Rapport intérimaire sur les consultations informelles concernant la fourniture d'une protection internationale a tous ceux qui en ont besoin
Rapport intérimaire sur les consultations informelles concernant la fourniture d'une protection internationale a tous ceux qui en ont besoin
EC/46/SC/CRP.34
RAPPORT INTERIMAIRE SUR LES CONSULTATIONS INFORMELLES CONCERNANT LA FOURNITURE D'UNE PROTECTION INTERNATIONALE A TOUS CEUX QUI EN ONT BESOIN
I. GENERALITES
1. Dans de nombreuses régions du monde, des personnes continuent d'être forcées à fuir leur pays ou à se déplacer involontairement suite à la persécution, à des violations graves des droits de l'homme, aux conflits armés, aux troubles internes et aux situations de violence généralisée qui menacent leur sécurité ou leur liberté. Dans certains cas, les apatrides se voient également refuser le respect des droits fondamentaux de l'homme et la protection nationale, ce qui précipite leur déplacement.
2. Des millions de gens subissant ce sort sont protégés en leur qualité de réfugié ou de personne déplacée à l'intérieur du territoire. Certains d'entre eux sont toutefois traités comme des cas humanitaires non assimilables à des réfugiés; ils se voient parfois refuser toute forme de statut humanitaire. Certaines des personnes dont les demandes sont rejetées, sous prétexte qu'elles n'ont pas besoin de protection internationale, se voient intimer l'obligation de rentrer dans leur pays mais ne peuvent y retourner en raison du danger auquel elles peuvent être confrontées. L'ambiguïté de cette situation réside dans le fait que les personnes relèvent de la compétence statutaire du HCR en matière de protection internationale mais reçoivent la protection des Etats sur une base discrétionnaire. Elle est également ambiguë du fait des différences nationales et en particulier régionales dans la portée de la protection, notamment en réponse aux afflux massifs et à la définition du terme de réfugié.
3. Le fait que des personnes, non couvertes par la Convention de 1951 et le Protocole de 1967, aient cependant besoin de protection internationale est largement reconnu, y compris par le Comité exécutif. Le défi à relever pour s'assurer que ces personnes reçoivent une protection internationale consiste à obtenir un consensus sur les mesures à prendre; plus précisément, à identifier le contenu et la nature de cette protection sans s'éloigner des instruments internationaux en matière de réfugiés.
II. APERCU
4. Un large consensus s'est dégagé sur le fait que l'application du droit international est essentiel pour l'instauration de relations amicales et pacifiques entre les Etats. Il peut être intéressant de réfléchir sur le processus d'élaboration d'un droit international dans le domaine du déplacement forcé, domaine qui a été le théâtre de nombreuses initiatives de réglementations tant internationales que régionales. Les approches régionales et les tentatives d'harmonisation sont précieuses pour l'élaboration du droit mais d'un point de vue global, la progression a été inégale et pose la question de la consolidation du droit au niveau international.
5. Un examen global des normes et des approches en matière de protection internationale pourrait se révéler utile pour le débat actuel. Le HCR a pour fonction statutaire la promotion de la ratification de conventions internationales sur les réfugiés, la supervision de leur application et la proposition d'amendements à ces instruments ainsi que la promotion d'accords spéciaux avec les gouvernements, l'exécution de toute mesure visant à améliorer la situation des réfugiés et à réduire le nombre de ceux qui ont besoin d'une protection (par. 8 a) et b) du Statut du HCR). Cette entreprise se fonde sur le rôle plus large des Nations Unies dans la promotion du développement progressif du droit international et de sa codification.
6. A partir de 1994, le Comité exécutif a examiné plus en détail le concept de la protection internationale et, en 1995, il a encouragé le HCR à mener des consultations et des débats concernant les mesures visant à assurer une protection internationale à toutes les personnes en ayant besoin. Le Comité exécutif a réaffirmé son appui au rôle du HCR dans l'élaboration de principes directeurs à cette fin, conformément aux principes fondamentaux de protection consignés dans les instruments internationaux et a invité le HCR à organiser des consultations informelles en la matière. Cette position a été entérinée par l'Assemblée générale dans sa résolution 50/152.
