Du camp à la ville, les rapatriés du Myanmar s'adaptent tant bien que mal à la vie à Yangon
Du camp à la ville, les rapatriés du Myanmar s'adaptent tant bien que mal à la vie à Yangon
YANGON (Myanmar) – Lorsque Thant Zin Maung a décidé de rentrer dans son pays en octobre dernier, il a dit à ses enfants de s’amuser à cœur joie.
« Jouez autant que vous le pouvez, parce que lorsque vous serez rentrés, vous ne pourrez plus jouer autant », dit‑il sur le ton de la plaisanterie, alors que la famille réunissait ses affaires dans le camp de réfugiés de Nupo, en Thaïlande, où elle a vécu pendant plus de 10 ans.
Ses fils, Khant Min et Khant Lin sont nés dans le camp de Nupo. C’est le seul foyer qu’ils ont jamais connu. Peu leur importait de dormir dans une hutte en bambou aux craquements fréquents et de se laver dans une cuve commune à l’extérieur. Dans le camp, ils pouvaient courir librement avec les autres enfants réfugiés avec qui ils avaient grandi.
Cependant, Thant Zin Maung avait d’autres priorités. « Je voulais rentrer depuis longtemps, pour l’avenir de mes enfants et la santé de ma femme », dit‑il, expliquant que sa femme, Ta Pyi Soe, a du mal à marcher à cause d’un problème de santé non diagnostiqué.
L’année dernière, en octobre, la famille de Thant Zin Maung a choisi de se joindre au premier groupe de réfugiés à retourner volontairement au Myanmar. En tout, 71 réfugiés ont quitté les camps de Nupo et de Tham Hin, avec l’aide des gouvernements de la Thaïlande et du Myanmar, du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que de ses partenaires. La plupart sont retournés dans l’État de Kayin, voisin de la Thaïlande. Les autres sont retournés dans les régions de Thanintharyi, Bago, Mon et Yangon, en particulier.
« Je voulais rentrer depuis longtemps. »
Six mois plus tard, la famille vit dans l’appartement de la sœur de Thant Zin Maung, à Yangon, la capitale commerciale du pays. Lorsqu’ils ne sont pas à l’école du quartier, les enfants passent leur temps à sauter du canapé et à jouer aux billes dans l’appartement du troisième étage.
« Le camp me manque », dit Khant Min, sept ans. « Ici, je n’ai pas beaucoup d’amis et mon père me dit que je ne peux pas jouer dehors. Je m’ennuie quand je joue à l’intérieur. »
Thant Zin Maung sait que ses enfants ne sont pas tout à fait au diapason avec les autres jeunes, parce qu’ils parlent différemment et connaissent mal les produits de la culture populaire locale, comme les dessins animés et les aliments à grignoter. « Nous leur expliquons sans cesse que tout ira bien et qu’ils se feront bientôt des amis », dit‑il.
La réinsertion de Thant Zin Maung, 48 ans, se déroule bien. Il vient de terminer une formation de deux mois sur la fourniture de soins aux personnes âgées. Il s’est fait des amis parmi les autres participants à la formation, les formateurs et les personnes qu’il voit tous les jours dans le train.
La famille prévoit de s’installer bientôt à Shwe Lin Pan, un parc d’HLM que le gouvernement a ouvert à titre exceptionnel au premier groupe de rapatriés ayant choisi de vivre à Yangon.
Les allocations de retour et de réintégration que les autorités, le HCR et ses partenaires distribuent aux rapatriés leur permettent d’effectuer un premier paiement pour leur appartement subventionné. Néanmoins, ils doivent emprunter de l’argent à leurs proches et ils devront effectuer des versements mensuels de 80 000 kyats (environ 60 dollars) pendant les 10 prochaines années.
« Notre situation actuelle me rend un peu nerveux », admet Thant Zin Maung, notant qu’un retard dans la délivrance de son permis de conduire avait pesé sur sa recherche d’emploi. « Mais j’ai acquis des compétences variées dans le camp et je devrais bientôt trouver un emploi qui me convient. »
Thant Zin Maung cherche un emploi, mais son objectif ultime est d’ouvrir un centre de jour pour personnes âgées dans le parc d’HLM de Shwe Lin Pan.
Sa femme note que les autres familles de rapatriés se font aussi à leur nouvelle vie après avoir rencontré quelques difficultés au début. « Un homme et une femme ont ouvert un commerce de riz et leur fille travaille dans un institut de beauté. Un autre homme effectue des petits travaux de menuiserie à Shwe Lin Pan ».
Aujourd’hui âgée de 35 ans, la femme de Thant Zin Maung va d’ailleurs mieux. Les soins qu’elle reçoit et l’amélioration de ses conditions de vie l’aident à se sentir plus solide sur ses jambes. Le fait d’être réunie avec sa mère paralysée à Yangon lui remonte aussi le moral.
Cependant, ces personnes, qui ont vécu longtemps dans des camps, prendront un certain temps à s’habituer à la ville. « Nous étions comme une grande famille dans le camp. L’atmosphère conviviale me manque », dit Ta Pyi Soe. « Il y a tellement plus de voitures et de gens ici. Mais nous n’avons jamais croisé notre voisin. Sa porte est toujours fermée. »
En dépit des difficultés qu’ils rencontrent, les rapatriés sont résolus à s’adapter à un Myanmar en mutation.
« J’occuperai quatre ou cinq emplois s’il le faut », dit Thant Zin Maung. Mon objectif pour les cinq prochaines années est de posséder une maison et une voiture, de donner une éducation de haute qualité aux enfants et de vivre heureux avec ma famille. J’aurai alors le sentiment d’avoir réussi ma vie. »
Quelque 102 000 réfugiés birmans résident toujours dans neuf camps établis en Thaïlande, le long de la frontière avec le Myanmar. Depuis le retour du premier groupe l’année dernière, plus de réfugiés ont exprimé leur intérêt pour un rapatriement volontaire. De nombreux autres suivent la situation de près pour prendre une décision éclairée quant à leur avenir.