De difficiles vacances à la mer en Syrie pour certains jeunes Palestiniens
De difficiles vacances à la mer en Syrie pour certains jeunes Palestiniens
AL TANF, Syrie, 30 juin (UNHCR) - Cela semblait pourtant être une bonne idée. Emmener un groupe d'enfants palestiniens au bord de la mer pour les aider à échapper à la monotonie et aux difficultés de leur vie sans perspectives le long de la frontière aride entre l'Iraq et la Syrie.
Mais cela s'est avéré difficile pour la plupart des enfants emmenés il y a quelques jours à Tartus, ville syrienne au bord de la mer Méditerranée, en provenance du camp d'Al Tanf dans lequel ils vivent avec leurs familles depuis des mois après avoir fui Bagdad, la capitale iraquienne ravagée par la violence.
La soudaine liberté de mouvement, la brise fraîche de la mer, l'abondance de nourriture et de boissons et les rires des autres enfants ont montré à ces neuf enfants ce qui leur manquait et ce qui leur manquerait à nouveau une fois rentrés à Al Tanf à l'issue de leur semaine de vacances.
Ils font partie d'un groupe de plus de 750 réfugiés palestiniens bloqués depuis près de deux ans à Al Tanf, incapables d'entrer en Syrie et incapables de retourner à Bagdad. Ils vivent dans un minuscule no man's land parmi les serpents et les scorpions et doivent endurer la chaleur torride, avec l'espoir qu'un pays se manifeste et leur offre une chance d'être réinstallés.
Il est vite devenu évident que tous les enfants - à l'exception d'un seul - à qui une autorisation spéciale d'aller sur la côte avait été accordée par le Gouvernement syrien, étaient trop traumatisés pour apprécier et profiter de cette courte parenthèse hors de leur réalité avec d'autres jeunes dans une colonie de vacances à Tartus.
« Ces enfants ont connu d'énormes difficultés et le changement d'environnement a eu un impact sur eux. Ils sont fermés, blessés par la vie. Ils n'ont pas l'habitude d'avoir des contacts avec le monde extérieur, avec tant d'autres enfants », a déclaré le surveillant du camp Feras Shihabi qui travaille pour l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA).
Le personnel du camp n'a pas forcé les Palestiniens à se joindre aux activités de la semaine, comme nager, danser, chanter, participer à des spectacles de clowns et à des fêtes quotidiennes. Huit d'entre eux ont préféré rester dans leur chambre, dans l'obscurité, en se morfondant loin de leurs familles.
« Je suis ici pour si peu de temps. Quel sens cela a-t-il de s'inscrire dans des activités alors que je vais bientôt repartir à Al Tanf ? », a demandé Sarab, en estimant que le camp créait un sentiment erroné d'optimisme.
Sa compatriote Naba a déclaré que si elle se mêlait au groupe, cela lui rendrait la vie beaucoup plus difficile quand elle repartirait à Al Tanf. « Je ne suis pas heureuse, je dois quitter cette colonie de vacances immédiatement », a-t-elle dit, en ajoutant : « Le premier jour, j'étais heureuse mais pas le deuxième jour. Nous ne sommes pas habitués à cette vie heureuse et nous devons rester forts pour supporter notre sort douloureux. »
Hussam Muktar, un Iraquien employé par l'agence des Nations Unies pour les réfugiés en tant que travailleur social, a expliqué qu'il ressentait la souffrance endurée par les enfants. « Al Tanf est comme une prison - et aucun enfant ne pourra jamais s'épanouir dans une prison. Ils ne peuvent pas s'en aller car ils n'ont pas le droit d'entrer en Syrie, ni nulle part ailleurs. Ils ne peuvent pas revenir en arrière parce qu'ils sont menacés en Iraq, ainsi que leurs familles. »
A l'inverse, d'autres réfugiés palestiniens participant à la colonie - notamment 24 enfants menant une vie plus facile dans le camp d'Al Hol géré par l'UNHCR au nord de la Syrie - ont profité au maximum de leurs vacances, beaucoup d'entre eux apprenant à nager dans la mer d'un bleu de cristal. Au bout de quelques jours, ils ont commencé à éviter leurs compatriotes d'Al Tanf, incapables de saisir leur colère et leur déprime.
Quand Muktar s'est rendu dans la colonie de vacances, certains des enfants d'Al Tanf se sont ouverts en entendant son accent iraquien, mais ils étaient encore trop renfermés pour le regarder dans les yeux.
« Quand vous regardez ces enfants, même s'ils ont le même âge que tous les autres enfants de la colonie de vacances, leurs yeux, le langage de leurs corps vous montrent qu'ils ont souffert plus que tout autre enfant. Cela fait mal de percevoir leur traumatisme dans chacun de leurs mouvements », a dit Muktar.
L'UNHCR fournit une aide aux réfugiés palestiniens en Iraq et en Syrie. En collaboration avec l'UNRWA, l'agence recherche des solutions pour les réfugiés se trouvant à la frontière à Al Tanf et à Al Waleed.
« Il est évident que nous devons transférer tous les Palestiniens bloqués à la frontière iraquienne. Nous pouvons répondre à leurs besoins matériels en nourriture, eau et abris mais le fait est que ce lieu ne sera jamais habitable », a déclaré Philippe Leclerc, représentant adjoint de l'UNHCR à Damas.
L'UNHCR, l'UNRWA et le Croissant-Rouge palestinien s'occupent des Palestiniens à Al Tanf, tandis que l'UNHCR, le Secours islamique et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) se partagent la tâche à Al Waleed.
Les habitants des deux camps à la frontière supportent incendies, inondations et températures extrêmes. On estime à 15 000 le nombre de Palestiniens qui restent à Bagdad, contre environ 30 000 début 2003. Ils ont fui pour échapper aux menaces des milices, aux enlèvements et aux massacres. Quelques centaines ont été réinstallées dans des pays tiers.
Par Sybella Wilkes et Covadonga de la Campa, Al Tanf, frontière Iraq-Syrie