Discours de félicitations de M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et president du Comité Nansen, à l'occasion de la remise de la Médaille Nansen de 1988 à Syed Munir Husain
Discours de félicitations de M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et president du Comité Nansen, à l'occasion de la remise de la Médaille Nansen de 1988 à Syed Munir Husain
Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs,
C'est un honneur particulier de saluer, au nom du Comité Nansen, Syed Munir Husain, Président de la Banque de développement agricole du Pakistan et ancien Secrétaire gouvernemental du Ministère des Etats et des régions frontières. Nous sommes heureux qu'il ait bien voulu se rendre à Genève pour y recevoir aujourd'hui la Médaille Nansen.
Je suis frappé par la coïncidence remarquable qui veut qu'un homme ayant tant fait, par son action et sa volonté, pour soulager les souffrances des réfugiés afghans, soit honoré l'année même où est apparu un espoir certain de règlement du sort de plus de cinq millions d'Afghans, contraints de chercher refuge dans d'autres pays. L'accord bilatéral signé entre le Pakistan et l'Afghanistan le 14 avril 1988 sous l'égide des Nations Unies marque un progrès notable pour créer les conditions permettant aux réfugiés afghans de retourner dans leur pays d'origine. Nous nous devons d'espérer tous que la situation de leur région natale les incitera à rentrer chez eux en toute sécurité et dans la dignité.
La communauté internationale ne saurait oublier l'exemple remarquable donné par le Gouvernement pakistanais qui a offert un asile aux Afghans en attendant leur rapatriement : elle lui en est profondément reconnaissante. Le nombre exact de réfugiés accueillis au Pakistan est certes difficile à déterminer, mais le Gouvernement estime que plus de trois millions d'Afghans étaient immatriculés dans des villages officiellement créés à la fin de 1987. Parmi eux, plus de 75 pour cent étaient des femmes et des enfants.
Vous qui êtes ici, vous vous souviendrez que le HCR a entamé sa collaboration avec le Gouvernement pakistanais par un envoi de secours aux réfugiés en 1979. Les premières années, l'objectif principal était de satisfaire les besoins immédiats des personnes récemment arrivées, notamment en matière de santé, d'eau et d'abris. Fin 1981, le programme a été élargi à d'autres services, l'accent étant mis sur la consolidation des infrastructures au sein des villages de réfugiés déjà créés. Fin 1984, la plupart des districts qui abritaient des réfugiés disposaient d'installations sanitaires adéquates, d'un système d'écoles primaires, d'un nombre suffisant d'abris et d'un approvisionnement en eau potable. D'emblée, le Programme alimentaire mondial a donné les quantités énormes de vivres nécessaires pour fournir aux réfugiés une alimentation de base, complétée par le Gouvernement pakistanais et par le HCR.
Ces dernières années, et surtout au temps où Syed Munir Husain dirigeait le Ministère des Etats et régions frontières, des efforts accrus ont été déployés pour développer les activités encourageant l'auto-suffisance de la population de réfugiés. Ces activités comprenaient un enseignement primaire et secondaire, des services vétérinaires pour le cheptel des Afghans, une formation professionnelle et des projets générateurs de revenus. Pour mettre en oeuvre ces projets, de nombreuses institutions bénévoles et organisations non gouvernementales ont été invitées à contribuer à cet effort humanitaire en tant que partenaires chargés de l'exécution ayant des capacités et une expérience particulière. Conscient de l'aide précieuse que pouvaient apporter les ONG, Syed Munir Husain ne ménage pas ses efforts pour les encourager à participer, si bien que plus de trente d'entre elles oeuvrent actuellement dans le cadre du programme d'assistance.
Cette population de réfugiés, la plus importante du monde, commença rapidement à avoir une incidence sur l'environnement et le mode de vie de la population locale des régions concernées du Pakistan. Il ne fallut pas longtemps à Syed Munir Husain pour comprendre la situation et pour contribuer de manière importante au premier grand programme d'aide et de développement en faveur des réfugiés du HCR. Depuis 1984, la Banque mondiale a administré au nom du HCR un projet pilote qui allie objectifs de développement et activités génératrices de revenus à la fois pour la population locale et pour les réfugiés. La phase I du projet générateur de revenus pour les zones de réfugiés comprenait 40 sous-projets à forte intensité de main d'oeuvre dans le domaine du reboisement, de la gestion des bassins versants, de l'irrigation et de la construction de routes. Les objectifs du projet ont été pleinement atteints, voire dépassés : créant 5,5 millions de jours-hommes d'emplois (dont 80 pour cent étaient occupés par des réfugiés afghans), il s'est révélé rentable. Une deuxième phase triennale, comprenant cette fois 91 sous-projets dans les trois provinces, a commencé en octobre 1987. Le solde des sous-projets de la phase II, et notamment ceux qui ont été conçus pour permettre aux femmes réfugiées ou autochtones d'avoir un revenu, sera bientôt mis en oeuvre.
