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Amérique centrale : une famille fuit la violence des gangs

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Amérique centrale : une famille fuit la violence des gangs

Quatre membres de la famille Perez ont été assassinés par des gangs urbains au Salvador. Les 17 survivants ont fui vers les Mexique.
27 Mars 2017
Trois membres de la famille Perez, des réfugiés salvadoriens au Mexique, en visite sur la tombe de l'une des leurs dans l'État de Chiapas, au Mexique.

Les Perez gagnaient modestement mais confortablement leur vie en vendant des denrées alimentaires et du pain dans un quartier chaud de la capitale du Salvador. Tous les enfants de la famille étaient au collège ou au lycée et certains allaient même à l'université, sous le regard satisfait de Maria Luz Perez, la matriarche de 71 ans, qui voyait l'héritage familial se perpétuer.


« Toute ma famille – parents, grands-parents, arrière-grands-parents – est née et morte au Salvador, » dit-elle en hochant la tête. « Mais tout ça a pris fin à cause d'une tentative d'extorsion de 5000 dollars. »

Tout a commencé au milieu de l'année 2015, lorsque l'un des gendres de Maria Luz s'est vu réclamer une somme en espèces, le soi-disant « impôt de guerre » prélevé par les gangs criminels du Salvador. Comme il ne pouvait pas payer, ils l’ont assassiné.

« On vivait comme des animaux, enfermés dans la maison, et on n’ouvrait la porte que pour courir chercher à manger. »

Sandra Felicitas Perez, 42 ans, a été la suivante à être menacée. On lui réclamait 5000 dollars, une somme impossible à réunir, pour préserver la sécurité de sa famille et de son affaire.

« On vivait comme des animaux, enfermés dans la maison, et on n’ouvrait la porte que pour courir chercher à manger, » raconte-t-elle.

Après quelques semaines de cette vie d'assiégés, Maria Luz, leur fille de 19 ans nommée comme sa grand-mère, a bravé le danger pour se rendre à leur boutique. Elle était en première année d'université, mais insistait pour donner un coup de main dans l'entreprise familiale. Les membres du gang la guettaient, à peine sortie de chez elle, et ont froidement assassiné cette jeune et jolie fille à l'intérieur du magasin.

« Quand j'ai appris la nouvelle, ma vie s'est écroulée, » dit Sandra en montrant sur son téléphone une photo de Maria Luz et de ses deux frères, tous hilares. « Deux jours après, on l'a enterrée et puis on s'est enfui. Je savais que si on ne partait pas, ils nous tueraient tous. »

En juillet 2015, munis de quelques vêtements et de tout le liquide qu'ils ont pu réunir, ils sont partis pour le Mexique vers le nord, avec Carla, la jeune sœur de Sandra, et ses deux filles adolescentes.

« Deux jours après, on l'a enterrée et puis on s'est enfui. Je savais que si on ne partait pas, ils nous tueraient tous. »

À ce stade, les extorsions et les menaces s'étaient étendues à l'ensemble de la famille Perez. Le neveu de Sandra et les quatre membres de sa famille avaient pris la fuite quelques semaines auparavant et avaient déjà demandé asile au Mexique. Pourtant, rien ne semblait devoir mettre fin aux tueries.

Rodolfo Antonio, 14 ans, le petit-fils préféré de Maria Luz, a été abattu par le membre d'un gang qui voulait ses chaussures de sport. Trois mois plus tard, Sara del Carmen, la mère de ce jeune adolescent, a elle aussi été abattue par le même gang.

Aujourd'hui, les 17 membres survivants de la famille Perez vivent tous dans le même immeuble, dans une petite ville du sud du Mexique. En partie grâce au soutien financier du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, chaque cellule de la famille peut financer le loyer de son petit logement.

Les Perez comptent parmi les personnes de plus en plus nombreuses qui fuient l'Amérique centrale vers le Mexique afin d'échapper aux gangs de rue, les maras, des organisations criminelles transnationales dont les méfaits vont du trafic de drogue, à l'extorsion en passant par les cambriolages, les viols et les meurtres.

Selon le HCR, les demandes d'asile au Mexique pourraient doubler en 2017 et se chiffrer à plus de 20 000. En outre, nombreux sont ceux qui, comme la famille Perez, quittent leur pays en groupe.

« Nous voyons de plus en plus de familles de grande taille qui demandent asile au Mexique, » déclare Mark Manly, le représentant du HCR au Mexique. « Nous faisons tout notre possible pour que ces familles puissent rester unies et se soutenir mutuellement afin de surmonter les conditions traumatiques de leur déracinement. »

Maria Luz a eu beaucoup de mal à partir pour le Mexique. Elle souffre de nombreux problèmes de santé : elle n'y voit presque plus, ses genoux sont gonflés comme des melons, elle fait de l'hypertension et elle a des problèmes cardiaques.

« Nous faisons tout notre possible pour que ces familles puissent rester unies et se soutenir mutuellement. »

Malgré tout, elle survit avec ce qui demeure de la famille Perez parce qu'ils sont tous ensemble.

« Je m'occupe de ma mère parce que tous ses problèmes de santé lui rendent la vie bien difficile, » dit Ana Ruth, une autre des filles de Maria Luz. « Je garde aussi les enfants et les petits-enfants quand les autres membres de la famille doivent aller travailler. »

Ils se soutiennent mutuellement et font tout ce qu'ils peuvent pour gagner de quoi survivre. Carla, la fille de Maria Luz, travaille 12 heures d'affilée dans un bar à tortillas où elle ne gagne que cinq dollars par jour. Sandra exploite une petite boutique chez elle et les bénéfices quotidiens tournent toujours autour du même chiffre. Pablo, le mari d'Ana Ruth, gagne 10 dollars par jour dans l'atelier de mécanique où il travaille. Il a également réussi à faire embaucher ses deux gendres et son neveu dans le même atelier.

« On se sent plus en sécurité quand on est avec sa famille, » dit Sandra. Elle tire vers elle son fils Jose, le seul enfant qui lui reste. Il travaille lui aussi à l'atelier de mécanique et espère qu'il pourra un jour aller à l'université au Mexique.

« Je veux qu’on nous voient comme des gens qui travaillent dur, qui font de leur mieux, » dit-il en éclatant en sanglots. « C'est comme ça que nous pouvons honorer ceux d'entre nous qui sont morts. »