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Le conflit colombien pousse les déplacés à vivre dans des décharges où règne l'insécurité

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Le conflit colombien pousse les déplacés à vivre dans des décharges où règne l'insécurité

La majorité des trois millions de déplacés internes colombiens vivent dans des villes. Souvent, il n'ont pas d'autre choix que de s'installer dans les banlieues les plus pauvres, où ils doivent faire face non seulement à de très difficiles conditions de vie mais aussi à une menace permanente sur leur sécurité.
25 Octobre 2006
A cause du conflit en Colombie, les déplacés, comme ce garçon, vivent dans des maisons faites de bois et de chiffons de récupération dans des décharges, qui n'offrent qu'une faible protection contre le conflit qui ravage le pays.

LAS DELICIAS, Colombie, 25 octobre (UNHCR) - A seulement quelques minutes du centre de Cúcuta, une ville située à l'est de la Colombie, de ses boutiques de mode et ses maisons de style colonial, les alentours de Las Delicias offrent une vision dantesque. Les volutes de fumée s'élevant depuis l'importante décharge située aux confins de la ville obscurcissent la perspective en contrebas, où apparaît une étendue de bidonvilles constitués par des huttes en tôle ondulée et en bois établies parmi les ordures.

Il y a seulement cinq ans, c'était une décharge. Aujourd'hui, Las Delicias abrite environ 3 000 personnes, soit plus de 570 familles selon le dernier recensement. La vaste majorité s'est installée ici après avoir fui les violences dans d'autres parties de la Colombie. Et leur nombre ne cesse de croître.

« Beaucoup de gens sont arrivés l'année dernière », explique Rosa Martinez, dont la famille a été l'une des premières à s'installer à Las Delicias, il y a quatre ans. « Nous faisons ce que nous pouvons pour les aider mais il y a beaucoup de problèmes. Nous vivons dans une décharge alors les enfants tombent malades ; nous ne pouvons pas y faire grand-chose. »

Il n'y a pas de médecin à Las Delicias, ni d'école pour les enfants. Il n'y a pas non plus d'eau courante ni de système sanitaire. Etant l'une des résidentes les plus anciennes, Rosa Martinez fait ce qu'elle peut pour organiser la vie de la communauté afin de recevoir de l'aide des autorités locales, une initiative qui reçoit le soutien actif de l'UNHCR. « C'est un travail de longue haleine », explique-t-elle, « mais ces derniers mois, nous avons commencé à voir quelques résultats. »

Une partie du problème vient du fait que ce quartier n'existe pas officiellement. Las Delicias est ce que l'on appelle en Colombie une « invasion », une concentration d'habitations de squatteurs construites illégalement sur un terrain, très souvent inutilisable pour accueillir des habitations humaines.

Il y a des endroits comme Las Delicias dans et autour de chaque grande ville du pays. Les autorités locales peuvent mettre beaucoup de temps à reconnaître l'existence de ces quartiers et mettre à disposition de leurs habitants des services de base, bien que de nombreux déplacés n'aient pas d'autre endroit où aller.

Le déplacement urbain est l'un des plus grands défis auquel doit faire face le Gouvernement colombien dans son travail pour aider les trois millions de personnes déplacées dans le pays par le conflit armé interne. Le conflit étant très intense dans les régions rurales reculées, de nombreux déplacés quittent la campagne pour aller s'abriter dans les grandes villes. Ils ont peu de compétences qui leur permettraient de subvenir à leurs besoins dans un environnement urbain et finissent souvent dans les quartiers pauvres comme Las Delicias, où ils restent extrêmement vulnérables à d'autres violences.

« Les personnes déplacées qui arrivent dans les grandes villes sont très exposées au risque de devenir les victimes de gangs criminels », explique Roberto Meier, le délégué de l'UNHCR en Colombie. « Ils souffrent d'extorsion et leurs enfants sont poussés à la prostitution ou à rejoindre des gangs. Pire ils sont parfois à nouveau persécutés par les mêmes groupes armés irréguliers qu'ils avaient fuis la première fois. Le résultat est que nombre d'entre eux sont obligés de fuir à nouveau, parfois au sein de la même ville. »

Et lorsque c'est le cas, leur situation empire, comme dans le cas de Maurizio*. Jusqu'au début 2006, Maurizio avait réussi à rester dans la ferme familiale située dans sa région natale de Catatumbo, l'une des régions les plus troublées de Colombie. Mais une reprise des combats autour de son village l'a finalement forcé à fuir. Il est arrivé en mars dans l'une des banlieues de Cúcuta où, après quelques mois, il a été sauvagement battu par un gang armé de jeunes hommes qui patrouillait dans le secteur.

Maurizio a fui de nouveau, cette fois vers Las Delicias, où avec l'aide de ses nouveaux voisins, il vient de finir de construire une hutte basique faite de bâche en plastique et de tôle ondulée au pied de la colline. Il paraît être encore sous le choc : l'espoir de trouver un havre de paix s'est encore amenuisé après son second déplacement.

« Devoir quitter la ferme a été la décision la plus difficile de ma vie », raconte-t-il, « mais quand je suis arrivé à Cúcuta, j'ai pensé qu'au moins je pourrais vivre en paix. Maintenant chaque jour je pense que je pourrais avoir à fuir à nouveau, cela s'est déjà passé deux fois, qui ou qu'est-ce qui pourrait empêcher que ça se reproduise ? »

Le Cour constitutionnelle de Colombie a ordonné cet été que de tels cas de déplacement intra urbain soient reconnus et traités. A ce jour, cependant, il n'existe pas de mécanisme bien établi pour venir en aide aux personnes comme Maurizio. Il a été enregistré comme déplacé auprès des autorités peu après son arrivée à Cúcuta, mais son cas n'a pas encore été étudié. Il ne recevra aucune assistance supplémentaire pour faire face à son second déplacement.

Par Marie-Hélène Verney à Cúcuta

* Nom fictif