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Allocution prononcée par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies, le 21 novembre 1963

Discours et déclarations

Allocution prononcée par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies, le 21 novembre 1963

21 Novembre 1963

Monsieur le Président,

L'année qui s'achève a été à nouveau et à plusieurs égards une année importante pour le Haut Commissariat. Celui-ci achève la dernière année du mandat qui expire le 31 décembre 1963 et s'apprête à entamer le nouveau mandat de cinq ans quo l'Assemblée générale lui a confié par sa résolution 1783 (XVII), adoptée à sa dix-septième session.

Cet aspect formel de notre activité recouvre un développement de nos travaux qui remonte à plusieurs années déjà et qui s'est encore affirmé ces derniers temps. J'entends par là l'effort simultané que mon Office fait pour régler les anciens problèmes de réfugiés en Europe et pour faire face aux nouvelles situations de réfugiés dans d'autres parties du monde, principalement en Afrique.

Mon Office essaie de mener à bien ces diverses tâches en appliquant les dispositions contenues dans son statut, telles qu'elles ont été précisées et complétées par les diverses résolutions ultérieures de l'Assemblée générale. Ces principes d'action, sur lesquels je voudrais revenir plus loin, ont fait leur preuve, je pense, à la lumière de l'événement et de notre expérience quotidienne. Cela me confirme dans le sentiment que le Haut Commissaire a reçu de l'Assemblée générale les directives nécessaires pour jouer utilement son rôle qui consiste à donner et à maintenir, avec l'appui indispensable des gouvernements intéressés, un maximum d'efficacité au mécanisme do solidarité internationale en faveur des réfugiés.

Le rapport qui est devant vous (document A/5511/Rev.1 et addendum 1) décrit de façon détaillée l'activité du Haut Commissariat au cours de l'année écoulée. Aussi me bornerai-je à souligner, dans cette introduction à votre débat, le aspects essentiels de cette activité. Ceci m'offrira d'ailleurs l'occasion de donner à l'Assemblée générale quelques renseignements complémentaires relatifs à la période qui s'est écoulée depuis le moment où mon rapport a été rédigé.

La protection internationale des réfugiés, exercée en étroite collaboration avec les gouvernements des pays où les réfugiés résident, demeure le fondement essentiel de l'action du Haut Commissariat. Dans un grand nombre de pays, le concept du réfugiés s'est affirmé grâce à l'adhésion de ces Etats aux instruments internationaux qui concernent les réfugiés, et a été repris dans un nombre toujours croissant de dispositions législatives et réglementaires sur le plan interne. Le « droit des réfugiés » qui avait commencé à se développer dans un nombre limité de pays entre les deux grandes guerres, s'est singulièrement affirmé et consolidé au cours des dernières années.

Cette évolution, faut-il le dire, est loin de revêtir un caractère purement théorique. Bien au contraire, cette évolution est indispensable à la solution durable du problème des réfugiés, dans la mesure où elle crée les conditions préalables du reclassement des réfugiés dans le pays qui les a accueillis. Si notre oeuvre en faveur des « anciens » réfugiés, spécialement en Europe mais aussi ailleurs, a pu enregistrer des progrès significatifs aussi au cours de l'année écoulée, cela n'est pas dû uniquement aux programmes de programmes réhabilitation économique et sociale que vous connaissez et sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir, mais surtout à cette consolidation institutionnelle de l'oeuvre de protection internationale, et plus spécialement de protection juridique des réfugiés.

Je suis heureux de constater que mon Office peut compter à cet égard sur l'intérêt constamment réaffirmé des gouvernement, tel qu'il s'est exprimé notamment au cours du débat que le Conseil économique et social a consacré, à sa 36e session, au rapport qui se trouve aujourd'hui devant vous.

Hormis le mandat même de mon Office, le principal instrument de la protection internationale des réfugiés est la Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951. Depuis la dix-septième session de l'Assemblée générale, six nouveaux Etats (l'Algérie, le Burundi, Chypre, la République du Congo (Brazzaville), le Ghana et le Sénégal) ont donné leur adhésion à la Convention, portant à 42 le nombre des Etats parties à la Convention. Le fait que les Etats qui ont adhéré dernièrement à la Convention de 1951 sont entrés assez récemment dans le concert des nations on tant qu'Etats souverains et se trouvent dans leur majorité sur ce continent africain où de nouveaux problèmes de réfugiés sont apparus en nombre croissant, témoigne de cette tendance à l'universalité qui est un des traits majeurs du développement actuel de l'oeuvre internationale en faveur des réfugiés.

