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COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DIX NEUVIEME SEANCE

COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DIX NEUVIEME SEANCE
E/AC.32/SR.19

8 Février 1950

Président : M. Leslie CHANCE Canada

Membres :M. CUVELIERBelgique
M. GUERREIROBrésil
M. CHACHINE
M. LARSENDanemark
M. ORDONNEAUFrance
M. ROBINSONIsraël
M. KURALTurquie
Sir Leslie BRASSRoyaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
M. HENKINEtats-Unis d'Amérique
M. PEREZ PEROZOVenezuela
M. WEISOrganisation internationale pour les réfugiés (OIR)
Représentant d'une institution spécialisée :
Consultants d'organisation non gouvernementales :
Catégorie A :M. STOLZFédération américaine du travail (AF of L)
Catégorie B :M. LEWINOrganisation mondiale Agudas Israël
M. BERNSTEINComité de coordination d'organisations juives
Mlle BAERLigue internationale de femmes pour la paix et la liberté, et Ligue internationale des droits de l'homme
Secrétariat :
M. John HUMPHREYDirecteur, Division des droits de l'homme
M. HOGANSecrétaire du Comité

STATUT INTERNATIONAL DES REFUGIES ET APATRIDES : PROJET DE CONVENTION RELATIF AU STATUT DES REFUGIES : articles 23 et 24 (E/AC.32/2, E/AC.32/L.3) (suite)

Article 23 (concours administratif)

Paragraphe 1

1. M. ORDONNEAU (France) fait observer que le texte proposé par la France (E/AC.32/L.3, article 18), qui fait mention du Haut-Commissaire pour les réfugiés, laisserait chaque Etat libre de décider s'il désire confier à ses propres autorités nationales le soin de prêter leur concours aux réfugiés ou habiliter à cette fin une autorité internationale, dans le cas où cette autorité existerait. L'intention n'est, ni d'imposer des devoirs au Haut-Commissaire, ni de lui donner seule compétence en la matière.

2. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) craint que l'on suscite des difficultés en faisant mention d'une autorité internationale. Le Haut-Commissaire n'a pas encore été nommé, la nature de ses fonctions n'est pas définie et l'on ne sait pas encore s'il les remplira par l'intermédiaire de bureaux dans chacun des différents pays ou par l'intermédiaire d'une organisation centrale. On risquerait de voir peut-être certains Etats dégager leurs propres services de toute responsabilité administrative en ce qui concerne les réfugiés et faire retomber cette responsabilité sur une autorité internationale qui, en fait, n'a pas encore été établie, et qui peut-être en serait pas en fin de compte chargée de s'occuper des questions visées à l'article 23. Afin de parer au risque de laisser les réfugiés sans protection, il semble souhaitable d'enjoindre aux gouvernements d'assumer la responsabilité à moins qu'une autorité internationale, exerçant ses fonctions sur leur territoire, ne soit en mesure de l'assumer. Dans ce dernier cas, les Etats devraient garder le droit d'accepter ou de refuser l'autorité d'un organisme internationale.

3. M. Henkin présente plusieurs amendements de forme visant à préciser ce point.

4. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) estime que le Comité outrepasserait ses pouvoirs en attribuant des fonctions au Haut-Commissaire ou en impliquant que le Haut-Commissariat exercerait ses fonctions en divers pays. Le Gouvernement du Royaume-Uni n'envisage pas qu'il en soit ainsi. Il conviendrait peut-être de mentionner dans le rapport du Comité le point soulevé dans le texte propos par la France en faisant observer que, si l'Assemblée générale, en définissant les fonctions du Haut-Commissaire, décide que le Haut-Commissariat peut s'occuper d'aide administrative aux réfugiés, elle pourra l'autorise à le faire après avoir conclu des accords avec les gouvernements intéressés. En tout état de cause, la question du concours administratif aux réfugiés ne pose aucun problème au Royaume-Uni et les dispositions de l'article 23 ne semblent pas être applicables à ce pays.

5. Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Canada, et M. PEREZ PEROZO (Venezuela) appuient la solution proposés par le représentant du Royaume-Uni.

6. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) fait remarquer que la mise en oeuvre des dispositions de l'article 23 dépend des mesures législatives en vigueur dans un pays donné. Il n'est pas nécessaire, dans certains Etats, qui, comme le Royaume-Uni, possèdent un droit coutumier, de prendre de nouvelles mesures législatives ou administratives en vue de protéger les réfugiés. Toutefois dans d'autres pays, comme en France on en Belgique, il faut adopter des dispositions spéciales.

