Faim et terreur : le lot quotidien des résidents piégés à Mossoul où la bataille fait rage
Faim et terreur : le lot quotidien des résidents piégés à Mossoul où la bataille fait rage
HAMMAM AL-ALIL, Iraq - Après la mort de son neveu abattu pendant qu'il cherchait à fuir la vieille ville de Mossoul, Abou Taha s'est retrouvé pris au piège. Les extrémistes armés ont décrété que porter un sac à dos chargé justifie de se faire abattre.
Abou Taha a préféré se cacher dans sa cave avec ses neuf enfants pour atteindre l'arrêt des combats. Lorsque les forces gouvernementales iraquiennes ont reconquis son quartier la semaine dernière, ils ont enfin pu prendre la fuite.
Le jour suivant, cet homme de 53 ans se retrouvait les yeux débordants de larmes de soulagement au centre de réception du camp d'Hammam al-Alil, construit par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, dans le sud de Mossoul.
« Je ne pourrai jamais dire à quel point je suis heureux, » dit-il. « Ici, tout est vraiment bien comparé à ce que nous avons vu dans la vieille ville de Mossoul. Si je commençais à décrire les tragédies que nous avons traversées, j'en aurais pour jusqu'à demain. »
« Les combats sont désormais livrés rue après rue, maison après maison et les risques encourus par les civils n'ont jamais été plus importants. »
Dans la semaine du 21 juin, 20 000 Iraquiens environ ont fui Mossoul-Ouest. La plupart d'entre eux, comme Abou Taha, ont échappé à d'intenses affrontements de rue dans la vieille ville où les forces iraquiennes luttent pour reprendre le contrôle de la dernière poche de la ville encore aux mains des militants.
Les résidents pris au piège risquent chaque jour leur vie dans des tentatives désespérées pour traverser les lignes de front sous le feu mortel des tireurs embusqués qui les prennent délibérément pour cible. Parallèlement, les personnes vivant dans la zone toujours plus étroite que contrôlent les militants sont délibérément exposées au danger par les combattants.
« Les combattants déplacent les civils pour s'en servir comme boucliers humains, » a déclaré Bruno Geddo, le représentant du HCR en Iraq. « Les combats ont atteint une intensité maximale sur le terrain et sont désormais livrés rue après rue, maison après maison et les risques encourus par les civils n'ont jamais été plus importants, » a-t-il ajouté.
Les dizaines de milliers de civils toujours prisonniers dans la vieille ville sont confrontés à des stocks alimentaires toujours plus bas, il n'y a pas d'électricité ou d'eau potable, d’où l'apparition de maladies et de la faim qui se généralise, surtout chez les enfants et les personnes âgées, trop frêles pour prendre la fuite.
Au centre de réception d'Hammam Al Alil, Abou Taha sort de son portefeuille un sachet minuscule qui ne contient plus qu'une cuillérée de sucre en poudre. Pendant le siège, il en mélangeait quelques grains avec de l'eau pour garder ses enfants en vie.
« Maintenant les enfants mangent et dorment bien et toutes leurs peurs se sont apaisées, » dit-il en montrant Zahra, sa fille de six ans rendue sourde par la chute des bombes et les tirs d'artillerie autour de leur maison à Mossoul.
« Ils n'ont pas arrêté de manger depuis que nous sommes arrivés hier. Ils avaient tellement faim, » dit-il. Sa femme Amira, 51 ans, raconte que les enfants sont tombés malades après avoir bu l'eau croupissante des puits.
« Les enfants... n'ont pas arrêté de manger depuis que nous sommes arrivés hier. Ils avaient tellement faim. »
D'après les statistiques des autorités iraquiennes, plus de 875 000 personnes ont fui depuis le début des combats pour la reconquête de la ville en octobre 2016, dont près de 700 000 résidents de Mossoul-Ouest. Plus de 679 000 personnes sont toujours déplacées, la plupart étant abritées dans les camps établis autour de Mossoul.
Après le tir de roquette qui a détruit sa maison dans le quartier de Shifa, Maysa Muhammed, 47 ans, s'est échappée à travers les gravats. « Nous allons bien, » dit-elle depuis le centre de réception d'Hammam al-Alil, entourée par les membres de sa famille. « Nous nous sentons en sécurité, mais nous sommes épuisés et nous voulons juste nous reposer. »
Elle raconte qu'à Mossoul, les extrémistes ont imposé à sa famille comme à d'autres de percer des trous dans les murs de leur maison pour pouvoir se déplacer sans être vus à travers les rues de la ville.
« S'ils passaient et ne voyaient pas de trous, on risquait d'être exécutés ou torturés. » Elle aurait aimé s’échapper plus tôt, mais c'était impossible. « On savait qu'ils [les extrémistes] avaient déjà tué des familles qui avaient essayé de s'enfuir. »