Plus de 68 millions de personnes déracinées en 2017 ; Une nouvelle approche mondiale sur les réfugiés est nécessaire d’urgence
UNHCR/Eduardo Soteras Jalil
En 2017 et pour la cinquième année consécutive, les guerres, les violences et la persécution ont propulsé les déplacements forcés dans le monde vers un nouveau record, sous l’effet de la crise en République démocratique du Congo, de la guerre au Soudan du Sud et de la fuite de centaines de milliers de réfugiés rohingyas vers le Bangladesh depuis le Myanmar. Les pays en développement sont les plus massivement touchés.
Dans son rapport statistique annuel Global Tends (Tendances mondiales) publié ce jour, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, dénombre 68,5 millions de personnes déracinées à la fin 2017. Sur ce total, le chiffre de 16,2 millions de personnes devenues déracinées durant la seule année 2017 – pour la première fois ou de manière répétée – atteste de l’ampleur de la population en mouvement, soit 44 500 personnes déracinées par jour ou une toutes les deux secondes.
Les réfugiés qui ont fui leurs pays pour échapper au conflit et à la persécution représentent 25,4 millions sur les 68,5 millions de personnes déracinées, soit un accroissement de 2,9 millions par rapport à 2016 et aussi la plus forte augmentation jamais enregistrée par le HCR pour une seule année. Parallèlement, le nombre de demandeurs d’asile qui étaient toujours en attente de l’obtention du statut de réfugié au 31 décembre 2017, a augmenté d’environ 300 000 pour atteindre 3,1 millions. Les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont au nombre de 40 millions, soit un peu moins que les 40,3 millions de déplacés internes en 2016.
En d’autres termes, le monde comptait davantage de personnes déracinées en 2017 que la population de la Thaïlande. Sur l’ensemble des pays, une personne sur 110 est déracinée.
« Nous nous trouvons à un moment décisif où la réponse appropriée aux déplacements forcés à travers le monde exige une approche nouvelle et plus globale afin que les pays et les communautés ne soient plus laissés seuls face à ces situations », a déclaré le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi. « Toutefois, il y a des raisons d’espérer. Quatorze pays appliquent déjà des modalités novatrices pour la gestion des crises de réfugiés et, d’ici quelques mois, un nouveau pacte mondial sur les réfugiés sera prêt à être adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies. Aujourd’hui, à la veille de la Journée mondiale du réfugié, je m’adresse aux États membres pour leur demander d’appuyer cette approche. Personne ne devient un réfugié par choix, mais chacun de nous peut choisir comment aider. »
Chaque année, le HCR publie son rapport statistique sur les Tendances mondiales dans le monde entier juste avant la Journée mondiale du réfugié (20 juin) ; le rapport fait le bilan des déplacements forcés sur la base des statistiques recueillies par le HCR, les gouvernements et d’autres partenaires. Il n’examine pas la situation mondiale en matière d’asile, cette question faisant l’objet d’informations distinctes de la part du HCR et témoignant à nouveau en 2017 d’incidents en matière de retours forcés, de politisation et de stigmatisation des réfugiés, de cas de détention ou d’interdiction de travailler ainsi que de l’existence de plusieurs pays qui contestent l’utilisation même du terme « réfugié ».
Quoi qu’il en soit, le rapport sur les Tendances mondiales livre de nombreux enseignements, notamment des cas où la perception des déplacements forcés est en contradiction flagrante avec la réalité.
On peut citer entre autres l’idée reçue selon laquelle les personnes déracinées à travers le monde se trouveraient principalement dans des pays de l’hémisphère Nord. Les statistiques prouvent l’inverse étant donné que 85 % des réfugiés vivent dans des pays en développement – dont beaucoup sont désespérément pauvres et ne reçoivent qu’un appui limité pour prendre en charge ces populations. Quatre réfugiés sur cinq demeurent dans des pays frontaliers de leur contrée d’origine.
Les déplacements massifs de populations au-delà des frontières sont également moins fréquents que les 68 millions de déracinés à travers le monde ne le laissent supposer. Près des deux tiers des personnes contraintes de fuir sont des déplacés internes qui n’ont pas quitté leur propre pays. Sur les 25,4 millions de réfugiés, un peu plus d’un cinquième sont des Palestiniens relevant de la compétence de l’UNRWA. Les autres, qui relèvent de la compétence du HCR, proviennent, pour les deux tiers d’entre eux, de cinq pays seulement : la Syrie, l’Afghanistan, le Soudan du Sud, le Myanmar et la Somalie. L’arrêt des conflits dans l’un ou l’autre de ces pays pourrait largement transformer la situation mondiale des déplacements.
Le rapport statistique annuel sur les Tendances mondiales livre également deux autres informations importantes : la plupart des réfugiés vivent en milieu urbain (58 %) et non dans des camps ou en zone rurale, et la population mondiale déracinée est constituée de jeunes – 53 % d’entre eux sont des enfants dont beaucoup sont non accompagnés ou séparés de leurs familles.
Tout comme le nombre de pays à l’origine des déplacements massifs, le nombre de pays qui accueillent de vastes populations réfugiées est également faible : au niveau mondial, la Turquie demeure le premier pays d’accueil de réfugiés en valeur absolue, avec une population de 3,5 millions de réfugiés, principalement des Syriens, tandis que le Liban accueille le plus grand nombre de réfugiés au regard de sa population nationale. Au total, 63 % de l’ensemble des réfugiés relevant de la compétence du HCR vivent dans 10 pays seulement.
Le nombre limité de solutions apportées à cette situation est à déplorer. La persistance des guerres et des conflits demeure la cause principale des rares progrès constatés pour le rétablissement de la paix. Environ cinq millions de personnes ont pu rentrer chez elles en 2017 – en grande majorité des déplacés internes – mais nombre d’entre elles ont été rapatriées sous la contrainte ou ont retrouvé des conditions précaires. Vue la baisse du nombre de places de réinstallation offertes, le nombre de réfugiés réinstallés a chuté de plus de 40 %, et concerne environ 100 000 personnes.
Informations complémentaires
Le rapport sur les Tendances mondiales du HCR (en anglais) ainsi qu’un kit de ressources multimédias sont disponible ici.
Informations sur les déplacements forcés – Quelques définitions clés
Le HCR n’utilise pas le terme « migrant » concernant les personnes qui ont été contraintes de fuir.
Réfugié : Toute personne qui a fui son pays et a besoin d’une « protection internationale » en raison d’un risque de violence ou de persécution si elle rentrait dans son pays. Ce terme inclut les personnes qui fuient la guerre. Il tient son origine d’instruments juridiques internationaux, notamment la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le Protocole afférent de 1967 et la Convention de 1969 de l’OUA. Le statut de réfugié peut être obtenu sur demande individuelle. Il peut également être accordé d’office sous l’appellation « prima facie » dans les cas d’afflux massifs de populations. Les réfugiés ne peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine que sur une base strictement volontaire.
Demandeur d’asile : Toute personne ayant présenté à titre individuel une demande d’obtention du statut de réfugié et en attente des suites de sa demande. Les demandeurs d’asile bénéficient d’une « protection internationale » pendant la période d’évaluation de leur demande et, comme les réfugiés, ils ne peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine que sur une base volontaire.
Personne déplacée interne : Toute personne forcée de fuir son foyer et déracinée ailleurs dans son propre pays.
Apatride : Toute personne dépourvue de la nationalité d’un quelconque pays qui se trouve, par voie de conséquence, privée de ses droits fondamentaux et de l’accès aux services dont bénéficient les personnes jouissant d’une citoyenneté. On peut être à la fois apatride et réfugié.
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