Toutefois, en raison de l'évolution rapide de notre communauté internationale, certaines dispositions conventionnelles même relativement récentes, sont susceptibles de perdre graduellement leur pertinence au fur et à mesure qu'apparaissent des circonstances nouvelles. C'est ainsi que de nombreuses personnes qui relèvent du statut du Haut Commissariat, ne relèvent pas - du point de vue formel - de la Convention lorsqu'elles sort devenues réfugiés à raison d'événements survenus après le 1 janvier 1951. C'est pourquoi une importance croissante s'attache, dans les circonstances présentes, à la Recommandation E de l'Acte final do la Conférence des plénipotentiaires de juillet 1951, qui invite les Etats à accorder à ces réfugiés le traitement prévu par la Convention.

Dans le cadre de sa mission de protection internationale, mon Office collabore étroitement non seulement avec les gouvernements, mais également avec les organisations intergouvernementales régionales. Ces institutions ont déjà tenu compte de la nécessité d'étendre aux réfugiés des dispositions réglementaires régionales, spécialement en ce qui concerne la main-d'oeuvre salariée. J'espère qu'avec l'aide des gouvernements intéressés ce processus se poursuivra à l'avenir, ce qui doit également contribuer à l'intégration économique et sociale des réfugiés qui résident dans les régions respectives.

Quant à la collaboration étroite de mon Office avec les administrations nationales, j'aimerais saisir cette occasion pour assurer les gouvernements qui désirent avoir recours à la coopération technique de mon Office afin de mettre en couvre la Convention relative au statut des réfugiés et plus généralement de mettre en place le dispositif de protection des réfugiés, qua le Haut Commissaire est prêt à tout moment à leur offrir le concours nécessaire.

Je ne voudrais pas, en parlant de la protection internationale des réfugiés, omettre de dire ici l'intérêt que je porte aux efforts déployés au sein des Nations Unies, et particulièrement au sein de la Troisième Commission, en vue de l'élaboration d'une déclaration sur Ie droit d'asile. En effet, la possibilité de recevoir asile et tout particulièrement le principe selon lequel il ne peut être refoulé contre son gré dans son pays d'origine, prime pour le réfugié toutes les autres dispositions de caractère national ou international qui ont été prises ou qu'on pourrait encore prendre. Aussi voudrais-je exprimer ici le souhait que l'Assemblée générale soit en mesure d'adopter une déclaration qui affirme de façon positive et nette un principe qui, s'il est largement entré dans l'usage et pratiqué par les Etats, n'a cependant pas encore reçu une formulation précise dans les textes intergouvernementaux.

Une activité qui se rattache étroitement à l'oeuvre de protection de mon Office est la mise en oeuvre do l'Accord pour l'indemnisation des réfugiés persécutés par le régime national-socialiste du fait de leur nationalité, conclu le 5 octobre 1960 entre le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Haut Commissariat. Un progrès considérable a été réalisé au cours de l'année écoulée dans l'administration du fonds de 45 millions de DM qui avait été mis à la disposition de mon Office. A la fin du mois d'octobre 1963, près des trois quarts des quelque 40.000 demandes enregistrées avaient fait l'objet d'une décision. A l'intention des quelque 9.500 cas où une décision positive a pu être prise, des sommes importantes ont déjà été mises effectivement en paiement.

En ce qui concerne les programmes d'assistance aux réfugiés en Europe, mon Office s'est engagé dans plusieurs tâches qui se recouvrent d'ailleurs les unes les autres. Tout d'abord, nous sommes en voie, avec l'assistance effective des gouvernements et des organisations bénévoles, d'achever le programme en faveur des « anciens » réfugiés et spécialement celui on faveur des réfugiés dans les camps qui a été pendant de longues années une préoccupation majeure du Haut Commissariat. Le problème des camps est virtuellement réglé en Autriche et en Grèce, et il n'existe plus qu'à l'état résiduel en Italie et en Allemagne, où cependant un certain temps sera nécessaire, pour des raisons essentiellement techniques, avant qu'on ne puisse y mettre le point final.

Des progrès très encourageants ont également été faits dans le cadre du programme en faveur des « anciens » réfugiés en dehors des camps. La situation dans ce domaine est assez différente selon les pays, et je me permettrai do me référer aux détails qui sont donnés dans mon rapport écrit. D'une façon générale cependant, et bien que la mise en oeuvre des diverses mesures envisagées ne puisse être achevée avant 1965, un grand pas en avant a été fait.

