L’évacuation de Kaboul touche à sa fin. Une crise bien plus sévère s’annonce.
Fuir son pays natal fait naître un sentiment de perte déchirant. Les scènes qui se sont déroulées à l’aéroport de Kaboul ces derniers jours ont suscité un élan de compassion dans le monde entier face à la peur et au désespoir de milliers d’Afghans. Mais lorsque ces images auront disparu de nos écrans, il restera des millions de personnes qui auront besoin que la communauté internationale agisse.
En exhortant les talibans et toutes les autres parties à respecter les droits humains, en particulier ceux des femmes et des jeunes filles, le secrétaire général des Nations Unies a fait savoir que le monde entier serait attentif. Mais notre vision du problème est déjà trop étroite. Les évacuations ont sans aucun doute contribué à sauver des dizaines de milliers de vies, et ces efforts sont louables. Mais, quand le pont aérien et la frénésie médiatique prendront fin, l’écrasante majorité des Afghans, soit quelque 39 millions de personnes, resteront en Afghanistan. Ils ont besoin de nous – gouvernements, humanitaires, simples citoyens – pour rester auprès d’eux et maintenir le cap.
Environ 3,5 millions de personnes ont déjà été déracinées par la violence à l’intérieur du pays, dont plus d’un demi-million depuis début 2021. La plupart d’entre elles n’ont aucun moyen de se mettre à l’abri. Alors que l’urgence est évidente et que des millions de personnes ont désespérément besoin d’aide, la réponse humanitaire en Afghanistan demeure sévèrement sous-financée. Certains Afghans sont toujours déplacés à l’intérieur du pays, tandis que d’autres commencent à retrouver le chemin de leur foyer après les combats. Tous dépendent des programmes d’aide humanitaire qui doivent être renforcés, et rapidement.
Près de la moitié des réfugiés dans le monde sont des enfants
Certains Afghans devront inévitablement fuir en quête de sécurité au-delà des frontières de leur pays. Ils doivent pouvoir exercer leur droit de demander une protection internationale, et les frontières doivent rester ouvertes à cette fin. Les pays voisins de l’Afghanistan qui accueillent des réfugiés depuis des décennies ont besoin d’un soutien accru. Ils risquent aujourd’hui d’être confrontés à de nouvelles arrivées en provenance d’Afghanistan tout en continuant à accueillir les réfugiés afghans dont les perspectives de retour ont diminué, tandis que d’autres, qui étaient partis pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales, ne peuvent plus rentrer en sécurité.
Depuis quatre décennies, le Pakistan et l’Iran ont accueilli des millions de réfugiés afghans. Beaucoup sont rentrés chez eux après 2001 avec l’espoir d’un avenir meilleur, mais ces deux pays accueillent encore quelque 2,2 millions de réfugiés afghans enregistrés, soit près de 90% de la population afghane réfugiée. Alors que nous continuons à plaider pour l’ouverture des frontières, davantage de pays doivent partager cette responsabilité en matière d’aide humanitaire, notamment à cause de la situation critique dans laquelle se trouve la République islamique d’Iran face au défi de la pandémie.
Les réfugiés auront également besoin de solutions à plus long terme. Beaucoup d’entre eux pourraient effectuer un retour librement consenti en Afghanistan, lorsque les conditions seront réunies et au moment de leur choix. En revanche, la réinstallation dans des pays tiers – une opportunité pour les personnes les plus vulnérables de recommencer leur vie dans un nouveau pays – n’est une option que pour une infime partie des réfugiés à travers le monde. Pourtant, même pour ce groupe, après 40 ans de conflit persistant en Afghanistan, ainsi que d’autres crises de déplacement forcé à travers le monde, le manque de places de réinstallation se faisait déjà durement ressentir. Davantage de places de réinstallation sont requises. Elles sont d’une importance capitale, non seulement pour sauver des vies, mais aussi pour témoigner de la bonne volonté et du soutien envers les pays qui assument la majeure partie de la responsabilité pour aider les personnes déracinées.
Alors que les gens du monde entier accueillent des Afghans au sein de leurs communautés et leurs foyers, nous ne pouvons oublier les personnes qui sont restées sur place. Nous devons répondre aux besoins humanitaires critiques en Afghanistan et dans les pays de la région, au moyen d’efforts de réponse robustes et urgents. Soutenir le peuple afghan, c’est soutenir chacun d’entre eux, qu’ils aient fui à l’étranger en quête de sécurité ou qu’ils tentent actuellement de retrouver un semblant de normalité chez eux. Les personnes qui se sont massées envers et contre tout à l’aéroport de Kaboul pour trouver une place sur les vols d’évacuation sont les mêmes que celles qui pourraient s’approcher de nos frontières dans les semaines et les mois à venir. Ces derniers jours, nous avons fait preuve de sympathie et de solidarité envers les Afghans. Continuons à le faire. Le moment est venu pour nous d’être véritablement à la hauteur de l’appel à la coopération internationale exprimé dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et réaffirmé dans le Pacte mondial sur les réfugiés.
Les vols d’évacuation hors de Kaboul cesseront dans quelques jours, et la tragédie qui s’y déroule ne sera plus aussi visible. Mais elle restera une réalité quotidienne pour des millions d’Afghans. Nous ne devons pas nous en détourner. Une crise humanitaire bien plus grave ne fait que commencer.
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