pourtant, toutes deux sont réfugiées en Argentine et partagent un parcours personnel difficile. L'un et l'autre ont été victimes de violence, simplement parce qu'elles sont des femmes. Dans le langage onusien, cela s'appelle de la violence sexuelle et à l'encontre des femmes. Marisa a fui un mari abusif qui l'a un jour frappée si fort qu'elle a perdu le bébé de cinq mois qu'elle portait alors.
En Algérie, Mervat a fait l'objet d'un harcèlement incessant de la part d'hommes qui ne pouvaient accepter qu'elle travaille, certains d'entre eux insistant pour qu'elle porte le voile ou le hijab. Elle a failli perdre un oeil lorsqu'un homme lui a jeté une pierre au visage alors qu'elle quittait son travail. La situation s'est ensuite encore dégradée, au point de la contraindre à s'absenter de son travail et à rester pratiquement une année entière à la maison.
Ces deux femmes n'ont pu exercer plusieurs de leurs droits humains fondamentaux dans leurs pays, inclus le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit de ne pas subir de traitements cruels ou dégradants, le droit de travailler et le droit à l'égalité de protection devant la loi.
« La police se comportait avec indifférence, comme si elle-même était la cible des groupes d'opposition islamique », raconte Mervat. Elle a finalement eu le sentiment que, pour vivre en paix, il lui fallait quitter l'Algérie. Des délais ayant retardé l'obtention de son visa pour la France, elle s'est finalement enfuie en Argentine, à l'autre bout de la planète.
Au Pérou, Marisa a tenté à deux reprises d'échapper à son époux violent en se rendant dans la capitale Lima. Mais des connaissances l'ont forcée à retourner auprès de son mari. Ne pouvant plus supporter cette situation, elle a décidé de s'enfuir en Argentine, le pays hispanophone le plus éloigné d'Amérique latine.
En Argentine, Marisa et Mervat font partie des premières femmes à avoir obtenu le statut de réfugiés sur la base des violences qu'elles ont endurées - la première en 2004 et la seconde en 2005.
Dans le cadre d'une évolution particulièrement bien accueillie, la nouvelle loi sur les réfugiés, adoptée par l'Argentine et approuvée par le Congrès en novembre, s'efforce de garantir que les femmes qui font l'objet de violences reçoivent les soins et le soutien psychologiques appropriés. En vertu de cette nouvelle législation, le comité national pour les réfugiés, qui était d'ors et déjà sensibilisé à la question des femmes confrontées à de telles situations, est chargé de respecter les lignes directrices développées par l'UNHCR sur la question des femmes et des violences sexuelles et perpétrées à leur encontre.
Ces mesures sont le reflet de la volonté croissante de l'Argentine de renforcer son action contre les violences faites aux femmes. Dans ce pays, quatre femmes sur dix souffrent d'abus d'ordre émotionnel, physique ou sexuel, et quelque 6 000 plaintes pour violence sexuelle sont reçues chaque année par la police. On estime toutefois que le nombre réel d'abus dépasse largement ces chiffres.
A Buenos Aires, où vivent la plupart des réfugiés, un observatoire des violences sexistes et un système uniformisé de prévention des violences familiales, domestiques et sexuelles ont été créés en 2006.
« Les violences sexistes étant intimement liées aux discriminations dans une multitude d'autres secteurs, une approche commune dans les différents domaines d'action gouvernementale tels que la santé, l'éducation et la justice va certainement nous permettre de mieux aborder les problèmes sous-jacents », explique Beatriz Leonardi, coordonnatrice du programme sur les violences contre les femmes à Buenos Aires.
Les organisations non gouvernementales sont également en train d'adopter une approche globale pour traiter des questions de violences faites aux femmes.
Natividad Obeso, une femme réfugiée originaire du Pérou, a collaboré à la création de plusieurs associations d'aide aux femmes réfugiées et immigrées, dont le premier centre pour femmes réfugiées et migrantes victimes de violences.
« C'est après avoir écouté ces femmes victimes de violence faire le récit répété de leurs douloureuses histoires que la nécessité de créer un endroit où leurs besoins puissent être entendus nous est apparu comme une évidence », indique Madame Obeso.
Le centre fournit une assistance juridique, sociale et psychologique, avec l'aide de professionnels argentins qui travaillent en tant que bénévoles. Les fondateurs du centre espèrent également pouvoir mener des recherches sur les violences à l'encontre des femmes.
Flor Rojas, qui est responsable de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés en Amérique Latine du sud et coordonnatrice du groupe de l'ONU en charge des questions de genre, salue les efforts de l'Argentine, tout en soulignant l'importance de la prévention.
« Nous devons travailler tous ensemble, non seulement pour permettre aux femmes de trouver une aide externe et de se libérer de relations violentes, mais également pour apaiser les frustrations et la colère des hommes, qui sont souvent le moteur à l'origine de leurs actes violents. Nos efforts doivent aussi porter sur les facteurs sociaux et culturels qui entretiennent ces comportements », ajoute-t-elle.
« Tout particulièrement en ce qui concerne les époux et les fils de familles réfugiées ou migrantes, nous devons nous assurer que nous prenons en compte de manière équitable leur besoin de voir leur amour propre, leur intégration et leur autosuffisance renforcer. Alors seulement nous pourrons réellement espérer éliminer ce terrible fléau qu'est la violence sexuelle et sexiste. »
* Noms modifiés à des fins de protection
Par Juan Pablo Terminiello et Nazli Zaki à Buenos Aires, Argentine