A Mossoul, les habitants luttent pour leur survie
A Mossoul, les habitants luttent pour leur survie
MOSSOUL, Iraq – Quand les combats ont isolé leur quartier, le frère de Nashwan, père de trois enfants, lui a dit qu'il était temps de partir. Quelques heures plus tard, la maison familiale a été partiellement détruite.
« Mon frère m'a sauvé la vie », explique Nashwan, debout devant le logement temporaire qu'il occupe avec 40 membres de sa famille élargie — pour la plupart de jeunes enfants agglutinés autour de lui — dans la ville ravagée par la guerre.
La famille est bien à l'étroit dans les trois pièces qu'elle occupe chez un parent qui a lui aussi fui devant l'offensive des forces iraquiennes pour reprendre la deuxième ville du pays aux extrémistes. Depuis lors, Nashwan est retourné deux fois dans son ancienne maison pour inspecter les dégâts et récupérer quelques affaires.
« Quand on s'est enfui, je n'ai même pas pu prendre nos vêtements, mais le plus important pour nous, c'est la nourriture et l'eau. »
« J'étais bien triste en rentrant dans la maison. Après un moment, je me suis tout de même dit : ‘Merci mon Dieu que j'ai pu m'échapper !’ Si nous étions restés là, nous aurions tous étés massacrés », explique-t-il.
La famille vit encore à portée des tirs d'artillerie, car la bataille continue de faire rage dans la ville. À mesure que les températures plongent, ils se retrouvent sans eau potable et sans électricité et les vivres commencent à manquer.
« Quand on s'est enfui, je n'ai même pas pu prendre nos vêtements, mais le plus important pour nous, c'est la nourriture et l'eau, » ajoute Nashwan. Avant le début des combats, il travaillait comme chauffeur de taxi pour subvenir aux besoins de ses proches sans emploi.
Plus de 108 000 habitants ont déjà fui Mossoul depuis le 17 octobre où a été lancée l'offensive pour reprendre la ville aux extrémistes. La plupart des fugitifs ont trouvé refuge dans les camps mis en place par le gouvernement et le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Il reste cependant des milliers de familles, comme celle de Nashwan, déplacées à l'intérieur de la ville ou qui y sont revenues malgré la poursuite des combats. Elles sont contraintes de s'abriter là où elles peuvent dans les quartiers périphériques, aussi loin que possible des affrontements.
« S’ils restent, ils risquent de souffrir de la faim et d’être pris dans des tirs croisés. S’ils tentent de s’enfuir, ils risquent d’être tués. »
Réfugiés dans des logements criblés de balles que d’autres familles ont abandonnés, ils sont nombreux à redouter les obus de mortier perdus, sans pouvoir retourner chez eux, car leurs maisons sont détruites ou situées dans des quartiers où les combats sont encore plus intenses.
« La sécurité ne cesse de se détériorer, et il est essentiel que les civils encore bloqués dans Mossoul ne soient pas empêchés de quitter la ville vers la sécurité », déclare Bruno Geddo, le représentant du HCR en Iraq.
« Pour les civils de Mossoul, le dilemme est de taille. S’ils restent, ils risquent de souffrir de la faim et d’être pris dans des tirs croisés. S’ils tentent de s’enfuir, ils risquent d’être tués par des tireurs embusqués ou de sauter sur des mines, » ajoute-t-il.
Avec des températures nocturnes proches de zéro, les déplacés dans Mossoul ont désespérément besoin de nourriture, d’eau potable, de couvertures, de vêtements et de pétrole pour se chauffer.
Durant les dernières semaines, le HCR a intensifié son aide hivernale et distribué 53 536 couettes et couvertures thermiques aux personnes dans le besoin dans divers quartiers de la ville.
Nashwan explique qu’il veut rentrer chez lui, mais c’est impossible car les combats font rage. De plus, des articles essentiels tels que les médicaments nécessaires à certains membres de sa famille souffrant de diabète et d'hypertension ne sont pas disponibles à proximité du front. La semaine dernière, une organisation partenaire du HCR lui a remis deux lots de matelas et de couvertures thermiques.
« Nous en avons vraiment besoin. Nous sommes partis tellement vite que nous n'avons pas eu le temps de préparer quoi que ce soit. »
« Nous en avons vraiment besoin », explique-t-il. « Nous ne sommes vraiment pas riches en couvertures et en matelas et nous sommes obligés de dormir à trois sous la même couverture. Quand nous avons fui les tirs et les explosions, nous n'avons emporté que notre âme. Nous sommes partis tellement vite que nous n'avons pas eu le temps de préparer quoi que ce soit. Certains d'entre nous se sont même enfuis pieds nus. »
Pour atteindre le point de distribution du HCR, Faiza Abed, 30 ans, a dû marcher une heure depuis le quartier de Mossoul où elle s'est réfugiée dans un bâtiment abandonné. « Je suis venue chercher des couvertures. J'ai un fils handicapé et la situation est très difficile : nous n'avons rien pour nous couvrir », explique-t-elle.
« Je vis dans un bâtiment en construction, et il faut donc que je trouve de quoi me couvrir. » La famille est venue s'installer dans l'est de Mossoul avec ses 20 moutons il y a deux ans, quand des groupes armés ont pris le contrôle de son village et qu’il n'y a plus eu le moindre travail.
Pendant les affrontements, elle a creusé un trou dans le sol, à l'intérieur de la maison, et elle s’y réfugie avec son fils. « Nous avions très peur. Nous avons creusé le trou pour pouvoir nous y cacher. »