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« L'incertitude que nous ressentons – c'est celle que ressentent chaque jour les réfugiés »

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« L'incertitude que nous ressentons – c'est celle que ressentent chaque jour les réfugiés »

La fermeture des frontières et les restrictions de mouvement ont posé des défis sans précédent à la façon dont le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, répond à une crise d'urgence. Voici cinq points que Raouf Mazou, le Haut Commissaire assistant du HCR chargé des opérations, a retenus alors que le HCR soutient les efforts des communautés déracinées pour prévenir et lutter contre la pandémie de Covid-19.
9 Juin 2020
Jaëlle, 24 ans et déplacée congolaise, reçoit un téléphone mobile et une carte SIM dans la province du Nord-Kivu, où le HCR distribue des allocations d'aide en espèces par le biais des téléphones mobiles à des milliers de familles vulnérables.

 

(1) Nos préparatifs pour la prévention et la lutte contre la propagation du Covid-19 dans un camp de réfugiés bondé sont sur le point d’être testés.

Le scénario qui nous a tous tenus éveillés récemment toutes les nuits commence à devenir réalité au fur et à mesure qu’émergent les premiers cas de coronavirus dans les camps de réfugiés. Nous avons passé plusieurs semaines à nous préparer à cette éventualité, à construire des installations d’isolement et de traitement, à renforcer la réponse en termes de soins de santé, à adapter la façon dont nous fournissons les services et l’aide pour assurer un certain niveau de distanciation sociale – ce qui est extrêmement difficile dans un camp ou une installation de réfugiés – et à réduire le nombre de fois où les réfugiés doivent se réunir en distribuant des articles de secours à l’avance et en plus grande quantité, comme par exemple le matériel de réparation pour les abris, le savon et d’autres articles d’hygiène ainsi que le combustible pour faire la cuisine. Nous avons également travaillé avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des instituts de recherche pour modéliser le déroulement probable d’une épidémie, afin de planifier nos efforts plus efficacement et d’atténuer les répercussions.

Le chef de notre bureau au Bangladesh, où se trouve le plus grand vaste camp de réfugiés au monde – qui compte 860 000 réfugiés – a déclaré que les préparatifs ont été plus intenses que tout ce qu’il a jamais connu au cours de sa carrière au HCR depuis son travail en Bosnie pendant les conflits des Balkans dans les années 1990. La différence, c’est que la pandémie de Covid-19 touche toutes les régions du monde, y compris le siège du HCR à Genève.

Des cas ont également été signalés au Kenya, sur l’île grecque de Lesbos, et dans des pays où les conflits se poursuivent, comme en Libye et au Yémen, où il y a un grand nombre de réfugiés et de migrants, mais peu de soins de santé appropriés à moins que des organisations humanitaires n’interviennent.

Dans l'installation de Kalobeyei au Kenya, les réfugiés pratiquent la distanciation physique en attendant une distribution de savon, de jerrycans et de bois de chauffage.

(2) La pandémie n’est pas seulement une urgence sanitaire. C’est aussi une urgence sociale et économique.

Environ 85 pour cent parmi plus de 20 millions de réfugiés relevant de la compétence du HCR vivent dans des pays en développement. Beaucoup étaient confrontés à des problèmes économiques avant que l’arrivée du coronavirus ; aujourd’hui, des millions de personnes à travers le monde ont perdu leurs revenus. Même les pays qui affichaient un bon rendement économique ont été durement touchés par la perte de marchés d’exportation et de transferts de fonds depuis l’étranger.

Nous avons également découvert que les réfugiés en milieu urbain qui n’avaient pas auparavant besoin de l’aide du HCR ont désormais besoin de notre soutien. Nous avons donc demandé des ressources supplémentaires, dans le cadre de l’appel global des Nations Unies pour des financements en cas de crise, afin d’obtenir une aide financière pour les aider à acheter de la nourriture, à payer le loyer et à acheter des articles de première nécessité. Au fur et à mesure que les activités économiques redémarreront, ces personnes auront besoin d’aide pour retrouver leur indépendance financière.

L’aide humanitaire que nous fournissons ne peut être que limitée. La mobilisation des ressources pour faire inclure les personnes déracinées dans les « filets de sécurité » des régimes de protection sociale est donc notre priorité. Nous travaillons avec des institutions financières internationales – comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la Banque asiatique de développement – qui fournissent un soutien aux pays mis à rude épreuve pour voir comment ils peuvent inclure, dans leurs efforts pour leur relèvement économique, les réfugiés, les déplacés internes et d’autres personnes relevant de notre compétence.

