Dans son pays d’origine, la Macédoine du Nord, Djenk n’a pas pu vivre ouvertement son homosexualité et a été victime de violences physiques et verbales. À l’âge de 19 ans, il a fait sa valise avec quelques vêtements, s’est enfui en Belgique et y a trouvé un nouveau foyer. Aujourd’hui, il est presque diplômé comme enseignant et est prêt à partager sa passion et son militantisme.
« Je me sens plus chez moi ici qu’en Macédoine du Nord. En 5 ans, j’ai créé un lien plus fort avec la Belgique qu’en 19 ans là-bas. Ici, je peux réaliser tout ce que j’avais imaginé pour mon avenir, en termes d’éducation, de militantisme et d’expression de soi ».
Djenk, qui parle couramment le néerlandais, le français et l’anglais, s’engage aujourd’hui pour d’autres réfugié.e.s LGBTQI+ qui ont vécu une expérience similaire. Il est interprète pour plusieurs organisations telles que Brussel Onthaal et Genres Pluriels, et contribue à des projets de sensibilisation à la situation des réfugiés LGBTQI+ en Belgique.
Depuis janvier, il occupe également une position centrale auprès du Queer Refugee Committee, mis en place par les réfugié.e.s LGBTQI+ de Bruxelles et le HCR. L’objectif : briser le silence, le thème de la Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie (IDAHOT) de cette année.
Les membre du comité peuvent être fiers : Médecins Sans Frontières les a contactés pour qu’ils se portent volontaires au centre de triage des patients vulnérables de Tour & Taxis pendant la crise du coronavirus. Djenk co-traduit maintenant des textes d’information en espagnol et saisit toutes les occasions d’apporter sa contribution à cette crise.
Djenk avait 13 ans lorsqu’il a réalisé qu’il était gay. Depuis lors, il a dû se battre pour pouvoir pousser de toutes ses forces les portes qui se fermaient devant lui et arriver là où il est maintenant.
Lorsqu’il a fait son « coming out » à 17 ans et a eu une relation avec un autre garçon, il a commencé à être quotidiennement victime d’agressions physiques et verbales et n’a pas immédiatement pu trouver une protection appropriée contre la violence homophobe. Il ne pouvait plus compter sur le soutien de ses parents et les conséquences se sont répercutées sur ses études.
Par ailleurs, sa mère a commencé à lui chercher une jeune fille à épouser. Il en était sûr : il ne pouvait pas rester en Macédoine du Nord et devait se construire une vie ailleurs. « Pour moi, c’était l’enfer là-bas. Ce n’était pas une maison, je ne pouvais pas m’y reposer. Je ne pouvais même pas parler à mon petit ami ».
Cinq ans après son départ de Macédoine du Nord, il n’y est toujours pas retourné. Ses parents sont morts entre-temps. Djenk raconte combien il est difficile de vivre en sachant que ses parents ne l’ont jamais accepté tel qu’il est vraiment. Une telle expérience l’a marqué à vie.
Pourtant, dès le début, il ne voulait pas que ses traumatismes d’adolescence deviennent un facteur décisif. Sa persévérance est devenue le pivot central de son histoire d’intégration.
Et cela s’est avéré nécessaire, car pour vivre la procédure d’asile, il devait rester fort. Djenk devait non seulement répondre à la question de savoir pourquoi il était venu ici, mais il devait aussi prouver son orientation sexuelle, parfois par des questions très intimes. Heureusement pour lui, ce n’était pas très difficile. « Je suis quelqu’un de très ouvert, mais je peux imaginer que certaines personnes bloquent sur ces questions ».
Dès le début, il a essayé de se concentrer sur son développement personnel en Belgique : il a appris les langues, et a commencé ses études pour devenir professeur d’école secondaire.
« Je veux devenir professeur d’anglais et d’éthique. Je m’intéresse particulièrement à cette deuxième discipline : elle me tient à cœur, car je peux aborder de nombreux sujets de société avec mes étudiants et parler de thèmes tels que le racisme, l’oppression, l’homophobie, le féminisme… ».