Le coût des deux phases de ce programme se montera à quelque 60 millions de dollars des Etats-Unis, qui ont été généreusement versés par la communauté de donateurs, impressionnée par la réussite de ces activités. Syed Munir Husain a joué un rôle-clé dans cette nouvelle campagne de recherche de fonds, notamment en participant activement aux réunions organisées par la Banque mondiale. Son dévouement à la notion de « l'aide aux réfugiés et développement » et l'enthousiasme dont il a fait preuve pour aider les gouvernements des pays les moins avancés qui accueillent la plupart des réfugiés du globe n'a pas manqué dans ce domaine, le HCR a non seulement pu obtenir suffisamment de fonds pour le projet au Pakistan, mais il a adopté cette nouvelle façon de procéder dans d'autres continents, notamment en Afrique et en Amérique centrale. En effet, la réussite de cette démarche novatrice pour régler les problèmes des réfugiés au Pakistan grâce a une stratégie de développement a contribué pour beaucoup à l'enthousiasme pour cette approche clairement manifestée à la session récente du Comité exécutif du programme du Haut Commissaire.
Syed Munir Husain a poursuivi une brillante carrière de fonctionnaire ; sa nomination à un grand nombre de postes élevés est venue récompenser son dévouement au service de son pays et ses qualités exceptionnelles. C'est aussi un homme compatissant pour les démunis - sentiment qu'il traduit dans les faits. J'ai eu le privilège de m'en convaincre personnellement peu après être devenu Haut Commissaire en 1986, quand nous avons passé dix jours éprouvants à voyager dans les trois provinces du Pakistan accueillant la plupart des réfugiés afghans : la Province frontière du nord-ouest, le Balouchistan et le Pendjab. Sa maîtrise des langues locales lui permettait de communiquer avec les réfugiés eux-mêmes et d'aller rapidement au coeur des problèmes. Ayant analysé la situation et envisagé les solutions possibles, il était en mesure, grâce à ses talents d'administrateur, de gestionnaire et de fin politique, de lancer immédiatement une action pour alléger la souffrance humaine. Notre mission d'enquête étendue a permis d'améliorer rapidement les services d'hygiène, les services de santé et l'instruction primaire. La gestion efficace du programme le plus important d'aide aux réfugiés entre 1982 et 1987 est une performance personnelle remarquable qui a été reconnue par beaucoup. Les réfugiés afghans, le peuple pakistanais et la communauté internationale lui sont profondément reconnaissants de l'oeuvre accomplie comme Secrétaire gouvernemental du Ministère pakistanais des Etats et des régions frontières pendant cette période.
Les hauts responsables du HCR qui ont eu la chance de collaborer avec Syed Munir Husain ont apprécié en lui l'homme et le collègue. Homme de principes qui inspirait confiance aux autres, il n'a jamais reculé devant les difficultés, aussi insurmontables soient-elles en apparence sur le moment. Il était toujours obligeant et simple dans ses rapports avec le personnel du HCR qui a profité de son respect et de sa connaissance de l'administration pakistanaise.
Le rôle que vous, Syed Munir Husain, avez joué dans la contribution remarquable du Gouvernement pakistanais à la cause des réfugiés, reste un exemple sans pareil pour nous tous. Vous n'avez pas seulement rendu service aux réfugiés, mais à toute la communauté internationale. Vous aurez, j'en suis convaincu, d'autres occasions de chercher à résoudre, voire à prévenir des problèmes humanitaires tels que celui des réfugiés et vous continuerez à mettre en pratique la devise de Fridtjof Nansen, gravée sur la médaille : « L'AMOUR DU PROCHAIN EST UNE POLITIQUE REALISTE ».
Au nom de nous tous, permettez-moi de vous exprimer ma profonde gratitude pour tout ce que vous avez fait pour soutenir notre oeuvre et de vous souhaiter des succès bien mérités dans l'accomplissement de vos tâches futures.
Je vais maintenant donner lecture du Certificat de la Médaille Nansen :
« LE COMITE DE LA MEDAILLE NANSEN, institué par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés,
CONSCIENT de l'afflux sans précédent de réfugiés dans la République islamique du Pakistan et de l'hospitalité et de l'intérêt que la République islamique du Pakistan a fait preuve à leur égard,
RECONNAISSANT les services exceptionnels rendus à la cause de ces réfugiés par Syed Munir Husain en tant que Secrétaire gouvernemental du Ministère pakistanais des Etats et des régions frontières (SAFRON),
SENSIBLE à la contribution remarquable de Syed Munir Husain à la protection des réfugiés et à sa profonde préoccupation face à leur sort,
SOUHAITANT RENDRE UN HOMMAGE BIEN MERITE à Syed Munir Husain pour la détermination et l'efficacité qui cartérisent son action,
DECERNE PAR LA PRESENTE LA MEDAILLE NANSEN DE 1988 A
SYED MUNIR HUSAIN »