Egalement en 1963, le Haut Commissariat a mis en oeuvre pour la première fois un nouveau « programme d'aide complémentaire » qui a exigé une mise de fonds de mon Office de 1,4 million de dollars. Ce programme d'aide complémentaire visait tant à venir en aide aux réfugiés en Europe qui, de par la nature de leur cas, ne relevaient pas du dispositif du « programme pour l'achèvement des grands projets d'assistance », qu'à donner au Haut Commissaire les moyens d'action nécessaires pour faire face aux besoins des nouveaux groupes de réfugiés, essentiellement en Afrique.

Quant à l'année 1964, j'ai soumis récemment à la dixième session du Comité exécutif du programme du Haut Commissaire un « programme pour 1964 qui comporte un objectif financier de 2.6 millions de dollars.

Comme pour tous les programmes auxquels participe le Haut Commissariat, les chiffres que je cite ne donnent qu'une idée incomplète de leur ampleur réelle. La tâche du Haut Commissariat ne consiste pas en effet à se substituer aux gouvernements et aux grandes organisations d'entraide pour assumer à lui seul la charge financière, le plus souvent considérable, des mesures qui doivent être prises en faveur des réfugiés. Comme par le passé, et plus encore à l'avenir, à mesure que s'élève le niveau général de vie et qu'augmentent les moyens dont peuvent disposer les gouvernements, la tâche de mon Office consiste bien davantage, grâce aux services d'ordre général que peut rendre une organisation spécialement équipée pour traiter les problèmes de réfugiés, mais aussi grâce à une mise de fonds initiale ou à un apport de fonds complémentaire susceptible de mettre en marche les mécanismes d'entraide ou de les empêcher de se gripper, à inciter les gouvernements et les grandes organisations privées à mettre sur pied les programmes d'assistance requis. Je pense que les gouvernements en particulier sont, plus que jamais, conscients de la responsabilité primordiale qu'ils assument envers les réfugiés qui résident sur leur territoire et je me félicite de l'excellente collaboration qui existe entre les diverses administrations nationales et le Haut Commissariat et qui permet de faire bénéficier les réfugiés de mesures de solidarité d'une portée plus large destinées à certaines catégories de la population, sans distinction d'origine, ou encore d'élaborer et d'exécuter des programmes spéciaux qui tiennent compte des conditions particulières dans lesquelles les réfugiés se trouvent.

Je tiens à souligner l'importance qui s'attache au programme d'assistance matérielle du Haut Commissariat, quel que soit d'ailleurs son objectif financier pour une année déterminée, en tant qu'instrument de. travail vital, sans lequel l'action de mon Office risque de demeurer stérile. Cette considération repose sur une expérience de plusieurs années. Les programmes d'assistance matérielle ne se sont ajoutés à l'activité de mon Office que quelque temps - au demeurant un temps assez bref - après sa création, et sous l'empire des événements ces programmes ont connu un développement considérable. Aussi a-t-on pu considérer l'activité du Haut Commissariat sous les aspects séparés fie la protection et de l'assistance matérielle. Toutefois, cette dichotomie qui distingue la, protection de l'assistance ne correspond, je crois, ni à l'esprit du mandat que l'Assemblée générale a confié au Haut Commissaire, ni à la réalité quotidienne de notre action ni davantage aux besoins des réfugiés. L'action du Haut Commissaire est un tout organique où la protection juridique et l'assistance matérielle se complètent mutuellement, bien que, selon la nature du cas, l'une ou l'autre de ces fonctions puisse devenir prépondérante.

C'est en tenant compte de ces considérations. c'est-à-dire à la fois du caractère indispensable et de l'aspect complémentaire de la fonction d'aide matérielle du Haut Commissariat, que le programme pour 1964 a été élaboré. Ces considérations se reflètent entre autres dans le volume financier global du programme pour 1964. Ce volume a été déterminé sur la base d'une expérience déjà relativement longue en ce qui concerne les ressources que j'aimerais appeler régulières de notre programme, et en escomptant que cette stabilisation - qui ne saurait tenir compte, il va sans dire, d'événements majeurs qui surviendraient en cours d'année - facilitera également la tâche des gouvernements qui apportent leur concours à l'oeuvre du Haut Commissariat.

En élaborant le programme de mon Office pour 1964, j'ai tenu compte, notamment, du caractère continu des tâches qui incombent au Haut Commissariat en faveur des réfugiés européens. Cette continuité tient à l'existence en Europe d'un nombre considérable de personnes jouissant du statut de réfugié, et aussi au nouvel afflux de réfugiés qui se produit chaque année. C'est à juste titre que plusieurs des gouvernements membres du Comité exécutif ont insisté, à la dernière session de ce comité, sur le fait que si le gros des problèmes des « anciens » réfugiés en Europe est an voie de se résoudre, le problème des réfugiés en Europe continue d'exister à requerra encore dans les années à venir l'attention constante de l'organisme que les Nations Unies ont créé à cet effet.