Djenk sait ce que c’est que de ne pas être accepté pour ce que l’on est, et de devoir faire face à des violences physiques et verbales en raison de son identité sexuelle. C’est pourquoi il veut soutenir les réfugié.e.s qui vivent la même chose, et œuvrer à la création d’un espace sûr pour les réfugiés LGBTQI+ en Belgique : un environnement où ils se sentent suffisamment en sécurité pour s’exprimer, sans crainte de discrimination ou d’intimidation. « J’accompagne beaucoup de gens qui ont trouvé leur chemein de la Macédonie du Nord à la Belgique ou ailleurs, parce que je les comprends ».
Il s’agit également de l’un des objectifs du Queer Refugee Committee, récemment créé et co-fondé par le HCR en janvier. Le comité servira de plateforme de dialogue, d’interaction et de coopération et espère ainsi représenter la communauté LGBTQI+ en la mettant en contact avec les organisations de réfugié.e.s à Bruxelles et en contribuant à une politique d’inclusion. Cet espace sûr devrait réduire l’isolement des réfugié.e.s LGBTQI+.
Thierry, qui n’est pas lui-même un réfugié mais qui a soutenu les bases administratives et juridiques de la plateforme et qui est également actif à la Rainbow House de Bruxelles, explique que son comité tente de recueillir le plus grand nombre d’informations sur les questions liées aux procédures d’asile et à l’intégration des personnes qui font partie de la communauté LGBTQI+. « Nous voulons regrouper ces informations. En fait, nous agissons comme un interface. »
Djenk sait ce que c’est que de ne pas être accepté pour ce que l’on est, et de devoir faire face à des violences physiques et verbales en raison de son identité sexuelle. C’est pourquoi il veut soutenir les réfugié.e.s qui vivent la même chose, et oeuvrer à la création d’espaces sûrs pour les réfugié.e.s LGBTQI+ en Belgique.
Des discussions de groupe, coordonnées par des professeurs de la KU Leuven et de l’Université Libre de Bruxelles, ont permis l’examen de questionnaires permettant d’identifier les préoccupations, les expériences d’intégration et les participations des réfugié.e.s LGBTQI+.
Le comité en est encore à ses débuts, mais Djenk a de grands projets. Il espère qu’il pourra contribuer au débat public. Ainsi, les réfugié.e.s reconnu.e.s, qui ne sont pas encore Belges et ne peuvent donc pas encore voter, disposent toujours d’une plateforme pour s’impliquer dans les débats politiques qui déterminent leur vie.
« Je veux que nous soyons là quand quelqu’un parle des réfugié.e.s LGBT. Avec différentes personnes du comité, pour pouvoir représenter notre propre voix, notre propre vision », déclare Dzenk.
Thierry parle de l’importance d’un organisme qui rend visible les personnes demandant l’asile qui viennent en Belgique et demandent une protection basée sur leur orientation sexuelle, et leurs offre une oreille attentive. « Certain.e.s réfugié.e.s et personnes demandant l’asile viennent nous trouver pour enfin pouvoir raconter leur histoire. Ils n’osent le faire nulle part ailleurs, par peur de la discrimination ».
À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie (IDAHOT), le HCR se concentre sur les droits des réfugié.e.s et des personnes demandant l’asile LGBTQI+, et souhaite souligner l’importance du pouvoir unificateur des réseaux et des associations qui les soutiennent. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a souligné l’année dernière à l’occasion d’IDAHOT 2020 : « En ce moment même, une personne fuit la persécution en raison de son orientation ou de son identité sexuelle. Le HCR les soutient dans le monde entier ».
En ce jour d’IDAHOT, et tous les autres jours, Djenk brise le silence avec le HCR : il veut raconter sa propre histoire, ainsi que celle de nombreux autres réfugié.e.s LGBTQI+. Il veut faire entendre sa voix haut et fort, non seulement en tant que réfugié, mais aussi en tant que membre de la société.
« Nos histoires et nos vérités sont centrales aujourd’hui. Je veux construire des ponts et contribuer à ce que les gens fassent leur coming out et soient fiers d’eux-mêmes et de leur identité ».
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