7. L'évolution et le débat récents ont indiqué que des consultations informelles sur l'élaboration de principes directeurs devaient être envisagées sur le long terme, afin d'être globales et normatives. Le HCR a organisé une première réunion informelle à Genève les 2 et 3 mai 1996, rassemblant un nombre limité d'experts des gouvernements et des milieux intellectuels pour un échange initial de vues sur ce sujet.
8. Les objectifs de la première réunion informelle, dans le cadre du débat général et non exhaustif des questions actuelles en matière de déplacement forcé, étaient d'identifier les questions à développer ultérieurement afin d'assurer une protection internationale à tous ceux qui en ont besoin; établir les normes internationales applicables ou leur absence et identifier les domaines où il convient d'élaborer un consensus international; ainsi que l'examen du processus le mieux à même de trouver une solution à ces questions. Le résumé qui suit présente au Comité exécutif sous forme synthétique les exposés et discussions et ne reflète pas en détail toutes les opinions exprimées par les participants.
III. RESUME
A. Identification de sujets à discuter
9. L'ordre du jour annoté non exhaustif indiquait les domaines possibles où les questions en suspens avaient un impact négatif sur les personnes ayant besoin d'une protection internationale et les participants ont été invités à identifier tout autre domaine similaire afin de restreindre les domaines clés devant être examinés lors des consultations futures. Il a été noté que l'application de la Convention de 1951 en limitait la portée, ce qui se traduisait par des inadéquations dans le régime de protection internationale. Une application plus stricte de la Convention de 1951 éviterait toutefois l'émergence de certaines de ces inadéquations. La nécessité de replacer la protection des réfugiés dans le contexte universel des droits de l'homme et de ne pas élaborer de normes distinctes et plus étroites pour ce groupe vulnérable a été mentionnée. Le thème dominant de la Déclaration universelle des droits de l'homme peut être vu comme une libération de la crainte : ceci, a-t-il été suggéré, doit être considéré comme l'objectif de la protection internationale. Les dimensions régionales de la question ont également été mentionnées, notamment le fait que les lacunes dans une région du monde peuvent ne pas être problématiques dans une autre région. Les exposés et les débats qui ont suivi se sont polarisés sur les domaines suivants :
B. Mandat du HCR
10. L'évolution constante et l'adaptation du mandat du HCR depuis le statut de 1950 illustrent le consensus international visant à confier au HCR des responsabilités spécifiques concernant plusieurs catégories de personnes. L'exposé a révélé la dichotomie entre les responsabilités institutionnelles conférées au HCR et les obligations fréquemment plus limitées formellement acceptées par les Etats. Les responsabilités apparemment diffuses confiées au HCR ont conduit certains participants à s'exprimer sur la difficulté qu'il y a à appréhender le mandat élargi du HCR dans son ensemble. D'autres participants ont affirmé la nécessité de se conformer strictement aux obligations contenues dans la Convention de 1951, particulièrement au vu de l'évolution régionale. Certains participants ont estimé qu'il serait intéressant de fusionner les différents documents décrivant le mandat du HCR et exposant les engagements correspondants des Etats.