D'une façon générale, les programmes du Haut Commissariat s'inscrivent dans le cadre des trois types de solutions permanentes prévus par le statut do mon Office : le rapatriement librement consenti, l'intégration dans le circuit économique et social du pays d'accueil, ou éventuellement l'émigration et le reclassement dans un autre pays d'accueil définitif.

En ce qui concerne le rapatriement, de nombreux cas de rapatriement librement consenti ont été enregistrés en 1963 comme au cours des années précédentes, et je vise ici tant les nouveaux groupes de réfugiés que les « anciens » réfugiés. Les données numériques à ce sujet sont assez peu sûres, et d'une façon générale sous-estiment la réalité. Je voudrais ajouter qu'agissant dans le cadre de son statut, le Haut Commissaire a facilité le rapatriement volontaire dans tous les cas où son assistance a été requise, même en trouvant la possibilité, dans certains cas, de couvrir les frais de rapatriement.

Quant à la réinstallation des réfugiés dans d'autres pays, soit qu'ils puissent s'y reclasser directement dans le circuit économique et social, soit encore - lorsqu'il s'agit de réfugiés âgés et malades - qu'ils doivent être placés dans des institutions appropriées dont on ne dispose pas dans leur pays de résidence actuelle, cet aspect particulier de notre oeuvre concerne surtout les « anciens » réfugiés, principalement en Europe, dans d'autres pays de la zone méditerranéenne et en Extrême Orient. Les efforts continus et prolongés de mon Office, déployés conjointement avec les gouvernements et les autres organisations publiques et privées, parmi lesquelles je voudrais citer an particulier le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes, ont réduit dans de grandes proportions le nombre des « anciens » réfugiés à réinstaller dans d'autres pays. Selon les chiffres recueillis au 30 juin 1963, il ne s'agissait plus que de quelque 8.300 personnes. Mon Office a fait un effort particulier pour résoudre le difficile problème des réfugiés gravement handicapés, et je voudrais exprimer ici à nouveau ma gratitude aux nombreux gouvernements et organisations bénévoles qui ont déjà accepté d'accueillir plus de 500 réfugiés de cette catégorie, sur un total de l'ordre de un millier de personnes qui ont fait l'objet de cet effort spécial. Les mesures de réinstallation des réfugiés qui seront poursuivies dans le cadre de notre programme devront porter no non seulement sur les cas identifiés actuellement, mais aussi tenir compte de la nécessité de réinstaller dans d'autres pays une partie des réfugiés qui arrivent chaque année dans les pays de premier asile.

Si les programmes de 1963 ont pu être mis en oeuvre, si en particulier mon Office a pu s'assurer en bonne partie les moyens pour financer le « Programme pour l'achèvement des grands projets d'assistance », cela est dû en bonne partie aux contributions spéciales que bon nombre de gouvernements ont bien voulu faire, sur mes instances pressantes, au Haut Commissariat. Je voudrais les en remercier une nouvelle fois for 10 également do cette tribune. J'aimerais aussi remercier le Conseil de l'Europe qui, tant en 1962 qu'en 1963, est venu seconder mes efforts auprès des gouvernements qui en font partie, en adoptant des résolutions dont les résultats obtenus ont démontré l'efficacité.

Même si les moyens financiers requis ne sont pas encore réunis et que des efforts assez considérables soient encore nécessaires, je voudrais malgré tout, Monsieur le Président, exprimer avec une certaine confiance l'espoir que le Haut Commissariat pourra atteindre en fin de compte l'objectif financier de 6,8 millions de dollars que le Comité exécutif avait assigné aux fonds bénévoles destinés aux programmes de 1963.

En plus de ses démarches auprès des gouvernements, mon Office a tout mis en oeuvre pour garder vivace l'intérêt de l'opinion en faveur du problème des réfugiés et pour obtenir du public un maximum de contributions financières. L'initiative la plus spectaculaire dans ce domaine me semble avoir été le lancement, sur le marché mondial, du disque phonographique All-Star Festival. Grâce au concours des entreprises de l'industrie et du commerce du disque, d'une pléiade d'artistes renommés de la chanson, de très nombreuses organisations privées et également d'administrations gouvernementales, plus d'un million de disques ont été vendus dans le monde entier et ont permis de récolter jusqu'à présent environ un million de dollars en faveur des réfugiés.

