La religion et la communauté, outils efficaces pour aborder la problématique de la condition féminine chez les rapatriés afghans
La religion et la communauté, outils efficaces pour aborder la problématique de la condition féminine chez les rapatriés afghans
KUZ KUNAR, Afghanistan, 21 avril (UNHCR) - « Il y a quatre types de femmes », déclare le vieil homme, en caressant sa barbe pour se donner un air théâtral : « la polie, la chienne, l'ânesse et la chatte. »
Il ajoute : « La polie est directe et obéissante, elle respecte son beau-père. » Les autres descriptions sont moins flatteuses. Elles vont de rebelle à paresseuse et bavarde.
La cinquantaine d'hommes rassemblés pour la réunion à Kuz Kunar, dans la province de Nangahar, à l'est de l'Afghanistan, laissent l'homme exposer sa théorie particulière, comme ils l'ont fait avec les autres participants. Bientôt, le présentateur de la discussion se lève et ramène le débat à son sujet initial.
Cette réunion, dirigée par une organisation afghane soutenue par l'UNHCR, fait partie du programme de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés dont le but est de combattre la violence sexuelle à l'encontre des femmes parmi les communautés rapatriées en Afghanistan.
Pendant la journée consacrée à cette réunion, les hommes étaient assis à l'ombre des arbres et buvaient du thé vert, en discutant de sujets sensibles liés au traitement des femmes dans leur communauté. On percevait les échos de la discussion animée tenue en parallèle par les femmes, dans un bâtiment tout proche.
Le moniteur commença la journée en abordant le sujet des mariages croisés, lorsque deux familles s'accordent pour échanger leurs filles comme épouses pour leurs fils. Les femmes n'ont pas leur mot à dire dans ce commerce. Si l'époux de l'une maltraite sa femme, l'autre, à son tour, est punie et souvent battue par sa belle-famille.
« Que pouvons-nous faire pour mettre fin à ces pratiques ? », demande le moniteur au groupe.
« Nous sommes une société musulmane », déclare un homme portant un pakool, le couvre-chef traditionnel en laine des Pachtounes afghans. « Si les gens sont réellement conscients de l'Islam, ces problèmes disparaîtront. »
Les moniteurs masculins et féminins dirigeant ces réunions dans toute la province de Nangahar, s'assurent que l'Islam est au centre des discussions. Ils montrent que de nombreuses pratiques et attitudes traditionnelles envers les femmes sont explicitement interdites dans le Coran.
Parmi les sujets de discussion, on a abordé l'exigence du paiement en espèces pour la main d'une fille réclamé à la belle-famille potentielle. Ces paiements laissent souvent les familles lourdement endettées ; à leur tour, celles-ci essaient de récupérer une partie de leur argent, en exigeant un prix élevé pour leurs propres filles. Souvent, des femmes sont également utilisées pour résoudre des conflits entre familles : les filles sont données en mariage à un homme de la famille lésée.
C'était la première fois qu'Abdul Qadus se rendait à une telle réunion. Père de trois filles et directeur d'une école pour filles, il pense qu'il est important que ces sujets, autrefois tabous, soient à présent débattus en public.
« Les gens savent que ces choses sont contraires à l'Islam », déclare-t-il. « Mais de tels rassemblements nous permettent d'échanger nos opinions et d'augmenter la pression en faveur du changement dans notre société. »
Ghulam Ishaq est un moniteur de SHE, la Société pour la santé et l'éducation (Society for Health and Education), une association financée par l'UNHCR pour organiser des ateliers de sensibilisation sur la condition de la femme. Il reconnaît que ce groupe de discussion ne va pas changer immédiatement des siècles de tradition. Mais il croit que les chances de succès seront augmentées en basant ses arguments sur les enseignements de l'Islam et en faisant participer l'ensemble de la population.
« Nous encourageons les membres de la communauté à identifier les problèmes et à proposer leurs propres solutions », dit-il. Grâce au soutien de l'UNHCR, un travailleur social peut prendre le relais pour assurer le suivi et pour conseiller les gens dans les régions où les réunions se sont tenues.
Derrière les murs de boue, là où se sont réunies les femmes et où, seule, une employée de l'équipe de l'UNHCR a pu entrer, le groupe est tout aussi prompt à condamner des pratiques telles que les mariages croisés, mais beaucoup de participantes pensent qu'elles n'ont pas la clé pour mettre fin à ces traditions.
Shakila a été abandonnée par son mari lorsqu'il prit une seconde épouse plus jeune. Elle est toujours mariée et continue à vivre avec sa belle-famille. Elle est heureuse d'avoir participé au rassemblement. Comme elle le souligne, une telle réunion aurait été impensable sous le régime taliban. Mais elle a des doutes quant à l'avenir. « C'est bien de se rassembler et de parler de ces choses-là », dit-elle, « mais dans cette communauté, les femmes ne prennent aucune décision ; c'est donc les hommes qu'il faut éduquer. »
Alors qu'elle s'apprête à partir, Nouria offre un jugement plus optimiste. « Ces discussions contribuent à améliorer le savoir des femmes. Elles peuvent voir qu'elles ont, elles aussi, des droits. »
Par Tim Irwin, UNHCR Kaboul