La fermeture des frontières dans les Balkans préoccupe Filippo Grandi, le chef du HCR
La fermeture des frontières dans les Balkans préoccupe Filippo Grandi, le chef du HCR
LESBOS, Grèce, 24 février - En renforçant les restrictions aux frontières, l'Europe va au-devant d'une aggravation de la crise des centaines de milliers de réfugiés qui fuient la guerre et les combats en Syrie, en Afghanistan, en Iraq et dans d'autres pays.
C'était le message du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Filippo Grandi au cours de sa première visite officielle sur l'île de Lesbos mardi dernier (23 février).
« Les nouvelles sur le nombre croissant de fermetures de frontières européennes le long de la route des Balkans me préoccupent énormément », a-t-il déclaré. « Ces décisions provoqueront encore plus de chaos et de confusion, et elles vont alourdir encore plus la charge de la Grèce qui assume déjà une énorme responsabilité en accueillant ces gens.
« Ces fermetures nous préoccupent, car elles ne vont pas de pair avec des ouvertures qui permettraient un transfert ou une réinstallation ailleurs. »
Filippo Grandi, qui a repris la direction du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au 1er janvier, s'est rendu au port et dans les centres d'enregistrement au cours d'une journée pendant laquelle au moins 1800 réfugiés et migrants ont entrepris la dangereuse traversée en canot pneumatique à partir de la Turquie.
Il a expliqué à quel point il était frappé par le dévouement et l'efficacité des garde-côtes grecs qui vont au secours des réfugiés. Il a également dit qu'il était ravi des progrès accomplis dans la gestion du flux de réfugiés et migrants qui arrivent à Lesbos.
Il a toutefois également souligné la nécessité d'encourager davantage l'option du transfert. Alors qu'un système de répartition a été mis en place, les pays de l'Union européenne qui acceptent de donner 1200 places n'en proposent pas assez, et un trop petit nombre de réfugiés participe au dispositif, a-t-il indiqué. Ce dispositif pourrait faire considérablement baisser le nombre de réfugiés et migrants qui se rendent en Autriche, en Allemagne et en Suède. Il pourrait également alléger la charge assumée par la Grèce.
L'année dernière, plus de 500 000 réfugiés ont touché le sol européen pour la première fois en arrivant à Lesbos. Depuis le début de l'année, ils sont plus de 50 000 à être arrivés sur l'île. Filippo Grandi a signalé que « l'Europe n'a pas fait preuve d'une grande solidarité, mais nous voyons ici le meilleur de l'Europe », grâce aux efforts considérables de la population locale, des autorités de l'île, des bénévoles et des ONG partenaires.
Il a également dénoncé ce qu'il appelle « la tendance à classer les gens le long de la route par nationalité. Certains sont bons et peuvent passer » comme les Syriens et les Iraquiens, alors que d'autres sont bloqués, comme les Afghans, les Somaliens et les Palestiniens.
Filippo Grandi a formulé son ambition d'organiser une conférence du HCR qui se tiendrait le 30 mars pour encourager la mise en place de voies légales pour les Syriens, afin de réduire leur dépendance des réseaux illégaux de passeurs et en régulariser le flux. Il a expliqué qu'autant l'Europe que le reste du monde doivent s'engager à accueillir nettement plus de Syriens pour atténuer la charge assumée par les principaux pays d'accueil, à savoir la Turquie, le Liban et la Jordanie.
« Mais nous ne leur dirons pas d'en prendre quelques centaines ou quelques milliers, comme c'est le cas maintenant. Nous leur dirons d'en prendre des centaines de milliers. De fait, nous espérons qu'ils pourront accueillir 10 pour cent de toute la population des réfugiés syriens, c'est-à-dire presque un demi-million de gens. »
Grandi a écouté les récits de plusieurs réfugiés dans le port et dans le centre d'accueil. Hallal explique avoir fui sa maison bombardée de Hamaa il y a un an et demi. Il a passé 18 mois à cueillir du coton avec sa femme et son fils de 11 ans, pour rassembler les 4000 dollars qu'il leur fallait pour la traversée dangereuse vers Lesbos.
Hallal veut que ses sept enfants vivent en sécurité et puissent aller à l'école, même s'ils doivent abandonner leur pays.
« C'est leur destin », dit-il. « J'espère, si Dieu le veut, que la guerre finira en Syrie et que nous pourrons rentrer chez nous. Il est bien mon pays, mon pays m'est cher. Mais à cause de mes enfants, j'avais peur et j'ai dû quitter mon pays. »
En fin d'après-midi, le Haut Commissaire a rendu hommage aux réfugiés qui n'ont jamais pu repartir de Lesbos. Filippo Grandi est monté jusqu'au sommet du cimetière St. Pantelaimonas où plus de 150 d'entre eux ont été enterrés.
La plupart se sont noyés, beaucoup d'enfants, dont les vies trop courtes sont signalées par des peluches et ces quelques mots 'petit inconnu'. Un moment de silence dans un endroit calme qui rappelle la tragédie que peut être le départ forcé en exil.
Don Murray, Lesbos, Grèce