C. Elaboration du régime de protection temporaire
11. Bon nombre de personnes ayant besoin d'une protection internationale ne sont pas couvertes par la Convention de 1951 telle qu'elle est appliquée par certains Etats. Les origines du concept de la protection temporaire et ses fondements juridiques ont été précisés. La protection temporaire a été décrite comme un élément d'approche globale face à des situations de réfugiés particulières, approches qui peuvent être décrites comme orientées vers le retour ou les solutions. Elle a été décrite comme un régime complémentaire visant à aider les Etats à faire face aux afflux massifs engendrés par le conflit. La question de savoir si l'ampleur de l'afflux (en cas d'afflux massif) a une incidence sur les droits et normes applicables a été soulevée. Au cours du débat, certains participants ont lancé une mise en garde selon laquelle la protection temporaire qui laisse les mesures de protection nationale entièrement à la discrétion administrative des Etats pourrait affaiblir le régime de protection internationale. Le concept de critère de référence pour mettre un terme au régime de protection temporaire a été discuté. Certains experts ont encouragé le HCR à développer plus avant les aspects liés au retour de la protection temporaire en tant qu'élément indispensable pour l'avenir de ce régime. La définition des domaines nécessitant une analyse juridique et les aspects nécessitant un consensus politique renforceraient la clarté des discussions ultérieures. Parmi les domaines où une analyse complémentaire serait requise, les participants ont cité les objectifs de la protection temporaire, la définition de ses bénéficiaires, de sa durée, des normes de traitement et son lien avec la Convention de 1951 ainsi que les questions liées au retour. Si certains ont jugé qu'un nouveau consensus ou des principes directeurs pourraient affaiblir les engagements pris aux termes de la Convention de 1951, il a été largement admis que la protection temporaire nécessitait une base juridique adéquate.
D. Questions spécifiques en matière de protection
12. Les thèmes regroupés sous cette rubrique comprenaient la persécution sexo-spécifique, la détention de demandeurs d'asile, le traitement et le retour de personnes n'ayant pas besoin d'une protection internationale, l'article 35 de la Convention de 1951 et le fondement juridique du rapatriement librement consenti. Sur ces thèmes, la détention et l'application de l'article 35 ont suscité le débat le plus animé et ont été jugés mériter un examen ultérieur. Il y a également eu un débat sur le retour de personnes n'ayant pas besoin d'une protection internationale et le rôle éventuel du HCR dans ce domaine, lié au processus satisfaisant de détermination du statut de réfugié.
13. Dans le contexte du débat sur la détention, les participants ont indiqué que les conclusions du Comité exécutif devaient se conformer aux normes actuelles sur les droits de l'homme. Il a été suggéré que la conclusion adoptée par la trente-septième session du Comité exécutif (A/AC.96/688, par. 128) sur cette question soit revue. Concernant le traitement et le retour des personnes n'ayant pas besoin de protection internationale, les principales difficultés concernant cette question ont été soulevées sous des angles différents. La question de la responsabilité de l'Etat quant à la réadmission de nationaux a suscité le débat tout comme la question précise du droit de l'individu à rentrer dans son pays. Il a également été fait référence à la prévention de l'apatridie dans le contexte des difficultés de réadmission.
14. L'utilisation faite de l'article 35 de la Convention et le meilleur moyen pour le HCR d'exercer son autorité en matière de supervision ont été discutés de façon approfondie, des suggestions novatrices ayant été faites concernant les systèmes d'établissement de rapports ainsi que sur les problèmes de ces structures compte tenu de la réticence des Etats à assumer des fonctions supplémentaires en matière d'établissement de rapports au plan international. Différentes procédures de suivi des traités ont ainsi été citées. L'article 35 1) constitue une base juridique solide pour la supervision et le HCR a été encouragé à envisager de nouvelles initiatives concernant sa mise en oeuvre.
15. Les principales questions émergeant du symposium venant d'avoir lieu sur la persécution liée à l'appartenance sexuelle ont été brièvement discutées. Les participants ont affirmé que la meilleure façon d'étudier ce problème était de rédiger et de diffuser des principes directeurs afin de faire prendre conscience de cette question et d'assurer la protection. Les échanges sur le rapatriement librement consenti se sont appuyés sur les conclusions du Comité exécutif et les participants ont estimé que si la Convention de 1951, contrairement à la Convention de l'OUA, ne traitait pas de cette question, une nouvelle codification au niveau universel présentait moins d'intérêt pour la résolution de cette question que de nouveaux efforts en direction d'une réconciliation au niveau politique. Certains participants ont souligné l'importance des activités du HCR dans les pays d'origine en tant que contribution à la création de conditions pouvant encourager un rapatriement librement consenti précoce.