La pandémie a empêché Lorena, 37 ans, une Vénézuélienne déplacée à Quito en Équateur, de voir sa fille, même si elle vit dans la même ville. Elle partage son colis d'aide alimentaire avec ses voisins.

(3) … ce qui signifie que le Pacte mondial sur les réfugiés est plus nécessaire que jamais.

Le Pacte mondial sur les réfugiés est un modèle de coopération internationale, car le nombre de personnes déracinées à travers le monde ne cesse d’augmenter. L’esprit de cette nouvelle donne, c’est que nous avons tous un rôle à jouer pour venir en aide aux personnes déracinées et aux communautés qui les accueillent; en adoptant une approche globale de la société, nous renforçons les systèmes nationaux de prestation de services et l’infrastructure existante pour inclure les réfugiés, plutôt que de mettre en place des structures parallèles telles que des camps. Aider les réfugiés à devenir plus autonomes réduit le risque de dépendance tout en soutenant les systèmes économiques locaux.

La pandémie a privé les gens de leur gagne-pain sans aucune discrimination, qu’ils soient réfugiés ou non. Elle n’a pas de frontières. Elle ne discrimine personne. Il faut donc une réponse collective. Il y a et il y aura toujours une action humanitaire urgente nécessaire dans les communautés d’accueil autant qu’au sein des populations déracinées. Les gouvernements, les institutions financières internationales et l’aide humanitaire doivent venir en aide à tous, sans aucun laissé pour compte.

Jalal, un ancien chef cuisinier qui a fui la violence et la persécution à Mossoul en Irak, perçoit 140 dinars (205 dollars) d'aide en espèces du HCR auprès d'un guichet automatique à Amman, en Jordanie.

(4) Les restrictions et les obstacles imposés par le Covid-19 nous ont fait travailler plus intelligemment.

Dans certains endroits, nous n’avons pas été en mesure de communiquer physiquement avec les réfugiés en raison des restrictions de déplacement. Les moyens que nous avons mis au point pour faire face à cette situation nous seront encore utiles, une fois la pandémie passée.

Par exemple, nous avons augmenté l’utilisation des téléphones mobiles et des applications de messagerie auxquelles ont accès les réfugiés. Le recours aux centres d’appels pour offrir des conseils et un appui a augmenté de façon spectaculaire. Et nous avons accéléré l’introduction de services innovants, tels que le support informatique qui permet aux réfugiés de mettre à jour leurs données personnelles, y compris l’enregistrement numérique des certificats de naissance.

Il ne s’agit pas de réduire les contacts physiques avec les réfugiés; il s’agit de mieux gérer ces contacts, de réduire le temps d’attente à l’extérieur des bureaux du HCR, par exemple, accorder de l’aide à quelqu’un dans une localité éloignée pour lui éviter de devoir payer un taxi ou un billet d’autobus pour venir nous voir.

Et en ce qui concerne les camps et les installations, nous sommes beaucoup plus attentifs à ce qui peut être dirigé et géré par les réfugiés eux-mêmes – diffuser l’information, orienter les personnes vulnérables vers les services, lutter contre les incendies, les tempêtes, les inondations et d’autres catastrophes, surveiller la santé des personnes vulnérables, fournir des services de nettoyage et des installations d’assainissement ainsi que construire des routes, des ponts et d’autres infrastructures. Dans de nombreux contextes, les réfugiés sont des acteurs clés des efforts de réponse.

Un opérateur portant un masque de protection répond aux questions des réfugiés par téléphone au centre d'appel du HCR et du Programme alimentaire mondial à Beyrouth, au Liban.

(5) Nous avons tous eu un petit avant-goût de la vie dans l’incertitude à laquelle sont confrontés les réfugiés.

La crise que nous traversons tous actuellement, l’incertitude que nous ressentons – c’est ce que ressentent chaque jour les réfugiés. Le gouvernement connait des défaillances, il y a une guerre civile, vous perdez votre maison, vous devez fuir et tout abandonner derrière vous, vous vous retrouvez sur la route en situation de déplacement, tout ce que vous aviez, vous l’avez perdu…

Évidemment, l’expérience des réfugiés est beaucoup plus extrême que ce que nous vivons – mais cette notion de changement soudain dans la façon dont une personne vit et travaille est quelque chose que cette crise nous aidera à mieux comprendre.

Raouf Mazou est le Haut Commissaire assistant du HCR chargé des opérations. Il dirige les opérations de l’organisation pour venir en aide aux réfugiés, aux déplacés internes et aux apatrides à travers le monde.