7. M. CUVELIER (Belgique) croit que l'on pourrait peut-être résoudre la difficulté, si au lieu de nommer explicitement le Haut-Commissaire, on se bornait à mentionner de façon moins précise le représentant autorisé d'un organisme international ou à employer une expression comme la suivante : « autorité nationale ou internationale ».

8. M. ROBINSON (Israël) fait observer que le texte de l'article 23 a un caractère impératif plutôt que facultatif. Il impose aux gouvernements l'obligation de prêter leur concours administratif aux réfugiés, qui ne peuvent l'obtenir par les voies consulaires normales, puisqu'ils ne jouissent plus de la protection de leur pays d'origine. Dans certains pays, comme par exemple le Royaume-Uni, il n'a pas été créé d'organisme spécial. Par contre, dans d'autres pays, des bureaux spéciaux ont été créés à cet effet. En fait, la disposition en question s'inspire de la procédure qui a été adoptée en Belgique et en France. M. Robinson propose un amendement de forme visant à préciser l'objet de cette disposition.

9. M. CUVELIER (Belgique) se demande si la mention relative aux autorités consulaires, faite entre parenthèses dans le texte, est suffisamment claire.

10. M. GUERREIRO (Brésil) fait observer que le début du paragraphe 1 est assez clair en soi et il propose de supprimer le membre de phrase entre parenthèse (« notamment les autorités consulaires »).

Il en est ainsi décidé.

11. M. CHA (Chine) propose de mettre au pluriel le mot « autorité » qui figure à la fin du paragraphe, étant donné que les réfugiés devront peut-être recourir à plusieurs autorités pour se procurer les pièces administratives don ils ont besoin.

12. M. KURAL (Turquie) appuie cette proposition.

13. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) pense que pour tenir compte des préoccupations des représentants d'Israël, du Royaume-Uni, de la Chine et de la Turquie on pourrait employer une formule telle que la suivante :

« Dans tous les cas où l'exercice d'un droit par un étranger requiert le concours des autorités de son pays et lorsque aucune autre disposition n'a été prise pour prêter concours aux réfugiés, les Hautes Parties contractantes désigneront une ou des autorités pour leur prêter ledit concours.

14. M. PEREZ PEROZO (Venezuela) estime que la proposition faite par les Etats-Unis ne répond pas aux préoccupations des représentants d'Israël et que le texte pourrait encore être interprété comme imposant à un Etat l'obligation d'instituer une autorité spéciale. Il se demande si on ne tournerait pas le question en adoptant une rédaction spécifiant que les Hautes Parties contractantes « prendront les mesures requises pour prêter leur concours aux réfugiés ». Cette rédaction a l'avantage de ne pas préciser quelle méthode les Etats signataires devraient appliquer.

15. M. CUVELIER (Belgique) fait remarquer que le mot « désigneront » ne veut pas dire nécessairement qu'il faudra instituer une autorité chargée de prêter aide aux réfugiés. De telles autorités existent peut-être déjà dans certains pays, auxquels il suffit de les désigner, au sens propre du terme. M. Cuvelier estime donc que la formule primitive est bonne.

16. M. LARSEN (Danemark) suggère la formule « reconnaîtront ou désigneront ».

17. Le PRESIDENT, prenant la parole en tant que représentant du Canada, déclare qu'aucune difficulté ne semble s'oppose à l'application de cette clause dans son pays, où le Département des affaires extérieures pourrait être désigné comme l'autorité dont il est question dans la disposition envisagée.

18. M. ROBINSON (Israël) déclare que la mention faite entre parenthèses de « l'Arrangement du 30 juin 1928 » semblerait indiquer que les Etats signataire seront obligés d'instituer plutôt que de désigner des autorités spéciales ; comme telle n'est pas l'intention du Comité, il faudrait supprimer les mots entre parenthèses.

La proposition du représentant d'Israël est adoptée sans objection.

19. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) ne comprend pas encore exactement quelle est la portée véritable de l'article 23. Il avait d'abord pris pour acquis que les mots « autorités de son pays » se référaient au pays de résidence du réfugiés, mais 1 discussion le porte à croire qu'il n'en est rien.

