Bora - La rentrée scolaire
Bora - La rentrée scolaire
Voilà bientôt 4 mois que la famille Riziki est arrivée en France. Progressivement, la vie quotidienne se met en place. Les démarches pour l’inscription à l’école de son fils Ibrahim de 7 ans ont été faites avec l’aide de France Terre d’Asile. Quant à la petite Amina, encore une fois sa surdité engendre des complications : il lui faudra intégrer une école spécialisée, et cela risque de retarder sa rentrée.
En attendant, les vacances d’été ont paru bien longues à la jeune maman, même si ce temps libre a permis à la famille de s’habituer à son nouveau quartier, de faire connaissance avec les voisins qui, solidaires, ont apporté des jouets pour les enfants.
Les démarches administratives suivent elles aussi leur cours, lentement mais sûrement, et au début du mois d’août, Bora a eu la joie d’obtenir sa carte de résidente d’une durée de validité de 10 ans !
Depuis quelques semaines, elle s’est liée d’amitié avec une autre réfugiée congolaise. Ensemble, elles font leurs premiers pas dans la capitale et en profitent pour faire un peu de tourisme, admirer la tour Eiffel !
Une autre fois, Bora s’aventure avec les enfants dans les rues sinueuses de Barbès, s’arrêtant auprès des vendeurs de rue pour acheter du maïs ou quelques légumes africains, avant de déboucher sur les hauteurs de Montmartre et de s’étonner d’une ambiance si différente entre deux quartiers si proches.
Loin de la jeune femme craintive des premiers mois, Bora est indépendante désormais, elle prend les transports en commun, se repère dans la ville, adopte petit à petit les codes de la vie parisienne.
En haut de la butte, elle s’absorbe dans la contemplation du panorama, surveille du coin de l’œil Amina et Ibrahim et les rabroue quand ils se penchent un peu trop sur le bord du parapet. Loin de la jeune femme craintive des premiers mois, Bora est indépendante désormais, elle prend les transports en commun, se repère dans la ville, adopte petit à petit les codes de la vie parisienne.
C’est la rentrée !
La veille du jour J, Bora n’a toujours pas d’informations précises concernant la rentrée de son fils. Elle s’inquiète. Elle a bien reçu une lettre, mais celle-ci est écrite en français et elle est incapable de la lire. Elle finit par réussir à déchiffrer l’adresse : il s’agit de l’école élémentaire du Pré aux agneaux, dans la ville voisine d’Épinay-sous-Sénart. En effet, Ibrahim va bénéficier d’un enseignement adapté pour les élèves allophones.
À 7h30 le lendemain, les enfants sont prêts et la famille prend le chemin de l’école. Ibrahim rayonne dans des vêtements neufs. Casquette vissée sur la tête, il trépigne d’impatience ! Manque à ce petit écolier en herbe un cartable et quelques fournitures de base. Qu’importe, les enseignants seront indulgents pour ce premier jour… En route mauvaise troupe !
« Quand ils ont été scolarisés normalement dans leur langue, cela va très vite »
L’institutrice accueille Bora avec douceur, mais remarque que le nom d’Ibrahim n’est sur aucune liste. La famille est conduite devant la directrice – une femme dynamique et joviale. Celle-ci est un peu débordée, mais prend le temps de répondre aux questions de la maman et la rassure : c’est une simple erreur administrative, cela n’a pas d’importance.
Ibrahim peut rejoindre ses camarades. Après avoir rapidement sondé son niveau, elle décide de le placer dans la classe de CP et non de CE1 comme le voudrait son âge, car le petit garçon a raté une bonne partie de l’année précédente et qu’il ne maîtrise pas encore la lecture.
Ibrahim, jusqu’alors très excité, est gagné par une timidité soudaine et cache son visage dans le col de son sweat quand l’institutrice lui demande son prénom. Elle le conduit ensuite dans la classe où les autres élèves sont déjà assis. Par la porte restée ouverte, l’enfant jette des coups d’œil furtifs à sa mère et sa sœur.
Amina veut le rejoindre, mais Bora la retient. La fillette est furieuse de ne pas avoir le droit d’aller à l’école elle aussi ! Sa maman sèche ses larmes d’une main consolatrice, mais elle ne peut lui expliquer la raison de ce délai. Il lui faudra être patiente.
En deux temps et trois mouvements, l’organisation est actée. Ibrahim déjeunera à la cantine et restera une heure à la garderie tous les soirs. Cela laissera à Bora le temps d’occuper ses journées. D’abord, planifier des cours de français, et plus tard trouver un emploi. Et maintenant ? « Je vais emmener celle-ci au parc », glisse Bora dans un sourire, en hissant Amina sur ses épaules, « sinon la pauvre va pleurer toute la journée ! » La joie de la maman, ravie de savoir son fils à l’école, contraste avec le chagrin de la fillette.
Le dispositif UPE2A
Deux jours par semaine, Ibrahim quitte la classe de CP pour rejoindre celle de Madame Desousa, l’institutrice en charge de l’UPE2A (Unité Pédagogique pour Élèves Allophones Arrivants). Cet enseignement spécialisé est destiné aux enfants qui ne maîtrisent pas encore la langue française, parmi lesquels figurent de jeunes réfugiés comme lui, mais aussi des enfants dont les parents ont immigré pour des raisons économiques ou familiales.
« Quand ils ont été scolarisés normalement dans leur langue, cela va très vite », affirme l’institutrice. On a « prescrit » à Ibrahim 5h30 d’enseignement du français par semaine. « Il fait preuve de grandes capacités d’adaptation ! Bien sûr, il est un peu agité, mais il comprend vite, on voit qu’il observe beaucoup. C’est un petit garçon souriant, plein d’énergie, il est très à l’aise et ne semble pas perturbé… »
La récréation terminée, une dizaine d’élèves s’installe en une seule rangée derrière des petits bureaux. Ils viennent du Maroc, de Moldavie ou du Portugal et sont âgés de 5 à 7 ans. Ibrahim est parmi les plus grands.
« Qu’est-ce qu’on dit en arrivant ? », demande la maîtresse, « Bon-jour ! » s’écrie-t-il avec son grand sourire édenté.
Aujourd’hui, on travaille l’oral : des jeux sur l’alphabet et les couleurs. Ibrahim participe activement, il essaye de faire des phrases en français, butte, se reprend, recommence… S’il persévère ainsi, c’est aussi parce que madame Desousa maîtrise l’art de faire passer l’apprentissage pour un jeu. À la fin de cette première semaine d’école, le petit garçon n’a qu’une hâte : que le week-end passe vite, pour pouvoir y retourner !