E. Action préventive
16. Parmi les questions regroupées sous cette rubrique, la protection des personnes déplacées à l'intérieur du territoire et celle des apatrides ont reçu le plus d'attention. La question de la responsabilité de l'Etat n'a suscité qu'un débat limité en dépit de l'intérêt soutenu marqué pour cette question par le Comité exécutif ces dernières années. Il a été pris note du rapport du représentant du Secrétaire général pour les personnes déplacées à l'intérieur du territoire en 1996 qui contient un recueil et une analyse des normes juridiques applicables. Peu de lacunes au plan normatif ont été décelées dans la protection des personnes déplacées à l'intérieur du territoire mais de nombreuses déficiences au plan de l'application et du consensus en la matière ont été mentionnées. Les critères d'intervention du HCR en faveur des personnes déplacées à l'intérieur du territoire ont été discutés, surtout du fait que le HCR ne s'occupe que de 6 des 26 millions de personnes déplacées estimés dans le monde entier. Le danger d'appliquer le concept d'une solution de rechange sous forme de fuite intérieure pour nier une protection adéquate a été noté. Globalement, les éléments juridiques et institutionnels de cette question ont soulevé un grand intérêt du point de vue de la garantie d'une protection internationale aux personnes déplacées qui en ont besoin.
17. La protection des apatrides et la réduction et la prévention de l'apatridie ont également été discutées, l'importance accrue de ces questions étant considérée comme attribuable en partie à la récente désintégration de l'Etat et aux problèmes de nationalité qui en résultent. Le rôle potentiel de supervision du HCR quant à ces deux instruments sur l'apatridie a été étudié et le Comité exécutif et le HCR ont été vivement encouragés à poursuivre l'étude des questions relatives à l'apatridie.
18. Concernant le renforcement des capacités, il a été reconnu que le renforcement des capacités juridiques, judiciaires et administratives nationales était souvent nécessaire pour traiter des causes des mouvements de réfugiés et promouvoir un rapatriement librement consenti durable. La faiblesse des structures en place a été vue comme un obstacle important dans le cadre de différentes opérations. Il a été rappelé que le Comité exécutif avait fait pour la première fois mention en 1995 de cette question dans ses délibérations sur la protection nationale. Les préoccupations concernant la capacité d'autres institutions à relever le défi dans ce domaine ont été contrebalancées par l'inquiétude de voir le HCR assumer un surcroît de responsabilités.
F. Coopération internationale
19. Il a été mentionné que les principes fondamentaux de la coopération internationale régissant la protection internationale sont consignés dans la Charte des Nations Unies, la Convention de 1951 et ses compléments régionaux, en particulier la Convention de l'OUA sur les réfugiés. Le droit international ne spécifie pas par qui et de quelle manière l'asile doit être accordé. Toutefois, le principe du non-refoulement renforce le concept de pays de premier asile, ce qui nécessite une coopération internationale plus étroite et un consensus plus fort dans ce domaine. Des questions ont été soulevées quant à la compatibilité du concept de pays tiers sûr avec les engagements internationaux. Le terme de partage du fardeau a été discuté et l'importance du partage des responsabilités financières a été soulignée. L'attention a été attirée sur la contribution non reconnue des pays d'accueil en cas d'afflux massif ainsi que sur les implications des contributions affectées au HCR. Les participants ont réitéré la nécessité d'améliorer le lien entre l'aide d'urgence humanitaire et les activités de réhabilitation et de développement. Des approches globales face au déplacement involontaire et l'impact des réfugiés sur l'environnement ont été mentionnés comme des questions méritant un examen ultérieur.
G. Remarques de clôture
20. Le HCR a indiqué qu'il planifiait une autre réunion informelle en 1996, dotée d'un ordre du jour plus ciblé sur la base des discussions de cette journée. Le cadre positif de ces discussions serait maintenu et, sous réserve des ressources financières adéquates, réunirait des participants et des experts de plusieurs régions. Le processus consultatif devrait se poursuivre en 1997, sur la base de nouveaux documents et études. Des réunions informelles à l'intention du Comité exécutif seraient organisées dans le cadre du processus et une consultation avec les ONG intéressées aurait également lieu.