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Vienne : les élèves d'une école de musique à l'unisson avec les réfugiés

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Vienne : les élèves d'une école de musique à l'unisson avec les réfugiés

Les cours des écoles de musique de la ville donnent aux réfugiés l'occasion d'apprendre à jouer d'un instrument et à leurs élèves celle d'obtenir des unités de valeur en enseignement.
25 Mai 2018 Egalement disponible ici :
Ulrike Schmidt (2e à partir de la droite), la directrice du projet Live Music Now, en compagnie de quelques-uns des réfugiés qui apprennent à jouer d'un instrument grâce aux élèves d'écoles de musique de la ville.

VIENNE, Autriche — Samedi soir, dans le café-concert de Schwarzberg, le public se déchaîne. Des réfugiés improvisent aux côtés des élèves d’écoles de musique qui leur ont appris à jouer de leurs instruments.

Sur la scène, Milad Osman, 23 ans et originaire d'Afghanistan, se lance dans un bref solo au piano, alors qu'il n'en joue que depuis deux mois.

« Je suis très fier de lui », explique Visar Kasar, 23 ans, qui vient du Kosovo et fait des études de composition au Conservatoire de jazz et de musique populaire, aussi connu sous le nom de Jam Music Lab. Visar enseigne le piano à Milad dans le cadre du projet d'échange musical “Unisono”.

Unisono est une initiative de la section viennoise de Live Music Now, une organisation internationale fondée par le violoniste Yehudi Menuhin qui introduit la musique dans des lieux fermés tels que les maisons médicalisées et les prisons.

UNHCR, the UN Refugee Agency
@Refugees
🎶 🎺🎸 Refugees are jamming with music students in Austria who have been teaching the newcomers how to hit the right note https://t.co/pmynKWGO9I https://t.co/2qXfrqZiUE

 

Ulrike Schmidt, la directrice du projet Live Music Now-Unisono, a eu l'idée de rapprocher les réfugiés et les élèves d’écoles de musique de Vienne comme le Jam Music Lab et de l'université de musique et des arts du spectacle (MDW). Encadrés par leurs professeurs, les élèves peuvent obtenir des unités de valeur en donnant cours aux réfugiés.

Ces cours ont été annoncés dans les centres d'hébergement de réfugiés où Live Music Now a donné un premier concert.

« Quand nous donnions des concerts dans des centres d'hébergement pour les réfugiés, le public nous posait des questions », raconte Ulrike Schmidt. « Ils nous disaient, ‘ce sont de beaux concerts, on aime votre musique, mais pourriez-vous nous enseigner la musique ?’»

« C'est une merveilleuse situation gagnant-gagnant. »

Quarante-deux réfugiés sont pris en charge par 10 élèves du Jam Music Lab en jazz et musique populaire, tandis que 20 réfugiés et 20 élèves se concentrent sur la musique classique au MDW, où l'enseignement se fait davantage par cours particuliers.

Gabriela Haffner, la Secrétaire générale de Live Music Now Vienna, explique que les élèves, qui se forment au métier d’enseignant, ont besoin d'expérience pratique. « Nous les avons donc rapprochés des réfugiés. C'est une merveilleuse situation gagnant-gagnant. »

Pour bon nombre d'entre eux, la guitare est l'instrument de choix. « Quand j'étais jeune, je voulais toujours jouer de la guitare parce que ça permet de sortir avec des amis et de chanter ensemble », explique Khadija Ahmadi, 19 ans, originaire d'Afghanistan. « Mais en Afghanistan c'était totalement impossible d'en jouer. Les femmes n'en n'avaient pas le droit et, de manière générale, la musique était un pêché. »

Pour le concert dans ce bistro où les réfugiés jouent en public pour la première fois, Khadija porte une tenue inspirée des années 1920, avec un bandeau et de longues boucles d'oreille. Les cours lui ont donné de l’assurance.

