Son rêve de jeune fille : Devenir pilote après avoir fini l'école
Son rêve de jeune fille : Devenir pilote après avoir fini l'école
CAMP DE REFUGIES DE KULE, Ethiopie, 11 février (HCR) - Avant la guerre quand elle habitait encore au Soudan du Sud, Nyahok Reath aimait regarder les avion-cargo des Nations Unies chargés de matériel humanitaire qui décollaient de l'aéroport à proximité de chez elle.
Agée maintenant de 13 ans, elle a décidé qu'elle ferait son possible pour devenir pilote. « Je voudrais aller dans différentes régions du monde, et aider les gens dans le besoin », déclare Nyahok, désormais scolarisée à l'école primaire du camp de réfugiés de Gambella, en Ethiopie, où elle vit aujourd'hui.
Douée d'une forte détermination, son professeur dit qu'elle pourrait faire les études requises. Toutefois, comme pour les 127 500 autres enfants réfugiés à Gambella, un manque de financement pour tous les cycles d'éducation signifie que ses rêves pourraient ne jamais se réaliser.
Actuellement, le HCR et ses partenaires ne peuvent financer l'enseignement que jusqu'à la première année du cycle secondaire, dans les deux écoles secondaires où la plupart des nouveaux arrivants sont inscrits. Sans dixième, onzième ou douzième année, les chances de passer un examen de fin de cycle secondaire sont minces.
Chez elle à Nasir, dans l'Etat du Nil supérieur au Soudan du Sud, Nyahok faisait partie de la nouvelle génération qui était scolarisée alors que son pays bénéficiait du retour de la paix après des décennies de guerre civile. Ses sujets de prédilection sont les mathématiques et les sciences, dit-elle.
Puis, en décembre 2013, le conflit a repris. « Il y avait des tueries partout. Personne n'était plus en sécurité », explique Nyahok, qui a alors marché avec sa famille pendant une semaine avec très peu de vivres vers l'Ethiopie et le camp de réfugiés de Kule, l'un des six de la région de Gambella.
Maintenant, il est difficile de maintenir l'élan pour sa scolarité en cours. Déjà, moins de la moitié des enfants du camp sont scolarisés, et la surpopulation signifie parfois que cinq élèves se pressent sur un même bureau. Les bâtiments aux matériaux rudimentaires sont peu efficaces pour les protéger contre une chaleur ambiante de 40 degrés. Les classes de 150 élèves ne sont pas rares.
Lim Bol Thong, le directeur adjoint de l'école de Nyahok, décrit la liste des obstacles qui se dressent sur le chemin des études pour ses élèves. « Nous n'avons ni bibliothèque, ni manuels. Certains étudiants ne disposent pas d'uniformes, ni de chaussures, ni de lampes pour étudier la nuit », dit-il. « Nous manquons de professeurs et nous devons diviser l'école pour enseigner le matin et l'après-midi avec un système de rotations d'élèves. »
Il ajoute toutefois fièrement, que tous sauf un parmi les 471 enfants réfugiés sud-soudanais ayant passé les examens de fin d'école primaire en Ethiopie en 2015, l'ont réussi. Malgré les difficultés, son école s'est classée au deuxième rang à Gambella et il refuse de se laisser décourager.
« Quand j'aide les gens, mon métier me passionne », explique-t-il lors d'une interview vidéo. « Quand je travaille pour aider, cela signifie que ma communauté grandira. Et je vais produire davantage de personnes qui à leur tour serviront les autres. »
Jaël Shisanya, employée du HCR en charge de l'éducation dans le camp, a estimé qu'un million de dollars US est nécessaire pour développer au moins l'une des écoles secondaires et le cycle de quatre années complètes. Cela aurait des avantages au-delà de la seule éducation.
« Ce sont des adolescents : les garçons risquent d'être recrutés par des groupes armés, les filles sont confrontées au mariage précoce », a déclaré Jaël Shisanya. « Aller à l'école les protège, assure une continuité dans leur éducation et leur fournit un moyen d'existence pour plus tard. »
Nyahok a de la chance car ses parents la soutiennent dans son ambition. Rien ne presse pour elle de se marier, selon sa mère Nyanchiok qui ajoute : « Si elle est éduquée, elle aidera davantage la famille plus. »
« Ma fille est très intelligente », déclare Reath Kun Keat, son père. « Elle est toujours dans les premiers de sa classe. Je veux qu'elle devienne médecin, même si elle aimerait devenir pilote. Je ne vais pas l'arrêter. »
Mais aujourd'hui Nyahok pense moins à son avenir. Les souvenirs du passé sont présents ainsi que des inquiétudes pour l'avenir.
« Au Soudan du Sud, nous avions assez à manger, l'école était bien et nous avions beaucoup de vaches. Mais nous avons dû tout laisser derrière nous et fuir », dit-elle, en retenant ses larmes. « En tant que réfugiés, nous faisons du jardinage pour gagner un peu d'argent mais parfois je pense aux problèmes de nourriture et je dois même aller à l'école pieds nus. »
Le HCR et ses partenaires viennent en aide à plus de 270 000 réfugiés sud-soudanais qui vivent près de Gambella, dont plus de 220 000 qui sont arrivés depuis que la reprise du conflit au Soudan du Sud en décembre 2013.
Angèle Djohossou dirige le bureau auxiliaire du HCR à Gambella. Elle indique que les demandes ont été faites pour des crédits supplémentaires afin de financer de plus longues études, mais elle a ajouté que « l'enseignement secondaire souffre de manque de financement. »
Si cette pénurie de financement était comblée, des dizaines de milliers de jeunes Sud-Soudanais, y compris Nyahok, pourraient réaliser leur rêve.
Par Sulaiman Momodu, au camp de réfugiés de Kule, Ethiopie