Erika Feller porte un regard neuf sur la situation afghane
Erika Feller porte un regard neuf sur la situation afghane
TEHERAN, République islamique d'Iran, 27 février (UNHCR) - Les réfugiés afghans présents en Iran et au Pakistan hésitent à rentrer chez eux, au vu de la détérioration de la situation sécuritaire en Afghanistan et des difficultés pour subvenir à leurs besoins sur place.
Cette question a été soulevée par la Haut Commissaire assistante en charge de la protection, Erika Feller, qui terminera sa mission de cinq jours en République islamique d'Iran mercredi, après avoir voyagé dans le pays pour rencontrer des réfugiés et réfléchir avec les autorités iraniennes sur la façon de gérer cette nouvelle phase de la situation des réfugiés afghans.
« Ce qui m'a frappée durant cette visite, c'est la quantité de situations diverses vécues par les réfugiés afghans et par le fait qu'ils sont principalement préoccupés par le manque de sécurité en Afghanistan quant à un éventuel retour chez eux », a indiqué Erika Feller, Haut Commissaire assistante de l'UNHCR en charge de la protection, après s'être rendue dans la province du Sistan-Balouchistan, située dans le sud-est du pays, dans la ville de Mashad dans le nord-est à proximité de la frontière avec l'Afghanistan et dans la région entourant Téhéran.
Quelque 920 000 réfugiés afghans se trouvent en Iran. Nombre d'entre eux sont présents dans le pays depuis plus de 20 ans, après avoir fui plusieurs vagues successives de conflit survenues dans leur pays, de l'invasion soviétique en 1979 au régime taliban établi de 1996 à 2001.
« Durant le pic de retour des réfugiés observé en 2004, près de 5 000 personnes rentraient chaque jour en Afghanistan. En 2007, c'est le nombre total de personnes qui sont rentrées pour toute l'année. Nous nous trouvons donc à un tournant et nous devons réfléchir à l'avenir avec les autorités iraniennes pour ceux qui restent ici », a noté Erika Feller. Plus d'un million et demi d'Afghans sont rentrés dans leur pays depuis 2002, dont 846 000 personnes avec l'aide de l'UNHCR.
« L'Iran a accueilli des réfugiés afghans sur son territoire depuis plus de vingt ans et ce pays a établi une solide réputation d'assistance. Les réfugiés ont généralement accès aux soins de santé de base et à l'éducation. Ils ne subissent aucune menace de retour forcé », a indiqué Erika Feller. « J'ai entendu de nombreuses fois combien les réfugiés s'identifient à une partie de cette culture, nombre d'entre eux étant nés ici et ne connaissant pas d'autre pays », a-t-elle ajouté.
Les réfugiés avec lesquels s'est entretenue Erika Feller dans plusieurs parties du pays ont listé leurs principales préoccupations concernant le retour dans leur pays, comme le manque de sécurité, d'emplois, d'éducation, de cliniques et d'accès à la terre en Afghanistan.
« Investir dans l'éducation, les compétences et la capacité des réfugiés est réellement important pour qu'ils puissent contribuer réellement une fois de retour en Afghanistan à la reconstruction de leur pays, ou - s'ils partent dans un nouveau pays - pour recommencer une nouvelle vie », a indiqué Erika Feller, qui a rencontré un grand nombre de réfugiés étudiants qui souhaitent continuer d'aller à l'école.
En octobre, la région du Sistan-Balouchistan a été déclarée zone interdite pour les réfugiés et les étrangers à cause de la criminalité survenant dans la région, notamment le commerce de la drogue, la traite d'êtres humains et le terrorisme. Des réfugiés afghans sont préoccupés car ils doivent choisir entre une relocalisation en Iran, soit dans des camps soit dans des villes, ou le retour dans le cadre d'une situation intenable en Afghanistan.
« L'une des conséquences pourrait être une perte possible du statut de réfugiés pour les personnes optant pour ce choix », a indiqué Erika Feller.
Quelque 83 000 réfugiés vivent dans la région du Sistan-Balouchistan, notamment Mohamed Rustum, qui habite avec sa famille dans le bidonville de Shir Abad, un quartier de la capitale provinciale Zahedan. « Pourquoi devrions-nous rentrer en Afghanistan ? Là-bas, il n'y a ni terre, ni ciel », a-t-il dit à Erika Feller. Mohamed Rustum a indiqué que, comme de nombreux Afghans illettrés de Zahedan, il a travaillé comme ouvrier agricole pour subvenir aux besoins de sa famille.
Dans le cadre du programme de relocalisation, certains réfugiés, comme des étudiants ou ceux qui ont des problèmes de santé, peuvent aller dans des villes. Mais les réfugiés craignent de perdre l'environnement de soutien dont ils bénéficient actuellement et ils ont peur de ne pouvoir s'adapter à la vie urbaine ou celle dans un camp.
« Ils choisissent de vivre ici pour la culture. Ils vivent dans des conditions confortables ici, comme avant en Afghanistan. L'idée de vivre dans un camp est très étrange pour eux », a indiqué un membre du personnel de l'UNHCR à Zahedan. Certains réfugiés ont dit qu'ils se sentaient rejetés dans les villes car ils n'y ont aucun proche.
Des femmes réfugiées afghanes, qui peuvent travailler de façon informelle et circuler librement en Iran, craignent de devoir subir des restrictions en Afghanistan. Nombre d'entre elles travaillent en tant que bonnes dans des familles iraniennes, ce qui serait impossible pour elles en Afghanistan.
Erika Feller a aussi discuté des préoccupations des réfugiés avec l'organisation gouvernementale pour les réfugiés - le Bureau des Etrangers et de l'Immigration - et des défis pour l'avenir. Elle espère se rendre en Afghanistan et au Pakistan dans les prochains mois, pour avoir une vue globale de la situation des réfugiés afghans.
L'examen de la situation afghane fait partie d'une initiative de l'UNHCR pour porter un regard neuf sur différentes situations de réfugiés prolongées à travers le monde.
Par Jennifer Pagonis à Téhéran, République islamique d'Iran