« Le sport nous aide à être courageux, même si la vie est difficile »
Parfait Hakizimana © UNHCR/Anthony Karumba
Par Catherine Wachiaya au camp de réfugiés de Mahama, Rwanda
Lorsque Parfait Hakizimana a appris qu’il participerait aux Jeux paralympiques de Tokyo 2020, il a éprouvé une immense joie.
« J’ai vu cela comme une sorte de porte ouverte pour moi », dit-il, rayonnant de fierté alors qu’il lace ses chaussures devant sa maison dans le camp de réfugiés de Mahama, au Rwanda. Pour Parfait, 32 ans, le chemin vers ce moment décisif a été semé d’embûches qui ont commencé alors qu’il n’était qu’un petit garçon au Burundi.
« J’avais le cœur brisé. C’est un jour inoubliable dans ma vie »
Sa vie a changé à jamais à l’âge de six ans, quand il a été blessé par balles au bras gauche par des hommes qui ont attaqué sa ville natale près de la capitale, Bujumbura. C’est aussi le jour où sa mère a été tuée. « C’est le pire obstacle que j’ai rencontré dans ma vie. J’avais le cœur brisé. C’est un jour inoubliable dans ma vie », dit-il.
Parfait a passé près de deux ans à l’hôpital pour récupérer. Il a perdu la majeure partie de son bras gauche et, depuis, il doit se fier principalement à son bras droit.
« Le sport m’a aidé à surmonter la douleur que j’ai vécue dans mon enfance. »
Quelques années plus tard, quand il avait 11 ans, son père est décédé dans un accident de moto. Orphelin et seul, Parfait s’est réfugié dans l’école et le sport. « Le sport m’a surtout aidé à surmonter la douleur que j’ai vécue dans mon enfance », se souvient-il. « C’est une protection pour moi ».
En effet, Parfait excelle dans les activités sportives, notamment les arts martiaux. Il a découvert le taekwondo et a commencé à participer à divers événements nationaux et régionaux, remportant plusieurs trophées et médailles.
Lorsque les violences post-électorales ont éclaté au Burundi peu après les élections de 2015, Parfait a été contraint de tout abandonner derrière lui et de fuir. Il a trouvé la sécurité au Rwanda, où il a pu trouver une communauté sportive dynamique. En un an, il a créé un club de taekwondo et des centaines de réfugiés burundais se sont inscrits aux cours.
Aujourd’hui ceinture noire et entraîneur certifié, Parfait entraîne 150 réfugiés, dont des enfants d’à peine six ans.
Le sport suscite un vaste intérêt dans le camp de Mahama qui accueille plus de 46 000 réfugiés, principalement originaires du Burundi. Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a lancé en 2017 un programme « Sports pour la protection » qui vise à utiliser le pouvoir transformateur du sport pour faire participer les jeunes, protéger les enfants et favoriser l’inclusion et la coexistence pacifique entre les réfugiés et leurs hôtes.
Le sport, bien plus qu’une activité de loisir
Emilia Nuiselle Lobti, employée du HCR en charge de la protection et basée à Kirehe, affirme que les clubs tels que celui de Parfait sont essentiels pour atteindre les objectifs du programme. « Il y a beaucoup de clubs sportifs ici, ce qui montre à quel point les réfugiés aiment le sport. Mais le sport est bien plus qu’une activité de loisir. C’est une opportunité pour eux d’être inclus et protégés et une chance de guérir des traumatismes passés, de développer et d’accroître leurs compétences », explique-t-elle.
Le partenariat du HCR avec le Comité international olympique (CIO), le Comité international paralympique (CIP) et d’autres partenaires a vu des réfugiés participer aux Jeux olympiques et paralympiques à Rio en 2016 et cette année à Tokyo où les Jeux paralympiques débuteront le mardi 24 août. Le HCR mène l’appel global pour un monde dans lequel toutes les personnes déracinées, y compris les personnes handicapées, peuvent accéder et participer au sport de manière égale.
Parfait sait bien à quel point il est important pour les réfugiés d’avoir un accès sans entrave aux activités sportives. « Le sport nous aide à être courageux, même si la vie est difficile », dit-il, ajoutant que des sports comme le taekwondo sont particulièrement importants car ils enseignent également des compétences pour la vie courante. « Le taekwondo fait partie de ma vie et je l’aime aussi car il m’aide à oublier des moments difficiles auxquels j’ai fait face au cours des années passées », dit-il. « Il nous aide à avoir l’esprit d’équipe, le courage et le respect de l’autre en tant qu’être humain ».
Le champion africain
Bien qu’il ait quitté le Burundi seul, il est aujourd’hui entouré de la grande famille du taekwondo qui l’a accueilli comme l’un des leurs. Lorsqu’il ne s’entraîne pas, il passe du temps avec sa femme Irène et sa fille de 11 mois, Brinka. Ses exploits ont inspiré l’ensemble de la communauté des réfugiés et, alors qu’il se prépare aux jeux de Tokyo, il est encouragé par les vœux qu’ils lui adressent pour qu’il devienne « leur champion africain ».
Sa coach, Zura Mushambokazi, a confiance en lui. « Parfait travaille dur et il a confiance en lui. Je sens qu’il est capable et je suis persuadée qu’il va obtenir de bons résultats », dit-elle.
Son désir ultime est de remporter une médaille aux Jeux paralympiques et que les réfugiés de Mahama et du monde entier soient fiers. « La vie a été compliquée mais maintenant je vois que si vous êtes patient, vous obtiendrez ce que vous voulez », sourit-il. « Il y a de bonnes choses à venir ! »
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