Une commune afghane surgit de la boue et des mines
Une commune afghane surgit de la boue et des mines
BENEWORSIK, Afghanistan, 21 juin (UNHCR) - Arriver jusqu'à la municipalité de Beneworsik est un problème. Il faut dépasser la base aérienne de Bagram, dans la province de Parwan, au nord-ouest de Kaboul, puis continuer vers les montagnes et tourner à gauche, dans une vaste étendue de boue. Après avoir pataugé pendant environ 20 minutes, le 4X4 arrive enfin, maculé de boue, dans un hameau de maisons à moitié construites, au milieu de nulle part.
En fait, pas exactement nulle part - la municipalité de rapatriés de Beneworsik se trouve près d'un stand de tir de l'armée afghane. « Nous ne sommes pas inquiets, nous avons vécu bien pire, des bombardements, des tirs de roquettes », dit Halim, un des habitants les plus âgés, alors que les coups de feu résonnent au loin.
Halim fait partie des 220 familles de réfugiés rapatriés qui ont reçu, l'année dernière, des parcelles de terres du gouvernement dans leur province natale de Parwan. Beaucoup d'entre eux sont revenus du Pakistan entre 2002 et 2004, mais ils ne possédaient pas de terre. Ils vivaient à Kaboul, dans des bâtiments publics ou sous des tentes. Halim a fait campagne pendant les élections parlementaires de 2005 et s'est fortement mobilisé en faveur des squatteurs de Kaboul pour qu'ils reçoivent de la terre à Parwan. Il n'a pas gagné mais, en août dernier, il a reçu des parcelles de terre pour ses proches.
Grâce à un programme gouvernemental d'attribution de terrains pour les rapatriés et les déplacés internes afghans sans terre qui a débuté en 2005, plus de 3 800 familles ont emménagé dans des municipalités à travers tout le pays. La demande dépasse largement la quantité de terres disponibles en Afghanistan, un pays montagneux. Le gouvernement a reçu 344 000 demandes pour des terrains, mais il n'a pu, jusqu'à présent, en satisfaire que moins d'un tiers. Jusqu'à deux ans peuvent se passer entre le moment de la demande et le moment où la terre est attribuée.
Cinq sites ont été sélectionnés comme municipalités pilotes et sont actuellement en cours de construction dans les provinces de Nangarhar, Baghlan, Herat, Ghazni et Logar. Des infrastructures vont être développées dans les secteurs de l'eau, des routes et de l'hébergement. Les services de base, comme la santé et l'éducation, sont toutefois rarement prévus et les opportunités d'emploi sont quasiment inexistantes.
Le Ministère afghan des réfugiés et du rapatriement prévoit la construction de dix sites supplémentaires l'année prochaine, pour autant que les zones proposées soient viables.
Beneworsik n'est pas une des municipalités pilotes, mais les choses s'y sont plutôt bien déroulées, si l'on considère les circonstances défavorables. Les autorités ont transféré ici les résidents juste avant l'hiver, ce qui a causé une émergence humanitaire car la zone était minée et dépourvue de toute infrastructure et de tout service. L'UNHCR a demandé qu'un minimum de services essentiels soient fournis et le Centre de l'action antimines des Nations unies pour l'Afghanistan est intervenu pour sonder et déminer la zone après l'arrivée des résidents.
Pendant les mois d'hiver, de la nourriture et des articles de secours ont été fournis par l'Equipe de reconstruction de la province, la Bayat Foundation et Kinderberg, entre autres. L'UNHCR a distribué 144 kits pour des hébergements d'une pièce pour les familles les plus vulnérables, mais nombre d'entre elles n'ont pas pu achever le travail à temps et ont passé l'hiver sous des tentes.
« C'était le premier hiver, nous nous attendions à ce que les choses soient difficiles », indique Halim, qui paye 120 dollars pour son carré de terrain de 375 mètres carré. « Mais l'hiver prochain, la maison sera finie. Il y a toujours des problèmes d'équipements et d'emploi, mais nous remercions le gouvernement de nous donner un terrain et nous sommes heureux d'avoir un foyer. »
Son voisin, Mohammed Sadique, a ajouté, « Pendant quatre ans, j'ai dormi sous une tente, près du stade de Kaboul avec ma famille. Ici et à Kaboul, ce n'est pas comparable. Même si là-bas nous pouvions travailler, nous avions vraiment besoin de terrain. Maintenant au moins nous avons un toit. »
Le Ministère afghan des réfugiés et du rapatriement a creusé des puits, mais les pompes tombent souvent en panne et en été, elles ne fournissent pas suffisamment d'eau, pour la boisson et la construction. D'autres équipements de base manquent encore. « J'attends avec impatience que mes enfants puissent aller à l'école, même si c'est juste une école sous la tente », a expliqué Rogul, une mère de trois enfants. L'UNHCR travaille avec l'UNICEF et d'autres agences pour fournir une éducation pour tous.
Selon Mohammed Sadique, c'est l'isolement qui est préoccupant. « Il n'y a pas de chemin nous reliant à la route et aucun transport public ne viendra ici, avec toute cette boue. Parfois nous marchons jusqu'au district voisin. Cela prend trois heures et nous ne pouvons rien faire d'autre de la journée », dit-il, en ajoutant : « Que va-t-il se passer si quelqu'un est malade ? » Le gouvernement a mis en place un centre de santé dans cette zone et une organisation humanitaire bangladaise vient vacciner les enfants.
« Le manque d'emploi est un gros problème ici. S'il y a une route, cela nous aidera pour aller travailler », a expliqué Mohammed Sadique. Cependant, il est confiant : « Nous attendons davantage de familles venant de Kaboul. Nous avons déjà défini leurs terrains pour 200 afghanis (quatre dollars) par jour, mais quand ils viendront, ils auront besoin de construire leur maison, peut-être aussi des écoles et des cliniques. Nous espérons qu'alors nous aurons du travail. »
Khan Aga a créé son propre emploi et construit une maison. Ce rapatrié âgé de 19 ans possède la seule moto de la ville et fait des navettes vers le marché pour acheter de l'essence qu'il revend avec une marge de cinq afghanis le kilo. Il gère aussi une petite boutique vendant des produits d'épicerie et des articles domestiques.
Avec une capacité pour 12 000 familles, il y a de la place pour que la ville de Beneworsik puisse encore grandir. « Je veux une maison avec de la verdure », indique Khan Aga, en montrant un petit carré maraîcher devant la maison voisine de sa soeur où elle a planté des oignons, des pommes de terre et des poireaux. Il faudra du temps pour se sentir comme à la maison à Beneworsik, cependant si des cultures sont possibles, alors il y a de l'espoir pour l'installation des rapatriés.
Par Vivian Tan à Beneworsik, Afghanistan