Ceci est un résumé des déclarations de Karolina Lindholm Billing, représentante du HCR en Ukraine – à qui toute citation peut être attribuée – s’exprimant depuis Lviv, lors du point de presse du 25 mars 2022 au Palais des Nations à Genève.
Au cours du mois dernier, tout a changé en Ukraine. Deux semaines seulement avant le début de la guerre, j’ai passé une semaine dans l’est de l’Ukraine avec le directeur national du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), pour inaugurer et visiter des centres communautaires pour enfants handicapés et personnes âgées à Avdiika et Popasna. Ces centres sont sans doute aujourd’hui en ruines, comme tant d’autres habitations et structures sociales que nos partenaires humanitaires et de développement ont contribué à mettre en place et à restaurer au cours des huit dernières années, en collaboration avec les autorités et les communautés locales de l’est de l’Ukraine.
Les événements du mois dernier ont inversé les choses et nous ont fait reculer encore plus que la situation dans laquelle nous nous trouvions il y a huit ans. Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux réalités d’une crise humanitaire majeure qui se développe d’heure en heure.
On ne saurait trop insister sur la gravité de la situation.
Du jour au lendemain, des vies ont été brisées et des familles déchirées. En un mois, plus de 10 millions de personnes ont été contraintes de fuir pour sauver leur vie, abandonnant leurs maisons et leurs biens. Plus de 6,5 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de l’Ukraine et 3,7 millions de personnes ont été contraintes de fuir le pays. Ces chiffres augmentent chaque jour. Selon les estimations, quelque 13 millions de personnes sont prises au piège dans les zones affectées ou se retrouvent dans l’incapacité de partir en raison des risques accrus pour leur sécurité, de la destruction des ponts et des routes, ainsi que du manque de ressources ou d’informations sur les endroits où trouver sécurité et hébergement.
« Aujourd’hui, des millions de personnes en Ukraine vivent dans une peur constante. Les tirs aveugles et les bombardements intensifs obligent les gens à s’abriter dans des bunkers pendant des heures, jour et nuit. »
Il en est de même pour les collègues du HCR en Ukraine, qui travaillent désormais depuis des bureaux nouvellement établis à Dnipro, Vinnytsia, Uzhgorod, Tchernivtsi et Lviv, ainsi qu’à Donetsk et Luhansk, des zones hors du contrôle du gouvernement. De nombreux membres du personnel national ont eux-mêmes été déplacés à l’intérieur du pays. Pour plusieurs d’entre eux, c’est la deuxième ou la troisième fois depuis 2014. Malgré cela, ils n’ont pas cessé de travailler. Observer leur dévouement pour venir en aide à d’autres personnes déplacées a été une véritable source d’inspiration.
Nous avons actuellement 154 collègues dans le pays, dont plusieurs en déploiement d’urgence, et nous continuons à renforcer notre capacité d’action. Tout le monde travaille 24 heures sur 24. Les communautés locales, les volontaires, les municipalités et les autorités ont pris en charge la réponse humanitaire. Dès la première minute de cette guerre, ce que nous avons vu en termes de mobilisation locale a été vraiment remarquable, et notre objectif est de renforcer et de compléter les capacités nationales et locales, ce qui est de plus en plus nécessaire à mesure que la crise humanitaire s’aggrave.
En Ukraine, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés opère dans le cadre de la réponse humanitaire inter-agences, sous la direction du coordinateur de crise des Nations Unies. Nous concentrons nos efforts sur la protection, les abris et l’assistance en espèces et en nature, afin de fournir une aide immédiate à ceux qui fuient la guerre. Nous aidons les personnes déplacées à trouver la stabilité et à s’installer dans un endroit plus sûr alors que la situation reste instable et l’avenir imprévisible.
Les équipes du HCR et nos ONG partenaires locales ont été déployées aux postes frontières, dans les centres de transit et d’accueil. Nous nous sommes également rendus dans les zones directement affectées par les bombardements pour fournir des conseils immédiats en matière de protection et des articles de première nécessité.
Dans les zones touchées par les combats, plus de 1000 ménages ont reçu des kits d’abris d’urgence afin de pouvoir effectuer les réparations nécessaires dans leurs maisons endommagées et se protéger des intempéries. Les centres d’accueil du centre et de l’ouest de l’Ukraine ont été dotés de matelas, de couvertures et d’ustensiles de cuisine, ce qui leur permet d’accroître leur capacité d’accueil des personnes déplacées. Au moins 85 000 personnes pourront trouver un hébergement temporaire grâce à ce soutien. Rien que cette semaine, le HCR a livré 20 000 colis d’articles non alimentaires aux personnes affectées et aux centres d’accueil. Bien entendu, cela ne suffit pas à répondre à tous les besoins, mais nous cherchons à saisir toutes les occasions pour apporter notre aide aux personnes dans le besoin. En collaboration avec les autorités locales des lieux accueillant des personnes déplacées des, nous identifions des bâtiments à rénover et à réaménager en centres d’accueil et en centres collectifs, car les besoins en abris sont énormes. Il ne s’agit pas seulement de fournir un abri dans l’urgence. Il est évident que des centaines de milliers, voire des millions, de personnes déplacées auront besoin d’une aide au logement à plus ou moins long terme.
« Il ne s’agit pas seulement de fournir un abri dans l’urgence. Il est évident que des centaines de milliers, voire des millions, de personnes déplacées auront besoin d’une aide au logement à plus ou moins long terme. »
La semaine dernière, à Vinnytsia, j’ai rencontré une mère et sa fille handicapée de 20 ans qui logeaient dans l’un des centres d’accueil soutenus par le HCR. Leur appartement, situé dans la banlieue de Kiev, avait été touché. Il a tout de suite été clair pour moi qu’ils ne seraient pas en mesure de quitter ce centre de sitôt. Comme d’autres familles vulnérables avec lesquelles j’ai parlé dans le même centre d’accueil, elles devront être hébergées dans un centre collectif ou un logement social pendant des mois, voire des années.
Nos équipes s’efforcent de mettre en œuvre nos programmes de protection, d’hébergement et d’assistance non seulement dans l’ouest du pays, mais aussi – dans la mesure du possible – dans le centre et l’est de l’Ukraine, afin de garantir l’accès au logement et aux services vitaux. Nous avons commencé à déployer notre programme polyvalent d’assistance en espèces dans les régions de Lviv et de Zakharpatia, et nous y avons inscrit des milliers de personnes à ce jour. D’autres inscriptions dans six autres régions du centre et de l’est de l’Ukraine auront lieu dans quelques jours. Au total, nous avons pour objectif d’atteindre au moins 360 000 personnes déplacées pour les aider à subvenir à leurs besoins essentiels.
Dans le même temps, nous continuons à nous efforcer d’atteindre les zones les plus touchées, comme Mariupol et Kharkiv, avec une assistance vitale dans le cadre des convois humanitaires inter-agences. Le HCR a rejoint le premier convoi qui s’est rendu à Sumy la semaine dernière dans le cadre du système de notification humanitaire.
Cependant, il est clair que les individus, les familles et les communautés auront besoin de protection, d’abris, d’assistance et d’accès aux services de base comme la santé, l’éducation et la protection sociale pendant des années, voire des décennies. Les effets de cette guerre sont dévastateurs et d’une grande portée.
La forme la plus efficace d’aide humanitaire serait l’arrêt de cette guerre. En attendant, nous devons continuer à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir toutes les personnes affectées.
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