Dans le même ordre d'idées et sans pouvoir faire état ici des innombrables bonnes volontés qui se manifestent dans les divers pays du monde, je voudrais néanmoins faire mention de la campagne de collecte de fonds organisée tout récemment aux Pays-Bas. Sans doute le Délégué de ce pays sera-t-il en mesure de nous donner de plus amples renseignements.

Parallèlement à l'action poursuivie par mon Office en faveur des réfugiés européens, le Haut Commissariat a continué ses efforts pour faire face aux nouveaux problèmes de réfugiés que les événements ont suscités dans d'autres pays du monde, et singulièrement en Afrique.

J'ai déjà eu l'occasion de faire rapport à l'Assemblée l'an dernier sur l'heureuse conclusion du problème des réfugiés d'Algérie au Maroc et en Tunisie. Depuis leur rappariement, ces réfugiés ont bénéficié d'une action de secours coordonnée du point de vue international par la Ligue des Sociétés do la Croix-Rouge, qui avait été si étroitement associée à l'oeuvre d'assistance à ces réfugiés lorsqu'ils se trouvaient en dehors de leur pays. L'appui généreux que lui ont accordé les gouvernements ont même créé la possibilité pour le Haut Commissaire de transmettre, aux termes de la résolution 1672(XVI), d'importants secours financiers au Gouvernement algérien à la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et à d'autres organismes d'entraide afin de compléter les ressources dont ceux-ci disposent d'autre part.

Un autre problème de réfugiés a pu être résolu au cours de 1963, le problème des réfugiés au Togo. Le Gouvernement du Togo avait attiré mon attention sur ce problème de réfugiés en septembre 1961. Un programme de réinstallation a été mis sur pied grâce au concours de gouvernements et de diverses organisations, mais surtout de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge. Comme l'indique de façon détaillée mon rapport écrit, l'assistance aux réfugiés au Togo s'était achevée en mars 1963, après que près de 4.000 personnes furent intégrées dans l'économie locale. Toutefois, lors de la récente visite du Haut Commissaire adjoint au Togo, nous avons dû constater qu'un nombre limité de réfugiés, qui résident essentiellement dans les régions urbaines, se trouvent dans des circonstances difficiles. Nous sommes en train d'examiner cette situation pour nous rendre compte s'il y à lieu d'ajouter, si je puis dire, un post scriptum à un chapitre de l'histoire récente de notre Office que, dans son ensemble, nous pouvons certainement considérer comme une réussite.

En ce qui concerne les réfugiés de l'Angola dans la République du Congo (Léopoldville), j'avais signalé dans mon exposé de l'an dernier que je considérais comme achevée l'action entreprise par mon Office en faveur des quelque 150.000 réfugiés de l'Angola arrivés en 1961. Je faisais également état de l'arrivée de plusieurs milliers de réfugiés nouveaux pour lesquels j'envisagerais éventuellement des mesures complémentaires. Effectivement, au cours de 1963, mon Office accordé divers subsides aux organisations bénévoles privées de même qu'à la Croix-Rouge congolaise pour leur permettre d'exécuter quelques nouveaux projets en faveur des réfugiés de l'Angola. Les sommes distribuées par le seul Haut Commissariat sont venues s'ajouter à des montants beaucoup plus considérables mobilisés par les organisations qui se sont chargées d'exécuter les projets. Il est apparu toutefois que le problème des réfugiés de l'Angola ne saurait être dissocié de la situation économique et sociale de l'ensemble des populations qui habitent cette région de la République du Congo. Dans ces circonstances, le problème relève moins de mon Office que du gouvernement directement intéressé, de même que de l'ONUC, des institutions spécialisées ainsi que des grandes organisations d'entraide privées qui ont d'ailleurs eu leur attention attirée sur cette question par le rapport que j'ai préparé en janvier 1963 à l'intention des Membres du Comité exécutif, ainsi que d'autres gouvernements et de diverses organisations (document A/AC.96/189).

Toutefois, le principal problème de réfugiés en Afrique qui fasse, à l'heure actuelle, l'objet des programmes d'assistance de mon Office, demeure le problème des réfugiés du Rwanda qui se trouvent au Burundi, dans la République du Congo (Léopoldville), en Ouganda et au Tanganyika. Leur nombre s'élève, selon les dernières estimations, à plus de 130.000.