20. Sur la demande du PRESIDENT, M. HUMPHREY (Secrétariat) signale au Comité (en attirant tout particulièrement son attention sur le mot « étranger ») le fait que le paragraphe fait mention de l'« exercice d'un droit par un étranger » en non pas de l'exercice d'un droit par un « réfugié ». Ceci étant, le mot « pays » s'applique évidemment au pays d'origine.

21§. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) demande si le paragraphe imposera à son Gouvernement l'obligation de fournir aux réfugiés résidant dans le Royaume-Uni les documents dont ils pourraient avoir besoin. Par exemple, si un réfugié espagnol qui séjourne d'habitude en Angleterre avait besoin d'un certificat de naissance, le Gouvernement du Royaume-Uni serait-il obligé de s'efforcer de l'obtenir pour lui, alors qu'en pareil cas il suffirait sans doute que le réfugié s'adresse tout simplement au Bureau d'Etat-civil du Gouvernement espagnol.

22. M. CUVELIER (Belgique) déclare que les termes du paragraphe excluent l'hypothèse que vient d'être envisagée par Sir Leslie Brass. Ce paragraphe ne s'applique qu'au réfugié qui ne peut obtenir des autorités de son pays les documents nécessaires.

23. Le PRESIDENT invite les représentants d'Israël, de la France et de la Belgique à préparer pour le paragraphe 1, un nouveau texte en tenant compte des observations faites au cours de la discussion.

24. Ces trois représentants proposent que le paragraphe 1 de l'article 23 soit rédigé comme suit :

« Dans tous les cas où l'exercice d'un droit par un étranger requiert le concours des autorités de son pays, les Hautes Parties contractantes désigneront la ou les autorités, nationales ou internationales, qui prêteront leur concours aux réfugiés. »

25. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) déclare que, bien que le paragraphe ne touche pas de très près son Gouvernement, il tient néanmoins à relever certaines faiblesses du texte qu'on pourrait interpréter comme donnant à un pays le droit de désigner, s'il le désire, l'autorité internationale requise de prêter son concours aux réfugiés, sans que ladite autorité ait eu la faculté de faire connaître son opinion à ce sujet.

26. M. ROBINSON (Israël) déclare que les rédacteurs de ce paragraphe ont voulu laisser aux Gouvernements intéressés le choix de l'autorité en question. Il va de soi qu'ils ne peuvent pas désigner arbitrairement un organisme international qui ne désire pas se charger de ces fonctions. On ne pourra faire appel aux autorités internationales que si un organisme international approprié existe déjà et s'il est prêt à assumer les obligations dont il s'agit dans le paragraphe. Lorsqu'une telle organisation n'existe pas, la Partie Contractante devra désigner une autorité qui prêtera aux réfugiés le concours nécessaire.

27. M. ORDONNEAU (France) propose d'incorporer dans le rapport du Comité l'interprétation que le représentant d'Israël vient de donner du texte. De cette manière, le représentant des Etats-Unis d'Amérique recevra satisfaction.

28. Le PRESIDENT constate que, dans sa nouvelle rédaction, le paragraphe semble recueillir l'approbation générale. Il fera distribuer le texte pour qu'on puisse reprendre la discussion à la séance suivante.

Paragraphe 2.

29. Le PRESIDENT, intervenant en tant que représentant du Canada, propose de faire précéder le texte du deuxième paragraphe parles mots « Dans toute la mesure du possible ».

30. M. CUVELIER (Belgique) se demande s'il est souhaitable d'énumérer, dans le paragraphe 2, les diverses catégories de documents. Il suggère qu'on pourrait se contenter d'une déclaration d'ordre général spécifiant que les autorités désignées devront faciliter aux réfugiés l'obtention des documents nécessaires.

31. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) fait remarquer qu'un grand nombre des documents énumérés dans le paragraphe 2 ne sont jamais délivrés dans le Royaume-Uni et se demande pourquoi le Secrétariat établi un texte aussi explicite.

32. M. HUMPHREY (Secrétariat) fait observer que ce texte a été rédigé pour attirer l'attention du Comité sur le problème et qu'il devait seulement servir de base de discussion.

33. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) déclare que l'arrangement du 30 janvier 1928, ainsi que l'Accord conclu le 30 janvier 1948 entre la France et l'OIR, contiennent des listes de documents. L'expérience a montré que, dans bien des cas, ces listes ont été utiles.

34. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) estime que le paragraphe 2 a été rédigé en se fondant sur les méthodes administratives suivies dans un très petit nombre de pays. Il pense qu'il n'est pas nécessaire d'inclure toutes ses dispositions dans le projet de convention. Ces dispositions ne peuvent pas s'appliquer au Royaume-Uni.

35. M. LARSEN (Danemark) propose la rédaction suivante :

« Dans les cas où les réfugiés sont tenus de produire des documents qui sont régulièrement délivrés aux étrangers par des autorités de leur propre pays, l'autorité ou les autorités mentionnées dans le paragraphe 1 délivreront ou feront délivrer ces documents aux réfugiés ».

36. M. CUVELIER (Belgique) approuve cette rédaction dans l'ensemble, mais, à son avis, il faudrait préciser que les documents dont il s'agit sont uniquement ceux qui sont nécessaires pour l'accomplissement des actes de la vie civils.

37. Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Canada, propose d'insérer dans la proposition danoise les mots « si possible », à l'endroit qui convient.

Il en est ainsi décidé.

Le texte soumis par le représentant du Danemark, modifié dans le sens indiqué par le Président, est adopté sou réserve de modifications de rédaction.

38. Le PRESIDENT ouvre la discussion sur le paragraphe 3.

39. M. ORDONNEAU (France) explique que c'est pour donner aux certificats délivrés aux réfugiés la plus grande valeur possible que la délégation française a inséré dans son projet la disposition selon laquelle ces certificats auront la valeur d'actes authentiques. Cependant, en examinant le genre de certificats envisagés, M. Ordonneau est arrivé la conclusion que l'on ne peut les considérer tous comme des actes authentiques, dans l'acception que la loi française donne à ce terme. De plus, la définition des actes authentiques peut varier d'un pays à l'autre. M. Ordonneau retire en conséquence, en faveur du projet du Secrétariat, le texte proposé par la délégation française pour le paragraphe 3.

Le texte proposé par le Secrétariat pour le paragraphe 3 est adopté sous réserve de modifications de rédaction.

40. Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Canada, propose d'insérer une disposition prévoyant que les frais perçus pour la délivrance des documents ne seront pas plus élevés pour les réfugiés que pour les ressortissants du pays où ils se trouvent.

41. M. KURAL (Turquie) estime que ce cas est déjà réglé par les dispositions e l'article 11.

42. M. CUVELIER (Belgique) appuie l'idée qui inspire la proposition du Président. Il craint, toutefois, qu'il ne soit difficile, en pratique, de trouver une base de comparaison pour les frais à percevoir. C'est pourquoi il pense qu'il vaudrait mieux s'en remettre à la bonne foi des parties contractantes.

43. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) suggère, pour le cas où le Comité déciderait d'insérer une disposition relative aux frais, de reprendre la rédaction de l'article 3 de l'Accord du 30 juin 1928.

44. Le PRESIDENT dit que le texte de cet article sera distribué aux membres du Comité et discuté à la prochaine séance.

Article 24.

45. Le PRESIDENT annonce qu'il a reçu de l'Organisation mondiale Aguda Israël une lettre demandant l'autorisation, pour son représentant, de faire une déclaration au sujet de l'article 24. Avec l'assentiment du Comité, il invite M. Lewin à prendre la parole.

46. M. LEWIN (Organisation mondiale Agudas Israël) déclare que la problème des réfugiés et des apatrides présente quatre aspects principaux. En premier lieu, se pose la question de l'admission d'un réfugié dans un pays où il peut s'établir ; puis celle de la régularisation de sa situation et de la définition de ses droits et de ses devoirs ; il faut ensuite envisager la question de sa naturalisation éventuelle et, enfin, le cas où il serait expulsé avant d'avoir obtenu sa naturalisation. Jusqu'ici, cet ordre a été respecté dans le projet de convention, mais l'article 24 qui traite de l'expulsion devrait, logiquement, faire suite au chapitre consacré à la naturalisation, étant donné que l'expulsion devrait être considérée comme une exception à la règle générale de l'assimilation du réfugié par le pays d'accueil.

47. M. Lewin souligne les conséquences désastreuses auxquelles l'expulsion expose les réfugiés. Le retour au pays d'origine équivaut à une mort presque certaine et, ainsi que le fait ressortir le commentaire du Secrétariat relatif au paragraphe 1, il est peu probable qu'un réfugié exclu d'un pays soit admis dans un autre. Il ne lui reste donc d'autre possibilité que celle de se cacher. Pour illustrer le sort qui menace les réfugiés expulsés d'un pays, M. Lewin cite le cas qui s'est produit en 1946, lorsque tout un train de réfugiés a été arrêté entre la Hongrie et l'Autriche parce que les réfugiés n'avaient l'autorisation ni de poursuivre leur route ni de revenir en arrière.

48. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 24, l'expulsion est permise si elle est dictée par des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public. Le projet français ne retient pas les mots « ordre public » ; in n'en reste pas moins que l'expression « dictée par des raisons de sécurité nationale » est extrêmement lare. Les Nazis auraient fort bien pu prétendre que leur sécurité nationale exigeait l'expulsion des Juifs, et pourtant, le monde entier a été choqué par la brutalité de leur action. Retenir une telle expression serait donc exposer les réfugiés à être expulsés sous le moindre prétexte.

49. Lorsqu'un réfugié est soupçonné d'espionnage, il est certain que, dans l'intérêt de la sécurité nationale, il est préférable de l'emprisonner plutôt que de l'expulser. Lorsqu'il se rend coupable d'actes criminels, il doit être puni conformément aux lois en vigueur dans le pays, mais on ne devrait pas, par surcroît, le soumettre à la menace terrible de l'expulsion.

50. De l'avis de M. Lewin, le meilleur moyen de sauvegarder à la fois la sécurité nationale et les droits des réfugiés serait de dire qu'un réfugié ne pourra être expulsé qu'en vertu d'une décision rendue par une autorité judiciaire. Le paragraphe 4 du projet du Secrétariat contient une disposition de ce genre et M. Lewin ne croit pas qu'il soit nécessaire de retenir les dispositions spéciales qui figurent au paragraphe 1. Si le Comité décide qu'il est indispensable de faire allusion à la sécurité nationale, il pourrait ajouter les mots « pour des raisons de sécurité nationale » à la fin du paragraphe 4.

51. M. Lewin se demande quelle est la portée exacte du paragraphe 1. Si les « mesures de police » dont il est question sont des mesures ordonnées par l'administration et non par l'autorité judiciaire, les dispositions du paragraphe 1 semblent contredire celles du paragraphe 4. Mais si le paragraphe 1 ne vise que l'exécution de décisions rendues par l'autorité judiciaire, ses dispositions devraient être fondues avec celles du paragraphe 4.

52. M. Lewin estime que le paragraphe 4 du projet français contient une idée très précieuse qui devrait être incorporée dans le projet du Secrétariat. A son avis, l'on devrait supprimer le paragraphe 2 du projet du Secrétariat, qui trouve sa place soit dans l'article relatif à l'admission, soit dans l'article concernant le droit d'asile.

53. En conclusion, M. Lewin soumet à l'approbation du Comité un projet d'article 24 ainsi conçu :

« 1. Chacune des Hautes Parties contractantes s'engage à ne pas refouler les réfugiés sur les frontières de leur pays d'origine, ainsi que sur les territoires où leur vie ou leur liberté serait menacé en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leurs opinions politiques. (Paragraphe 3 du texte du Secrétariat).

« 2. Un réfugié autorisé à séjourner régulièrement sur le territoire d'une Haute Partie contractante ne pourra être expulsé qu'en vertu d'une décision rendue par une autorité judiciaire (pour des raisons de sécurité nationale). (Paragraphe 4 du texte du Secrétariat).

« 3. Un réfugié frappé d'expulsion aura la faculté de présenter des justifications et de se faire représenter devant l'autorité compétente. (Paragraphe 4 du projet français).

« 4. Chacune des Hautes Parties contractantes se réserve le droit d'appliquer telle mesure d'ordre interne quelle jugera opportune aux réfugiés qui, frappés d'expulsion, seront dans l'impossibilité de quitter son territoire parce qu'ils n'auront pas reçu, sur leur requête, ou grâce à l'intervention du Gouvernement ou des Gouvernements intéressés, ou par l'entremise de l'organe compétent des Nations Unis ou encore des institutions non gouvernementales appropriées, les autorisations et visas nécessaires leur permettant de se rendre régulièrement dans un autre pays. » (Paragraphe 5 du texte du Secrétariat).

54. Le PRESIDENT déclare que le Comité n'ignore pas que l'article 24 est l'un des articles les plus importants du projet de convention. Il remercie M. Lewin de sa déclaration et lui donne l'assurance que le Comité accordera à ses suggestions toute l'attention qu'elles méritent.

La séance est levée à 12 heures 55.