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Les rapatriés angolais à l'avant-garde de la lutte contre la superstition

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Les rapatriés angolais à l'avant-garde de la lutte contre la superstition

Dans certains pays, la sorcellerie n'est plus qu'une farce qu'on célèbre une fois par an, pour Halloween, avec des citrouilles et des chapeaux pointus. Dans d'autres, comme en Angola, c'est toujours une question de vie ou de mort, malgré les efforts courageux d'un groupe de rapatriés angolais qui essaient de convaincre leurs compatriotes d'abandonner la superstition et, à sa place, de promouvoir la citoyenneté.
31 Octobre 2005
Ces personnes attendent le début d'une réunion du groupe « violence liée à l'appartenance sexuelle » à M'Banza Congo, en Angola. Ce groupe s'intéresse à de nombreuses problématiques comme la promotion des droits des femmes, la lutte contre la superstition et le droit de vote aux élections.

M'BANZA CONGO, Angola, 31 octobre (UNHCR) - En novembre 2003, la soeur d'António de Pádua Valuala Dezi a rendu visite à un kimbandeiro - un devin et guérisseur qui avait la réputation de pouvoir communiquer avec les esprits, qui déclara que son fils, âgé de 11 ans, avait des pouvoirs maléfiques. Le lendemain matin, elle l'étrangla, persuadée qu'il était sorcier.

Dans certains pays, la sorcellerie n'est plus qu'une farce qu'on célèbre une fois par an, pour Halloween, avec des citrouilles et des chapeaux pointus. Dans d'autres, comme en Angola, c'est toujours une question de vie ou de mort, et un frein au progrès social.

La soeur d'António Dezi a été arrêtée, emprisonnée et condamnée à 18 ans de prison. Moins de deux mois après le meurtre de son neveu, António Dezi fait partie des premiers volontaires du groupe contre la violence liée à l'appartenance sexuelle créé par l'UNHCR à M'Banza Congo, la capitale actuelle de la province angolaise du Zaïre, mais également l'ancienne capitale du Royaume du Congo qui était, jusqu'au XVIe siècle, un empire avec une des organisations sociales les plus développées en Afrique.

António Dezi fut un des premiers membres du groupe formé par 75 anciens réfugiés angolais - de retour de leur exil en République démocratique du Congo - qui s'étaient portés volontaires pour promouvoir la réconciliation dans le pays après 27 années de guerre. Depuis, le groupe ne comporte plus que 25 volontaires, mais il est toujours très actif.

Au début, le groupe organisait des réunions journalières dans six communautés de M'Banza Congo pour parler de l'égalité et pour lutter contre les préjugés à l'encontre des rapatriés. A présent, après avoir reçu tant de menaces de maris violents et d'autres personnes, le travail se fait plus discrètement.

Un autre groupe, sponsorisé par le bureau local de l'UNHCR dans cette ville, organise deux réunions communautaires par semaine. Ses réunions ont du succès. Lors d'une réunion récente à Sagrada Esperança, un quartier pauvre, on a abordé le rôle des femmes dans la société et les prochaines élections.

Les activités du groupe sont financées par Women Waging Peace, qui est soutenu par USA for UNHCR, une organisation qui collecte des fonds pour l'UNHCR aux Etats-Unis.

João Paka, un soba (chef traditionnel), qui participait à la réunion pour la troisième fois, s'est plaint des nombreuses scènes à caractère érotique dans les séries télévisées brésiliennes : il avait dû expliquer à sa petite fille pourquoi les couples s'embrassent sur la bouche.

Mais João Paka a également souligné : « Le monde a changé. Avant, les femmes ne conduisaient pas de voiture et ne pilotaient pas d'avion. Maintenant, elles le font, et nous pensons que c'est une bonne chose. » Il suit les lignes directrices pour formateurs aux problématiques sexistes qui lui ont été fournies par le Ministère des femmes.

« Nous faisons tout ce qui est écrit dans votre livre. Par exemple, c'est moi qui porte le bois, pas ma femme », explique João Paka, bien qu'il soit un soba dans un pays où porter de lourdes charges est avant tout le rôle des femmes. Il explique fièrement à ses voisins qu'il aide sa femme dans les tâches quotidiennes du ménage, comme faire la vaisselle.