La localisation géographique de ce groupe de réfugiés, l'urgence des problèmes que leur présence soulève et continuera de poser au cours des prochains temps, m'ont incité à créer une délégation régionale en Afrique, dont le siège a été établi à Bujumbura, capitale du Burundi, tout en maintenant les délégués du Haut Commissariat à Léopoldville et dans la province du Kivu. Dans le même ordre d'idées, et afin de renforcer la coopération avec les gouvernements africains, le Haut Commissaire adjoint s'est rendu récemment dans plusieurs pays d'Afrique où il a été reçu par les chefs d'Etat et de gouvernement et où il a pu discuter avec les autorités intéressées les divers problèmes de réfugiés dans les pays d'Afrique.

L'action en faveur des réfugiés du Rwanda s'est poursuivie sans relâche et sur une grande échelle dans le cadre du mécanisme de coopération désormais bien établi entre les gouvernements, la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, les autres grands organismes d'entraide et le Haut Commissariat. Indépendamment des secours d'urgence accordés aux réfugiés, l'attention s'est portée sur des projets d'implantation rurale comportant la mise en culture de terres nouvelles, la mise en place d'écoles primaires et de dispensaires médicaux, et diverses mesures auxiliaires. Venant s'ajouter à plus de 500.000 dollars alloués en 1962, les allocations de mon Office en faveur des réfugiés du Rwanda se sont élevées en 1963 à plus de 700.000 dollars. Des moyens beaucoup plus considérables encore ont été affectés à ce problème par les gouvernements directement intéressés, par d'autres gouvernements agissant dans le cadre d'arrangements bilatéraux, ainsi que par les organisations bénévoles. Des progrès considérables dans le rétablissement sur place de ces réfugiés ont été faits en Ouganda. Dans les autres pays, le programme est actuellement en cours. Il est évident qu'ici, comme partout ailleurs, le succès de notre action dépend très largement de la coopération avec les gouvernements et les autorités locales compétentes et notamment de la stabilité de l'ordre public dans les régions où se trouvent les réfugiés. Je ne voudrais pas vous cacher qu'à cet égard, la situation qui semble exister actuellement au Nord-Kivu nous cause de graves préoccupations.

D'autres nouveaux problèmes de réfugiés ont été également signalés à l'attention de mon Office qui trouvent leur origine dans les changements d'une portée historique se produisant actuellement sur le continent africain. Nous voyons se dérouler là-bas des événements multiples, surgir des phénomènes qui relèvent de plusieurs mouvements de l'historie, et dont chacun doit être examiné en tenant compte des caractères qui lui sont propres. Je suis avec intérêt et de très près exactes. Je garde également les contacts nécessaires afin de me rendre compte de mes responsabilités éventuelles ainsi que des possibilités d'une coopération utile.

Peut-être le moment est-il venu, Monsieur le Président, de rappeler ici quelques principes qui inspirent mon Office lorsqu'il doit faire face, comme cela a été le cas si fréquemment au cours des dernières années, à de nouvelles situations de réfugiés. J'ai à peine besoin de rappeler que l'intervention éventuelle de mon Office revêt un caractère strictement humanitaire et non politique. L'action que pourrait entreprendre le Haut Commissariat est donc indépendante des événements qui ont pu créer tel ou tel autre problème de réfugiés et s'inscrit uniquement dans le cadre du mécanisme de solidarité internationale qui a déjà fait, je crois, ses preuves en Europe où s'était concentrée l'activité de mon Office pendant les premières années de son mandat. Ce mécanisme commence à prendre corps également dans d'autres continents et notamment en Afrique, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler tout à l'heure. Je suis heureux de constater à ce propos que la compréhension du caractère humanitaire de l'action du Haut Commissariat s'est étendue en profondeur aussi bien qu'en surface depuis quelque temps, et je souhaite que cette compréhension, essentielle pour que l'oeuvre du Haut Commissaire puisse réussir, s'affirme toujours davantage. En effet, pour que l'oeuvre du Haut Commissariat tendant à consolider l'asile et à assurer le bien-être des réfugiés puisse porter tous ses fruits, il faut avant tout que les pays d'asile s'y intéressent, et fassent preuve d'une compréhension des problèmes des réfugiés dans un esprit largement humanitaire « sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation » pour reprendre les termes de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.

