Des villages tchadiens attaqués et incendiés, de nombreux morts et des centaines de personnes en fuite
Des villages tchadiens attaqués et incendiés, de nombreux morts et des centaines de personnes en fuite
GOZ BEIDA, Tchad, 9 novembre (UNHCR) - Des hommes armés à cheval ont attaqué plusieurs villages reculés du sud-est du Tchad, situés près de la frontière avec la région soudanaise du Darfour. Ils ont pillé et incendié des maisons, causant de nombreux morts et forçant des centaines de personnes à quitter leur foyer. L'agence pour les réfugiés a déclaré lors d'une conférence de presse jeudi que, selon les premiers rapports reçus par les équipes de l'UNHCR, plus de 200 personnes pourraient avoir été tuées.
Après avoir reçu des informations concernant plusieurs attaques brutales dans la région, une équipe de l'UNHCR s'est rendue mercredi dans la région de Kerfi, à 40 kilomètres au sud du bureau de terrain de l'UNHCR localisé dans la ville de Goz Beida. Des habitants ont dit au personnel de l'UNHCR que les attaques avaient commencé samedi, et avaient pour le moment touché les villages de Bandicao, Badia, Neweya, Kerfi, Agourtoulou, Abougsoul et Djorlo. Des rapports indiquent que les villages de Tamadjour et Loubitegue ont été attaqués mercredi.
Plus de 1 000 personnes ayant fui quelque 10 villages de la région sont arrivées mercredi à Koukou Angarana et dans un camp de déplacés internes situé à proximité, à Habile, qui accueille déjà 3 500 Tchadiens déplacés. De nouveaux déplacés sont en train d'arriver après avoir quitté leurs cachettes dans la brousse. L'UNHCR vérifie aussi des informations concernant de nouvelles arrivées près du camp de réfugiés de Djabal à Goz Beida, la principale ville du sud-est du Tchad.
Les villageois veulent rentrer chez eux aussi vite que possible car c'est la saison des moissons, a indiqué Musonda Shikinda, responsable du bureau de terrain à Goz Beida. « Ce serait un désastre complet pour eux s'ils ne peuvent pas les faire [les moissons], alors ils espèrent que la situation va se calmer aussi vite que possible pour revenir sur leurs terres », a-t-il ajouté.
A Genève, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres a réclamé une action urgente et la mobilisation de la communauté internationale pour arrêter la violence croissante. « Nous sommes profondément préoccupés par les brutalités dans l'est du Tchad, une région qui lutte déjà pour s'occuper de plus de 218 000 réfugiés soudanais originaires du Darfour voisin », a-t-il dit. « Depuis des mois, nous prévenons que le conflit au Darfour menace de déstabiliser l'ensemble de la région et nous soutenons les appels lancés pour une présence internationale dans l'est du Tchad et pour que le Tchad fournisse des efforts plus importants afin de maintenir la sécurité dans cette zone. »
En août dernier, la résolution 1706 du Conseil de sécurité des Nations Unies a appelé au déploiement d'une présence onusienne multidisciplinaire au Tchad et en République centrafricaine. L'agence des Nations Unies pour les réfugiés craint que la dégradation de la situation sécuritaire à l'est n'affecte ses opérations humanitaires.
Alors que les équipes de l'UNHCR dans le sud-est du Tchad continuent à réunir des informations, les premiers rapports indiquent qu'au moins 220 personnes auraient été tuées lors de cette série d'attaques et des dizaines d'autres blessées. La plupart des blessés se trouvent encore dans leurs villages ou à proximité, car ils ne disposent d'aucun moyen de transport pour se rendre aux centres de santé les plus proches, dans le village de Kerfi et à Goz Beida.
Le chef du bureau de l'UNHCR à N'Djamena, la capitale tchadienne, voyage aujourd'hui dans la région, avec d'autres membres de l'UNHCR, du personnel d'agences de l'ONU et des fonctionnaires tchadiens. Ils se rendront à Goz Beida et Koukou afin d'évaluer les besoins des nouveaux déplacés.
Une équipe de l'UNHCR s'est rendue dans le village de Djorlo mercredi. Elle a trouvé l'essentiel du village encore fumant après qu'il ait été attaqué et brûlé mardi matin par quelque 200 hommes à cheval.
Les villageois ont indiqué à l'UNHCR que des tribus arabes voisines avaient attaqué Djorlo, tuant 36 personnes et en blessant 22 autres sur un village de 800 habitants. « Certains des attaquants s'étaient installés dans des arbres pour tirer sur les villageois », a expliqué le chef du village, ajoutant que quelques-uns portaient des treillis militaires kaki et des bérets rouges.
Un autre survivant de Djorlo a indiqué que les villageois s'attendaient à une attaque. « Nous avions entendu que Bandicao avait été attaqué, alors nous attendions notre tour. Les hommes se sont rassemblés en dehors du village avec des arcs et des flèches, mais nous n'avions pas de pistolets, contrairement à eux », a-t-il affirmé.
Les blessés ont dû attendre l'après-midi pour être transportés en ambulance à l'hôpital de Goz Beida ; les morts ont été enterrés dans quatre fosses communes.
Les employés de l'UNHCR ont indiqué avoir trouvé les villageois en état de choc, des hommes et de jeunes garçons errant parmi les destructions, armés d'arcs, de flèches et pour certains d'épées. Ils tentaient de sauver ce qui pouvait encore l'être des cendres et des décombres.
L'an passé, environ 63 000 Tchadiens ont été déplacés par des violences interethniques dans l'est du Tchad. L'agence des Nations Unies pour les réfugiés assiste 15 000 réfugiés du Darfour dans le camp de Djabal, près de Goz Beida, ainsi que 18 000 réfugiés dans le camp de Goz Amer, près de Koukou. Au total, l'UNHCR et ses partenaires aident 218 000 réfugiés dans 12 camps à l'est du Tchad.
Par Hélène Caux à Goz Beida, Tchad