« J'ai commencé à zéro », explique-t-elle. « Je ne savais même pas comment tenir l'instrument. J'étais la seule fille de la classe, ça me gênait. Mais le professeur était gentil et m'a mise à l'aise. »

« J'aimerais encourager d'autres jeunes filles à rejoindre le projet. On pense souvent ‘que vont dire les gens ? ’ Mais j'ai envie de dire aux femmes et aux jeunes filles qu'elles ne vivent qu'une fois et qu'elles devraient faire ce qu'elles aiment et ce qui leur fait plaisir. »

Wahid Maharami, 23 ans et originaire d'Afghanistan, a entendu parler des cours de musique à son cours d'allemand et il a également décidé d'apprendre à jouer de la guitare. Sur scène, il porte un nœud papillon bleu et joue sur une guitare rouge qui lui a été offerte par une famille autrichienne.

« C'est génial de participer au projet », dit-il. « J'ai rencontré plein d'amis autrichiens. J'adore réellement la musique. Maintenant, je ne peux plus vivre sans elle. »

« Je n'avais jamais chanté de ma vie. Ma vie musicale est née ici. »

Les réfugiés ont été inspirés par des étudiants enseignants comme Gerald Stenzl, 24 ans, qui fait un master au Jam Music Lab. Le premier cours de guitare qu’il a animé regroupait 15 à 20 débutants et il va gérer la prochaine phase du projet.

« J'ai essayé d'abandonner l'enseignement verbal et la théorie pour donner cours de manière non verbale — appel et réponse », explique-t-il.

« Nous ne mettons pas les débutants dans la classe la plus basse. On trouve des aptitudes très diverses dans chaque groupe. Les participants peuvent jouer différents rôles ; ils font ce qu'ils peuvent. Nous voulons qu'ils aient un sentiment de réussite chaque fois qu'ils viennent chez nous. »

Faith Ogoruwa, une Nigériane de 20 ans, rayonne en quittant la scène après la répétition. Elle ne s’est pas encore mise à l’étude d'un instrument, mais elle explore les possibilités de sa voix prometteuse.

« J'aime monter dans les aigües, comme ça », dit-elle en chantant la phrase, ‘I love the way you look at me.’

« Je n'avais jamais chanté de ma vie. Ma vie musicale est née ici. » 

Le projet Unisono a également permis à Said Ahmad Hoseini, un Afghan de 23 ans, de réaliser son rêve et d'apprendre à jouer du violon.

« J'ai toujours aimé le violon et j'écoutais du blues », raconte-t-il. « Je me sens vraiment bien quand je joue au violon. »

« Ce n'est pas facile de travailler avec eux, mais c'est vraiment gratifiant. »

En s'impliquant dans le projet, son professeur, Andrew Gorman, originaire d'Angleterre, espère que l’expérience acquise améliorera ses chances de décrocher un emploi dans une école de musique autrichienne.

« Les réfugiés commencent réellement à la case départ », dit-il.  « Ce n'est pas facile de travailler avec eux, mais c'est vraiment gratifiant. »

Certains des participants n'ont pas encore reçu de réponse à leur demande d'asile. « Chaque fois que l'un d'entre eux obtient une réponse favorable, le groupe célèbre l’évènement avec des Mozartkugeln (des boules au chocolat) », explique Ulrike Schmidt.  « Et quand quelqu’un se voit signifier un refus, tout le groupe est sous le choc. »

Dans le café-concert, tout le monde a envie de faire la fête. La musique monte et le public commence à danser. « C'est vraiment super. J'ai envie de m’inscrire à ces cours », déclare Sahil Salehizadeh, un jeune Afghan de 19 ans.

Parmi les spectateurs, il y a aussi Julian Yo Hedenborg, un pianiste qui fait ses études à Eisenstadt. L’engagement moral de l'évêque de la région a conduit les réfugiés à s’installer dans cette ville de l'est du pays et Julian voudrait les aider. « Je suis venu ici, à Vienne, pour me faire une idée de ce qui peut se faire », explique-t-il.

À ce moment, des bravos et des applaudissements accueillent le solo de piano de Milad Osman. « Je me sens libre. Je peux faire plein de choses folles », dit-il en parlant de son improvisation, « mais bon, il faut aussi que j’apprenne les notes et la technique de doigts au piano. »

« C'était formidable », commente Visar Kasar qui lui donne cours depuis deux mois à peine. « Je réalise à quel point j'ai sous-estimé la nervosité de mes propres professeurs. Je crois que j'étais plus nerveux pour Milad qu’il ne l’était lui-même. »