Pour justifier une action d'assistance concertée de la communauté internationale dont mon Office est en l'occurrence l'instrument, il faut événement qu'une nouvelle situation de réfugiés revête une certaine ampleur. De plus, une action du Haut Commissariat ne saurait se concevoir que si elle est en fait possible et utile, en tenant compte également des appuis que le Haut Commissaire peut recevoir de la part des gouvernements et des organisations intergouvernementales ou non gouvernementales. En effet, toute aide que le Haut Commissaire peut accorder aux réfugiés repose sur la possibilité de mobiliser des concours bénévoles. Toute l'action du Haut Commissariat vise non seulement à l'emploi rationnel et efficace des moyens qui sent mis à sa disposition, mais aussi, par la discrétion nécessaire à une oeuvre de caractère humanitaire et non politique et par l'observation des limites qu'une organisation comme la nôtre doit s'imposer, à garder la confiance des gouvernements et des grandes organisations publiques et privées dans notre oeuvre.

Dans cet ordre d'idées, je voudrais réaffirmer mon souci d'agir de concert avec le gouvernement du pays d'asile. En fait, quelque assistance matérielle que le Haut Commissaire envisage d'apporter aux réfugiés, celle-ci n'est possible, et je dirais même n'est pensable, que dans la mesure où l'action envisagée est conforme aux vues et aux voeux du gouvernement du pays d'asile. En vertu même du principe de l'autorité souveraine des Etats, c'est le gouvernement du pays d'asile qui conserve la responsabilité primordiale envers les réfugiés qui résident sur son territoire, quels que soient d'ailleurs le volume ou les modalités de l'aide accordée de l'extérieur. Je pense, Monsieur le Président, que selon la seule conception acceptable du rôle du Haut Commissaire, celui-ci est appelé à aider le gouvernement du pays d'asile à faire face aux problèmes engendrés par la présence de réfugiés dans ce pays, et surtout aux aspects sociaux de ces problèmes.

Pour être assurée de pouvoir mobiliser les efforts et les énergies nécessaires, l'oeuvre internationale en faveur des réfugiés doit rester orientée vers un but aussi pratique et immédiat que possible. On peut résumer cet objectif par une formule souvent utilisée, mais qui je crois garde toute sa valeur : « Aider les réfugiés à s'aider eux-mêmes ». L'action concertée à laquelle participe le Haut Commissariat ne saurait se limiter à une oeuvre charitable, mais doit viser dès le début à apporter une solution véritable au problème qui en est l'objet.

Agissant dans cette perspective, nos efforts se sont surtout portés, au début de notre action en faveur des nouveaux réfugiés, et dans la plupart des cas, vers l'implantation de nouvelles communautés rurales sur des terres rendues disponibles par les autorités locales. En distribuant aux réfugiés des semences, des outils, en leur donnant les ressources nécessaires pour vivre jusqu'à première récolte, nous tâchons d'aider le réfugiés à s'aider lui-même et à subsister rapidement grâce à ses propres efforts.

Nous nous sommes aperçus par la suite que des efforts supplémentaires sont souvent requis pour consolider cette première implantation et mon Office y veille présentement. Nous nous rendons également compte que les réfugiés, loin de constituer un obstacle au développement du pays qui les a accueillis, doivent au contraire avoir la possibilité de s'intégrer dans des programmes d'ensemble qui intéressent aussi, et surtout, les populations vivant de longue date dans ce pays. Cette manière de voir nous a nécessairement amenés à renforcer nos contacts avec d'autres organes des Nations Unies de même qu'avec les diverses institutions spécialisées membres de la famille des Nations Unies, et à rechercher conjointement avec eux les meilleures méthodes permettant d'insérer les réfugiés dans ces programme plus généraux.

Je voudrais d'ailleurs rendre hommage, Monsieur le Président, à ces organes et institutions : l'Organisation mondiale de la Santé, l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture, l'UNESCO, le Bureau et l'Administration de l'Assistance technique, UNICEF, pour ne cite que les principale organisations avec lesquelles nous avons noué des liens très utiles.

Le Haut Commissariat a noué des liens plus étroits également avec l'Organisation internationale du Travail. A la suite de demandes faites par les gouvernements du Burundi et de République du Congo (Léopoldville), l'OIT se prépare présentement à prendre un intérêt particulier dans le développement économique et social des régions de ces pays où se trouvent des groupes importants de réfugiés du Rwanda. Je me propose de faire tous les efforts nécessaires pour que, grâce à l'action de mon Office menée dans le cadre de ses responsabilités statutaires et à l'action plus ample et plus générale de l'Organisation internationale du Travail, un pont puisse être jeté entre les problèmes de développement plus généraux, afin que les réfugiés cessent finalement de se sentir réfugiés.