Quelques femmes se plaignent du nombre de séparations et de divorces. En général, ces femmes, dont beaucoup sont d'anciennes réfugiées, ont appris à devenir plus indépendantes par la force des choses. A présent, des groupes tels que celui de António Dezi les aident à conserver cette indépendance après leur retour en Angola.

Au sujet des élections, les animateurs du groupe parlent de l'importance de profiter de la campagne nationale actuelle d'enregistrement gratuit, même s'il faut pour cela se donner la peine de trouver des témoins pour confirmer son lieu de naissance. Obtenir des papiers est une première étape pour trouver un emploi et bénéficier de la citoyenneté, y compris du droit de vote.

Un vieil homme dit se rappeler comment voter : faire une croix dans le carré à côté du candidat de son choix sur le bulletin de vote. Il l'a fait en 1992, pendant ce que les Angolais appellent maintenant la « courte paix ».

Mais, même s'il a déjà mis en pratique une chose dont les autres ont seulement entendu parler, il est toujours un peu perdu : « Une carte d'identité, c'est seulement pour voter ? Ceux qui n'en auront pas pourront-ils voter ? Les réfugiés angolais seront-ils autorisés à rentrer avant les élections ? »

Les animateurs répondent à ses questions, une par une, dans la langue locale, le kikongo.

« Les réactions sont très bonnes », déclare André Alves Maifula, un chef de la communauté et un des coordinateurs du groupe. « Nous parlons leur dialecte, la même langue. Certains n'osent pas parler ici, car il y a toujours beaucoup de suspicion sur le fait de s'exprimer en public, mais lorsqu'ils rentrent chez eux, ils parlent beaucoup de ce qu'ils ont entendu lors de ces réunions. »

Récemment, dix des animateurs ont reçu des vélos et peuvent maintenant étendre leurs activités aux banlieues de la ville pour parler du rôle des hommes et des femmes ainsi que des élections.

L'après-midi, lorsque quelques animateurs du groupe « violence liée à l'appartenance sexuelle » se retrouvent pour parler de leur travail, Simba Esperança, vêtue d'une robe traditionnelle d'un vert profond, explique en kikongo que lorsqu'elle voit une mère battre un enfant, elle se précipite vers elle pour lui prodiguer des conseils.

D'abord, elle demande pourquoi la mère bat son enfant. Si la réponse mentionne un feitiço (un sort), Simba demande qu'elle lui fournisse une preuve. Si un kimbandeiro est évoqué comme preuve, elle dit habituellement « Vous ne pouvez pas dire cela. Personne ne peut entrer dans le coeur de quelqu'un d'autre. »

Selon Esperança, si aucun de ses arguments ne fonctionne, on rapporte le cas à la police.

« Au début, lorsque nous avons reçu notre formation et que nous avons commencé à travailler, la plupart des problèmes concernaient le droit de puiser de l'eau », déclare Rosa Madalena, 29 ans. « Chaque fois que nous arrivions au point d'eau, les autres femmes nous traitaient de kimbandeiro (étrangères) et nous disaient que nous ne pouvions pas emporter d'eau à la maison. »

La violence domestique était également très répandue. Selon les groupes, les divorces sont de plus en plus fréquents. « Nous, les Angolais rentrés d'exil, nous ne trouvons pas facilement du travail. Le taux de divorce est donc élevé, soit parce que le mari ne peut subvenir aux besoins de sa famille, soit parce que l'épouse a trouvé un homme plus riche », explique Bibiana, une des coordinatrices.

Depuis que le groupe « violence liée à l'appartenance sexuelle » a été créé en janvier 1994, la violence domestique et les viols de femmes et d'enfants ont diminué dans les quartiers ciblés par la prévention. A présent, les voisins savent que faire et en cas de conflits dans la communauté, on fait souvent appel à un des membres du groupe.

Chaque cas est signalé au bureau de l'UNHCR à M'Banza ainsi qu'au Ministère de la famille et des questions féminines. Parfois, comme dans le cas du meurtre commis par la soeur d'António Dezi, on doit appeler la police.

Malgré les efforts admirables d'António de Pádua Valuala Dezi et des autres volontaires du groupe, les parents à qui on fait croire que leurs propres enfants sont des sorciers sont toujours trop nombreux à M'Banza Congo : en septembre, l'organisation caritative religieuse qui dirige le Santa Center, un centre qui recueille les enfants abandonnés car accusés de sorcellerie, hébergeait 51 de ces enfants.

Par Maria Benevides à M'Banza Congo