Ainsi que j'ai essayé de le démontrer, l'objectif du Haut Commissariat est d'une portée essentiellement pratique. Ceci s'applique également à l'aspect de protection internationale des nouveaux problèmes de réfugiés. Tout en soulignant que le mandat conféré par l'Assemblée générale des Nations Unies au Haut Commissaire a une portée universelle, il convient de constater que la plupart des problèmes de nouveaux réfugiés se posent plus sur le plan de l'assistance qu'en termes de protection. Dans la mesure où se pose un problème d'assistance matérielle, je m'en occupe en vertu de la mission de bons offices que l'Assemblée générale m'a confiée. Je pense qu'en mettant cette action en première ligne, on peut contribuer à infléchir la situation de façon à éviter que ne surgisse le problème de la protection au sens plus étroit du terme. Cette manière d'agir doit normalement facilite aux gouvernements directement intéressés - et je comprends dans ce terme tant les gouvernements des pays d'asile que les gouvernements des pays d'origine des réfugiés - la compréhension du caractère strictement humanitaire de notre action. Il n'en reste pas moins que mon Office est attentif à cet aspect de protection des nouvelles situations de réfugiés. Comme je le disais devant la Troisième Commission il y a deux ans, lors de la seizième Session de l'Assemblée générale, si des problèmes de protection juridique venaient à se poser dans une de ces poubelles situation de réfugiés, je n'hésiterais pas, ainsi qu'il est mon devoir, de les examiner à la lumière des termes de mon mandat.

J'aimerais saisir cette occasion, Monsieur le Président, pour redire toute ma gratitude aux organisations bénévoles d'inspiration no gouvernementale qui, concurremment avec les autorités et les organisations publiques, nous aident depuis toujours dans l'accomplissement de l'oeuvre internationale en faveur des réfugiés. L'attribution de la Médaille Nansen 1963 au Conseil international des agences bénévoles a été une occasion de rendre solennellement un éclatant hommage à toute les organisations bénévoles, petites ou grandes, qui oeuvrent sans cesse en faveur des réfugiés de par le monde.

Ces concours, et également le concours des gouvernements des pays d'asile et des autres gouvernements qui appuient notre tâche, sont d'autant plus nécessaires que le Haut Commissaire ne dispose que de moyens limités. Il n'incombe pas, à mon sens, au Haut Commissariat d'assumer intégralement des tâches pour lesquelles mon Office n'a été ni conçu ni équipé. L'action du Haut Commissaire est essentiellement une action catalytique et stimulante. Elle consiste à susciter les concours, à les mobiliser et à les coordonner dans un souci d'efficacité maximum. Les programme d'assistance du Haut Commissariat constituent le cadre et l'instrument qui nous permettent d'agir de la sorte, et comme je l'ai rappelé plus haut, les faibles moyens d'action matériels dont dispose mon Office ne reflètent en rien le volume réel de nos diverses tâches, ni l'importance des problèmes que nous sommes appelés à résoudre.

Je me réjouis de l'appui que l'Assemblée générale a constamment apporté à l'oeuvre du Haut Commissariat et des efforts qu'elle à faits pour adapter mon Office aux besoins des situations nouvelles et pour renforcer le caractère universel de l'oeuvre internationale d'assistance aux réfugiés. Cette tendance à l'universalité s'est encore reflétée dans la résolution 965 (XXXVI) adoptée en juillet 1963 par le Conseil économique et social. Ainsi qu'en ont fait état diverses délégations au cours des débats du Conseil, c'est en effet parce que l'action du Haut Commissariat s'est étendue à de nouveaux continents et afin de permettre d'élargir la représentation des Etats qui sont devenus membres de l'Organisation au cours des dernières années, que le Conseil économique et social prie l'Assemblée générale de porter de 25 à 30 le nombre des membres du Comité exécutif du programme du Haut Commissaire.

Le caractère universel de l'oeuvre en faveur des réfugiés ressort aussi du nombre croissant des Etats qui apportent chaque année la preuve tangible de leur intérêt et de leur sympathie en contribuant aux fonds bénévoles de mon Office. Pour assurer l'avenir de notre oeuvre, il est particulièrement important que celle-ci bénéficie, également sur le plan financier, d'un appui aussi général que possible.

Monsieur le Président, permettez-moi de conclure ces quelques considérations en exprimant l'espoir que, grâce à la compréhension toujours croissante des gouvernements, il sera possible de maintenir vivante l'oeuvre du Haut Commissariat en l'adaptant constamment aux exigences mouvantes de notre monde d'aujourd'hui. Je suis convaincu que si mon office remplit ainsi sa tâche en faveur des réfugiés, il pourra demeurer un instrument utile au service de notre Organisation et continuer de traduire sur le plan des réalités les généreux principes humanitaires des Nations Unies.